Comptes rendus La biographie dans la littérature médiévale, éd. Élisabeth GAUCH

Comptes rendus La biographie dans la littérature médiévale, éd. Élisabeth GAUCHER, Lille, Centre d’Études Médiévales et Dialectales de Lille 3, 2001 ; 1 vol. in-8°, 194 p. (Bien dire bien aprandre. Revue de Médiévistique, 20). Prix : € 23. Sous la direction d’É. Gaucher, cette livraison de Bien dire bien aprandre est constituée de quatorze études classées par ordre alphabétique, traitant de la biographie dans la littérature médiévale. É. Gaucher rappelle qu’il s’agit d’un genre complexe, à travers la représentation du héros biographique, inscrite dans la droite ligne des autres biographies chevaleresques et des fictions romanesques, et marquée par la présence de l’auteur. Les autres contributions explorent cette ambiguïté générique, soit dans des œuvres qui se donnent pour des vies, soit dans des textes historiographiques et romanesques. S’intéressant à la présence des Vies de philosofes dans la seconde rédaction de l’Image du monde, Ch. Connochie-Bourgnes explique que les éléments biographiques participent d’une démonstration d’ordre moral, afin de louer la lignée des hommes de science. Dans la Vita Merlini qu’analyse R. Baudry, ils sont conjugués au récit des métamorphoses de Merlin pour répondre au canevas traditionnel des scenarii initiatiques à des fins d’édification. J. Devaux examine pour sa part les liens étroits que La vie du Prince Noir, biographie chevaleresque, entretient avec la chronique curiale et avec l’autobiographie. Cette dernière affleure, comme l’observe M. Santucci, dans Gillion de Trazegnies, plus prodigue en renseignements sur le narrateur que sur le personnage de Gillion. Avec L’histoire de Jason, composée par Raoul Lefèvre, D. Quéruel choisit de s’interroger sur la manière dont ce héros mythique devient l’objet d’une biographie chevaleresque, à mi-chemin entre la littérature et l’histoire, à dessein de propagande politique à la Cour de Bourgogne. À travers des « textes à valeur biographique » (p. 68) et les exemples de Guillaume, comte de Bordeaux, de Guibert de Nogent et d’Abélard, Y. Ferroul s’attache de son côté au moment précis où le fils doit choisir sa vie, sur les traces ou non, de son père. Dans le registre des Vies de saints, M.G. Grossel situe la Vie de Marie d’Oignies, composée par Jacques de Vitry, aux frontières de la biographie et de l’hagiographie, alors que la Vie de saint Hugues de Grenoble étudiée par N. Nabert apparaît davantage 140 COMPTES RENDUS comme une biographie spirituelle, fondée sur les événements de la vie intérieure du saint, mais travaillée aussi par la présence du narrateur. Dans la veine historiographique, Y. Guilcher démontre comment, avec Saladin, l’entreprise biographique, nourrie des fragments réels d’une vie, est dénaturée au fil du temps et des œuvres, et comment l’image du chef oriental est gauchie en vertu de projets idéologiques ou narratifs. La démarche est autre dans Le Livre de Podio ou Chroniques d’Étienne de Médicis, et la Chronique de Metz de Philippe de Vigneulles, où, selon D. Courtemanche et M. Chopin-Pagotto, les éléments biographiques et autobiographiques permettent de comprendre comment les auteurs perçoivent et retracent l’histoire de leur ville. Envisageant l’alliance entre le roman et la biographie, S. Menegaldo définit le Roman du Castelain de Coucy et de la dame de Fayel comme une biographie poétique, « c’est-à-dire spécifiquement consacrée à un personnage de poète » (p. 127), tandis que M. Vauthier décèle dans le Conte du Graal de Chrétien de Troyes des éléments biographiques, sans en faire « une biographie au sens banal du terme, ni une hagiographie » (p. 194). Présence de la biographie aussi selon Ph. Logié dans les romans antiques et dans les deux romans de Wace, mais une biographie repensée en termes mythiques. Par sa diversité, ce recueil a le mérite de proposer des analyses suggestives, plus ou moins convaincantes, qui, tout en témoignant de la difficulté à proposer une définition univoque du genre, reflètent la vitalité de ce vaste champ de recherche. Catherine CROIZY-NAQUET L’expansió catalana a la Mediterrània a la baixa edat mitjana, éd. Maria Teresa FERRER I MALLOL et Damien COULON, Barcelone, CSIC, 1999 ; 1 vol. in-8°, X-208 p. (Anuario de Estudios medievales, Annex 36). ISBN : 84-00-07840-3. Ce petit ouvrage est issu de la coopération entre la Casa de Velázquez (Madrid) et l’Institució Milà i Fontanals du CSIC (Barcelone) qui s’est manifestée au travers d’un séminaire, tenu à Barcelone en 1998, où chercheurs catalans et français ont examiné les enjeux économiques de l’expansion catalane en Méditerranée. Au milieu du XIVe siècle, les marchands-armateurs catalans, à travers la figure de Joan Lombarda, étudié par D. Coulon, apparaissent comme très proches du pouvoir, et ne dédaignent pas, outre leurs initiatives commerciales en direction de la Méditerranée orientale, de se rendre utiles à la Couronne lors d’opérations maritimes prenant place dans le cadre des guerres contre Gènes, la Castille ou lors de la révolte de la Sardaigne. L’institution des Consulats de Mer (en 1279 à Barcelone) a favorisé l’organisation collective du commerce dans les villes catalanes ; on sait moins que leur imitation, dans les ports étrangers, par la création des Consulats d’Outremer fournit à ces marchands un point d’appui important pour leur commerce, par exemple à Alexandrie, Palerme, Constantinople, mais aussi Pise, Gènes et Séville ou Alméria, partout les consuls catalans en poste veillaient aux bonnes relations avec les autorités locales, garantissaient la sûreté des marchandises des Catalans dans leurs alfòndecs, les entrepôts maritimes, les avertissaient des dangers de piraterie (M.T. Ferrer, D. Duran). Même à Grenade, où l’historiographie privilégie par trop le rôle des Génois, les Catalans furent actifs (R. Salicrú). Au Maghreb (M.D. Lopez), ou à Bougie COMPTES RENDUS 141 (D. Valerian), comme en Cilicie (C. Mutafian), auprès du royaume arménien fondé en 1198, les Catalans obtiennent des privilèges de commerce : ces régions fournissaient cuir, laine, cire, alun et aussi de l’or de provenance africaine, et recevaient du sel d’Ibiza, de l’huile, des grains, du coton, du fil, des draps en provenance de Catalogne, mais aussi des produits de réexportation, textiles de Bourgogne par exemple. Catalans, c’est-à-dire Barcelonais, Valenciens et Majorquins se répartissaient les aires d’influence commerciale ainsi que les marchés des produits, en fonction de leurs possibilités d’approvisionnement. Le commerce maritime est d’ailleurs très souvent complexe : partant de Barcelone pour la Sicile, les navires passent par Tunis, déchargent et chargent avant de se rendre à Palerme, puis il n’est pas rare qu’une partie du blé sicilien revienne à Tunis, nouvelle escale sur le chemin de retour. Les portulans catalans des XIVe et XVe siècles gardent témoignage de ces routes commerciales privilégiées : la Cilicie, par exemple, y est bien située, et désignée une fois comme « Petite Arménie ». Les relations diplomatiques viennent consolider dans un second temps ces échanges commerciaux. Un intéressant document publié, en arabe, transcrit et étudié par M. Viladrich, livre le contenu d’un traité de paix daté de 1429-1430 entre Alphonse le Magnanime et le sultan mamelouk Barsbay qui codifie les privilèges des marchands catalans opérant sur le domaine du sultan, ainsi que les droits et prérogatives des consuls catalans. J. Aurell avance l’idée selon laquelle les marchands catalans, au cours du XVe siècle, tournant le dos aux entreprises risquées, se montrèrent davantage enclins aux investissements plus assurés, comme l’achat de rentes publiques, de biens immobiliers en ville ou de propriétés rurales, développant un état d’esprit aristocratique expliquant qu’ils soient restés bien en retrait par rapport à l’esprit d’entreprise de leurs homologues italiens. L’ouvrage se lit avec beaucoup d’intérêt, alternant des études de cas utilisant une documentation riche avec des visions plus larges de mentalités, d’aires régionales ou de relations politiques. L’appareil de notes fournit de riches indications bibliographiques, parfois difficiles à connaître pour le lecteur français. Un travail utile, qui permettra sans doute de réévaluer la place des Catalans – de toutes origines et de toutes motivations – dans la Méditerranée médiévale. Aymat CATAFAU La Commanderie, institution des ordres militaires dans l’Occident médiéval, éd. Anthony LUTTRELL et Léon PRESSOUYRE, Paris, Éditions du CTHS, 2001 ; 1 vol. in-8°, 361 p. (Archéologie et histoire de l’art, 14). ISBN : 2-7355-0485-9. Prix : € 46. Ce luxueux volume broché rassemble les communications de 22 chercheurs rassemblés à Sainte-Eulalie-de-Cernon (Aveyron) les 13-15 octobre 2000 en vue d’étudier le plus petit dénominateur commun des ordres militaires. En résultent quatre chapitres tournant autour de la typologie des commanderies, de leur personnel, de leur organisation, de leurs activités économiques, complétés par une évocation de la commanderie de Sainte-Eulalie, remarquablement conservée. L’article de J. Riley-Smith sur l’apparition des premières commanderies hospitalo- templières en Occident (p. 9-18) précède une brève analyse de J.M. Carbasse sur le statut juridique reconnu à ces établissements au Moyen Âge (p. 19-27). Leurs 142 COMPTES RENDUS commandeurs tout en étant protégés par le droit canon semblent ne pas avoir hésité à solliciter la justice royale en cas de litiges avec leurs sujets ou des baillis sourcilleux. Une cinquantaine d’affaires consignées dans les registres des Olim des années 1254- 1318 mettent en évidence les actions communes du Temple et de l’Hôpital dans certains contentieux au même titre que la suspicion royale à l’égard de leurs aspirations judiciaires. La monarchie tend en effet sous l’action de uploads/Litterature/ revue-du-moyen-age-compte-rendus.pdf

  • 61
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager