Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article
Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RFP&ID_NUMPUBLIE=RFP_673&ID_ARTICLE=RFP_673_0797 Argument | Presses Universitaires de France | Revue française de psychanalyse 2003/3 - Volume 67 ISSN 0035-2942 | ISBN 213053564X | pages 797 à 802 Pour citer cet article : — Argument, Revue française de psychanalyse 2003/3, Volume 67, p. 797-802. Distribution électronique Cairn pour Presses Universitaires de France . © Presses Universitaires de France . Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Argument On doit la première synthèse théorique de « la perversion narcissique » à P.-C. Racamier. Racamier donne de la perversion narcissique une description clinique avant de l’aborder sur le plan métapsychologique. Cette notion « sert son souci de décrire et de traquer les processus pervers dans les familles et dans les groupes », précise G. Bayle, dans son étude biographique consacrée à P..C. Racamier1. On sait que Racamier s’est particulièrement attaché à décrire le caractère délétère de la perversion narcissique dans l’institution psychia- trique. Il emploie des mots très percutants pour décrire les moyens employés par les pervers narcissiques et prône le combat pour enrayer leur action. Ce sont des « noyauteurs » pour qui tout est bon pour attaquer le plaisir de penser et la créativité : pour le pervers narcissique dominent « le besoin, la capacité et le plaisir de se mettre à l’abri des conflits internes et en particulier du deuil en se faisant valoir au détriment d’un objet manipulé comme un ustensile et un faire- valoir »2. Il ajoute qu’ « il n’y a rien à attendre de la fréquentation des pervers narcissiques, on peut seulement espérer s’en sortir indemne ». Il préconise de confondre ces noyauteurs par l’humiliation pour qu’ils « se crachent eux- mêmes » et il ajoute : « Tuez-les, ils s’en foutent, humiliez-les, ils en crèvent ! »3 Avec une violence de plume tout à fait inhabituelle, Racamier, le théra- peute inlassable de patients psychotiques au long cours – avec lesquels il sait faire naître des mouvements profonds d’identification réciproques grâce au maniement subtil de son contre-transfert – se déchaîne contre le comporte- ment des pervers narcissiques. La conception que développe Racamier de la perversion narcissique est- t.elle encore analytique ou n’est-elle que purement phénoménologique ? Elle s’inscrit dans le droit fil de ses réflexions sur la séduction narcissique (mater- nelle en particulier) et le mouvement pervers et dérive directement des travaux Rev. franç. Psychanal., 3/2003 1. Gérard Bayle, Paul-Claude Racamier, Paris, PUF, « Psychanalystes d’aujourd’hui », 1997. 2. P.-C. Racamier, Cortège conceptuel, Éd. Apsygée, Paris, 1993. 3. P.-C. Racamier, Le Génie des origines, Psychanalyse et psychoses, Paris, Payot, 1992. concernant les névroses de caractère, organisations asymptomatiques et ego- syntoniques dont l’entourage porte le poids alors que le sujet considère sa façon d’être comme légitime. La perversion narcissique serait l’extrême de la névrose de caractère ou constituerait même une « perversion de caractère ». L’intensité des réactions négatives des psychanalystes en général, et de Racamier en particulier, en face de telles organisations ne viendrait-elle pas du fait que celles-ci s’opposent presque point par point au programme que s’impose l’analyste vis-à-vis de son patient ? À la fois contre-dépressive, anti-conflictuelle et anobjectale, la perversion narcissique implique-t-elle nécessairement à son origine un impératif défensif qui mobilise déni et expulsion dans autrui des douleurs et tensions internes narcissiquement trop blessantes pour le sujet ? Le narcissisme de la perversion narcissique serait alors un narcissisme blessé. L’attraction objectale, vécue comme dangereuse, conduit le pervers nar- cissique à faire de l’objet un « objet-non-objet » chosifié. L’objet apparaît ainsi d’autant plus indispensable à la réalisation du mouvement pervers nar- cissique qu’il est craint, attaqué et réduit à sa fonction de réceptacle inerte. Pourrait-on faire intervenir ici une dynamique contenant-contenu inspirée de Bion ? Comment, dès lors, envisager l’objet de la perversion narcissique ? Peut-on se contenter de l’approximation qui consiste à le décrire comme « objet-non objet » ? Peut-on percevoir ici, malgré les efforts défensifs, les vestiges des investis- sements libidinaux et agressifs sous la forme d’un double et dramatique triomphe anal et phallique, et quelle est la place des pulsions partielles dans cette forme de perversion ? La souffrance de ces sujets, pour être masquée, n’est-elle pas considé- rable, contraignante ? La perversion narcissique apparaît, elle, comme une modalité de lutte contre la perte de l’unité du self, comme un ultime rempart contre la déper- sonnalisation et la psychose, comme un aménagement aussi destructeur que désespéré pour maintenir une survie psychique au détriment d’autrui ? La seconde théorie des pulsions ne trouve-t-elle pas ici son terrain de pré- dilection où vie et mort s’affrontent interminablement ? Si, du point du vue individuel, on peut considérer que grâce à l’alliance avec l’autoérotisme, la perversion narcissique serait une cicatrisation moins déstructurante du deuil originaire que la psychose, il convient, par contre, d’être particulièrement vigilant face au potentiel destructeur de ces organisa- tions de caractère dans les groupes. À côté des authentiques organisations perverses narcissiques, P.-C. Raca- mier laisse une place à l’existence de « moments » pervers narcissiques suscep- 798 Revue française de Psychanalyse tibles de survenir à la faveur d’un moment de vie particulièrement doulou- reux, conflictuels ou dépressifs. Il fait même de ces moments, quand ils surviennent a minima, des facteurs qui participent à une adaptation sociale satisfaisante. Si les authentiques pervers narcissiques viennent rarement demander de l’aide aux psychanalystes, ne rencontre-t-on pas, à l’occasion, dans le cours évolutif d’une cure, des « secteurs » pervers narcissiques chez un analysant, que ceux-ci préexistent ou qu’ils apparaissent comme des modalités défensives particulières qui s’organisent à la faveur de mouvements transférentiels ? Qu’en est-il alors du contre-transfert ? Le danger n’est-il pas, du fait notam- ment des inévitables attaques narcissiques dont l’analyste est l’objet, de passer à côté de la douleur originelle qui les sous-tend puisque telle est la finalité même du mouvement pervers narcissique ? Comment analyste et analysant peuvent-ils alors sortir de tels aveuglements antalgiques ? Le terme de Racamier qui associe narcissisme et perversion invite tout naturellement à réenvisager les rapports des deux notions : le dictionnaire Robert associe « pervers » à « corrompu », « dépravé », « méchant ». L’ad- jectif « pervers » est plus ancien (XIIe siècle) que la « perversion » qui n’apparaît qu’au XVe siècle en y ajoutant le « dérangement », le « dérègle- ment » et l’ « égarement » ou, par extension, la « folie ». La « perversité » reste associée à la « perfidie » ou à la « malignité » ; elle s’oppose à la « bonté », à la « bienveillance » et à la « vertu. » « Corrompre » et « dévoyer » ne vont pas sans « séduire » : seducere, conduire à soi, ce qui implique une dimension narcissique active dans toute perversion... Le « narcissisme », mot du XXe siècle, hésite entre une « contemplation de soi » ou « une perversion sexuelle qui consiste à se choisir comme objet éro- tique » (selon le Robert). Dans la construction de la théorie analytique, le statut du narcissisme a varié entre des définitions successives qui se côtoient sans s’annuler. Chez Freud, il apparaît comme une perversion puis comme un stade du développe- ment normal de la libido qui s’oppose à un narcissisme primaire des débuts de la vie, avant d’être envisagé comme un état de régression – normal dans le sommeil – ou pathologique dans la psychose. Freud distinguera, par le lieu de son investissement la libido narcissique et la libido objectale. Ainsi du narcissisme comme perversion sexuelle, on est amené à s’interroger sur une forme de perversion non directement sexuelle, caractérisée par un destin particulier du narcissisme et par ses conséquences relationnelles. Dès lors apparaît-il pertinent d’accorder à la perversion narcissique une place spécifique et autonome dans le vaste champ des perversions sans accré- diter implicitement les thèses qui attribuent au narcissisme une trajectoire Argument 799 parallèle à celle de la libido ? Les perspectives de Kohut pourraient-elles apporter leur éclairage à la notion de perversion narcissique ? La notion de « rage narcissique chronique » par exemple ? On sait que pour plusieurs théoriciens du narcissisme, il est nécessaire de distinguer le narcissisme du jeu des pulsions. Grunberger décrit un conflit éco- nomique entre le narcissisme et les pulsions ; Kohut fait du narcissisme une lignée indépendante de celle des pulsions ; le développement narcissique est un enjeu prioritaire du travail de la cure avec des implications techniques spécifi- ques, en uploads/Litterature/ rfp-673-0797.pdf
Documents similaires
-
15
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 28, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0854MB