1 RHÉTORIQUE DU TEXTE NUMÉRIQUE Figures de la lecture, anticipations de pratiqu

1 RHÉTORIQUE DU TEXTE NUMÉRIQUE Figures de la lecture, anticipations de pratiques Alexandra Saemmer Papiers … Beaucoup de lectures s’effectueront dans les années à venir sur des dispositifs numériques, quels que soient les champs à l’œuvre. La sensibilisation aux spécificités du texte numérique est donc un enjeu important pour la recherche, la lecture et l’écriture. Cet ouvrage a pour objectif d’analyser comment le texte préfigure les pratiques, et comment le lecteur y répond en mobilisant ses imaginaires personnels. Il identifie, pour la première fois de façon exhaustive, les procédés rhétoriques de l’hyperlien et de l’animation textuelle, et propose à la fois des outils de défense contre certains effets de manipulation du texte numérique, et des repères pour permettre au lecteur de goûter à un nouveau plaisir du texte. L’objectif de Rhétorique du texte numérique est de sensibiliser lecteurs, chercheurs, auteurs et éditeurs aux possibles expressifs du texte numérique, et de leur permettre ainsi de mieux connaître et maîtriser ses procédés d’argumentation, de persuasion, de narration, de métaphorisation et de séduction. La connaissance de ce champ des possibles favorisera l’émergence d’une nouvelle culture de l’interprétation, réflexive et critique. Note de l’éditeur Remerciements Je tiens à exprimer ma vive gratitude à Madjid Ihadjadene, Claude Baltz, Jean-Jacques Boutaud, Bertrand Gervais, Yves Jeanneret, Françoise Paquienséguy et Brigitte Simonnot. Je remercie chaleureusement Claire Bélisle pour son aide précieuse et ses conseils, qui depuis tant d’années m’ouvrent toujours de nouvelles perspectives. Mes remerciements les plus amicaux vont également à Philippe Bootz, Serge Bouchardon, Annette Cattenat, Jean Clément, Lucile Haute, Monique Maza, Christine Poitevin, Imad Saleh, Fabien Granjon, ainsi qu’à Isabelle Moindrot et Marie-Hélène Tramus pour toutes les belles collaborations au niveau de l’enseignement, de la recherche et de la création à l’université Paris 8. Merci enfin à ma famille et à ma belle-famille pour leur soutien et leur patience. À Thomas. 2  Éditeur : Presses de l’enssib  Collection : Papiers  Lieu d’édition : Villeurbanne  Année d’édition : 2015  Publication sur OpenEdition Books : 21 janvier 2019  EAN (Édition imprimée) : 9791091281454  EAN électronique : 9782375460139  DOI : 10.4000/books.pressesenssib.3870  Nombre de pages : 276 p.  Sommaire Introduction Chapitre 1. Fondements théoriques d’une rhétorique du texte numérique Chapitre 2. Figurations de l’horizon d’attente extra-textuel Chapitre 3. Figures de la lecture du texte numérique Corpus d’articles journalistiques du chapitre 3 Conclusion. Synthèse et perspectives Bibliographie Beaucoup de lectures s’effectueront dans les années à venir sur des dispositifs numériques, quels que soient les champs à l’œuvre. La sensibilisation aux spécificités du texte numérique est donc un enjeu important pour la recherche, la lecture et l’écriture. Cet ouvrage a pour objectif d’analyser comment le texte préfigure les pratiques, et comment le lecteur y répond en mobilisant ses imaginaires personnels. Il identifie, pour la première fois de façon exhaustive, les procédés rhétoriques de l’hyperlien et de l’animation textuelle, et propose à la fois des outils de défense contre certains effets de manipulation du texte numérique, et des repères pour permettre au lecteur de goûter à un nouveau plaisir du texte. L’objectif de Rhétorique du texte numérique est de sensibiliser lecteurs, chercheurs, auteurs et éditeurs aux possibles expressifs du texte numérique, et de leur permettre ainsi de mieux connaître et maîtriser ses procédés d’argumentation, de persuasion, de narration, de métaphorisation et de séduction. La connaissance de ce champ des possibles favorisera l’émergence d’une nouvelle culture de l’interprétation, réflexive et critique.© Presses de l’enssib, 2015 3 Introduction p. 9-20 TEXTE NOTES TEXTE INTÉGRAL 1Il n’y a pas de société d’information sans « cyberculture ». Nous avons besoin d’instruments théoriques appropriés pour penser la complexité et la (dé)cohérence d’ensemble de la société d’information. 2Claude Baltz, Documents de séminaire, 2009. 3Le sens n’étant pas immanent au texte, mais à ses pratiques d’interprétation, il doit être rapporté à elles. 4François Rastier, Arts et sciences du texte, Paris, PUF, 2001, p. 35.  1 Voir par exemple Carr [2008] ; Desrichard [2011] ; Baccino [2011].  2 Desrichard [2011] ; Frommer [2011].  3 Paper Passion, parfum de Gerhard Steidl, Karl Lagerfeld et Geza Schoen. 5Le numérique fera-t-il disparaître le texte ? Un texte a besoin d’être lu pour exister, et nombreux sont actuellement les discours qui mettent en doute l’existence d’une vraie lecture sur support numérique. Sur Internet notamment, le lecteur ne ferait plus que survoler et cliquer. Ces affirmations s’accompagnent fréquemment de cris d’alarme quant à la disparition de la culture humaniste, de la réflexion critique et de l’intériorité, et frappent par leur caractère déterministe1. Ils donnent en effet l’impression que tous les lecteurs pratiquent la lecture de la même façon dès qu’un texte s’affiche sur un écran, peu importent les dispositifs (ordinateur, tablette, téléphone portable ou liseuse), peu importent les éléments partagés entre texte et lecteur (par exemple, des allusions à des événements historiques ou l’évocation de 4 personnages publics supposés connus), peu importent les intentions et motivations individuelles du sujet lisant. La lecture numérique est décrite comme impatiente, rapide et forcément superficielle, au point que certains préfèrent même ne plus parler de lecture. Elle est opposée à la pratique du livre papier présentée comme longue, patiente, concentrée et réflexive2. La nostalgie de cette pratique a même inspiré la création d’un parfum imitant l’odeur du livre3… Alors que l’Internet regorge de textes, les lecteurs de ces écritures numériques semblent décidément faire défaut.  4 Enquêtes sur les « Pratiques culturelles des Français », ministère de la Culture et de la Communic (...) 6Les études menées depuis plusieurs décennies par le ministère de la Culture sur les pratiques culturelles des Français confirment certes l’idée d’une diminution constante du nombre de « grands lecteurs »4. Or, il faut préciser que la lecture sur dispositif numérique n’a pas encore trouvé sa place dans ces statistiques. D’après The Economist du 27 février 2010, la quantité de textes lus, qui déclinait pendant plusieurs décennies à cause de la télévision, a quasiment triplé depuis 1980 grâce aux textes mis en ligne. En principe, et bien que certains présument le contraire [par exemple, Boullier, 2011, 41], les images animées n’ont donc pas encore remplacé le texte. Nous lisons globalement plus de textes qu’avant. Les données citées par The Economist ne précisent pourtant pas comment nous lisons ces textes sur support numérique. Et c’est en effet plutôt la pratique de lecture numérique, et non pas la quantité incontestable de textes disponibles sur les dispositifs, qui se trouve dans la ligne de mire des critiques.  5 Je reprends ici la traduction effectuée par Vandendorpe [2011, 52]. 5 7Pour des auteurs comme Nicholas Carr [2008], le constat est sans appel. Observant sa propre pratique, Carr affirme qu’il lui est désormais difficile de rester concentré sur un seul texte pour en effectuer une lecture approfondie : « Je me sens comme si j’étais sans cesse en train de ramener mon cerveau volage au texte. La lecture profonde qui me venait jadis tout naturellement est maintenant devenue un combat »5. Carr s’appuie sur des recherches récentes consacrées à la plasticité du cerveau pour argumenter que ses circuits neuronaux ont été définitivement modifiés par les pratiques de lecture de survol sur support numérique. Pour Carr comme pour beaucoup d’autres critiques de la lecture numérique, dont Susanne Gaschke [2009] qui a consacré à l’« abrutissement numérique » un ouvrage très remarqué en Allemagne, l’« hyper-attention » [déjà diagnostiquée par la critique américaine N. Katherine Hayles en 2007] constitue une impasse pour le texte, devenu désormais un objet de consommation comme un autre. 8Thierry Baccino [2011, 63], spécialiste en psychologie cognitive qui a étudié la lecture numérique à l’aide d’enregistrements des mouvements de l’œil, parle de cette pratique comme d’une « pseudo-lecture » : « Pseudo car surfer sur les pages du Web mêlant articles courts, vidéos, audio, animations de toutes sortes n’est pas similaire à une lecture attentive et profonde, que l’on pratique sur un livre imprimé ». Sur un dispositif numérique, le lecteur balaierait rapidement les textes. Son attention serait « imparablement » attirée par d’autres informations apparaissant en simultané. Le Bulletin des bibliothèques de France [numéro 5 de 2011] consacré aux « Métamorphoses de la lecture » réunit un grand nombre d’articles très critiques envers le potentiel de la lecture numérique. Certains auteurs vont jusqu’à déclarer son impossibilité, se tournant vers le livre comme seul garant d’existence du texte [Desrichard, 2011]. 6 9Face à ce déferlement de discours alarmistes, d’autres proposent au contraire une vision optimiste de la lecture numérique. Eux aussi recourent à des études sur le cerveau, mais pour affirmer qu’au lieu de nous rendre « stupides », la lecture numérique stimule de façon particulièrement forte certaines de nos capacités cognitives. Christian Vandendorpe [2011, 53] reprend les recherches du même Thierry Baccino qui, dans le Bulletin des bibliothèques de France, considère la lecture numérique comme une « pseudo-lecture », en interprétant positivement le constat que « la lecture sur écran demande un surcroît de travail au cerveau et même un fonctionnement différent. Les zones de l’encéphale qui contrôlent les prises de décision et les uploads/Litterature/ rhetorique-du-texte-numerique.pdf

  • 39
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager