INTRODUCTION Sur la place d'une petite ville de province, deux amis, Jean et Bé
INTRODUCTION Sur la place d'une petite ville de province, deux amis, Jean et Bérenger, ont rendez-vous. Tous deux s'opposentd'emblée : le premier, péremptoire voire autoritaire, se soucie de son apparence, affirme son sens du devoir, tandisque le second semble fatigué, mal à l'aise dans la routine quotidienne. Jean reproche à Bérenger son triste état, son" ivrognerie " et tente de le ramener sur le chemin de la dignité et de la volonté. Mais leur conversation estinterrompue par le passage d'un rhinocéros, à la stupeur générale... Différents personnages ont fait irruption surScène ; ils se rassemblent et manifestent leur étonnement : l'épicier et l'épicière, le patron du café, la serveuse, leVieux Monsieur et le Logicien. L'incident est clos, les deux amis reprennent leur conversation : Jean reproche ànouveau à Bérenger son ivrognerie...Notre extrait nous présente deux conversations parallèles : celle de Jean et Bérenger, celle du Vieux Monsieur et duLogicien qui lui explique les principes du syllogisme. Le premier échange oppose deux tempéraments, deux types dediscours et deux façons d'appréhender l'existence. Le second, plus délirant, réunit le professeur et son élève, en uneparodique leçon de logique. Or, la juxtaposition des deux dialogues produit un effet comique, l'absurde contaminantla gravité et surtout la rationalité simpliste de Jean.Le commentaire composé pourra étudier le fonctionnement du texte pour, ensuite, analyser l'opposition entre ledoute (Bérenger) et la certitude (Jean), et, enfin, aboutir à la remise en cause d'une logique dérisoire. LE FONCTIONNEMENT DU TEXTE Il repose sur la juxtaposition et l'imbrication de deux couples, de deux conversations parallèles. a. La composition du texte Il débute par un dialogue entre Jean et Bérenger, maintenu jusqu'à la ligne 11. À ce moment, le premier illustre sespropos d'un mime ridicule, signalé par les didascalies. Arrivent alors le Vieux Monsieur et leLogicien. Leur conversation se déroule, imbriquée dans celle des deux premiers locuteurs. En effet, le raisonnementconcernant le fonctionnement du syllogisme, qui intéresse le Vieux Monsieur et le Logicien, se trouveentrecoupé d'une constatation désabusée de Bérenger concernant la difficulté à vivre. Ensuite ,l'échange entre ce dernier et Jean prédomine, interrompu par deux répliques émanant de l'autre couple.Ici, les deux conversations semblent coïncider, comme si le Vieux Monsieur répondait à Jean : JEAN - ... vous n'avezaucune logique, LE VIEUX MONSIEUR - C'est très beau la logique. Enfin, le dialogue concernant les syllogismes sepoursuit . b. Le jeu scénique Un jeu scénique vient souligner cette interférence entre les deux couples, comme le signifient les didascalies .Il est notable que c'est Jean qui entre, physiquement doncostensiblement, en contact avec le Vieux Monsieur et le Logicien, à l'instant même où lui se trouvait dans uneposture ridicule, les bras levés. La bousculade revêt une signification symbolique, apparente Jean aux deuxpersonnages grotesques. Elle suscite, par ailleurs, un bref échange de politesse entre eux trois: le VieuxMonsieur s'adresse par deux fois à Jean , tous deux se demandent pardon . C'est là le seul pointde rencontre entre les personnages ; le reste de la scène présentedeux conversations parallèles aux thèmes etpréoccupations différents. c. Les similitudes Toutefois, leurs propos offrent des similitudes en témoignent la répétition des formules d'excuse ,reflétant la politesse mécanique mais ne constituant pas un véritable échange. En outre, lignes 31-32 , les deux conversations portent sur le même thème, " la logique " alors que Jean vient de reprocher à Bérengerson manque de logique , le Vieux Monsieur affirme au Logicien son admiration pour celle-ci , semblantrenchérir, compléter les propos de Jean. d.Les contrastes Des contrastes ou des différences d'un dialogue à l'autre sont néanmoins perceptibles.Jean et Bérenger traitent de la difficulté de vivre comme en témoignent les champs lexicaux de la peur, du fardeau,de la vie elle-même . Ils expriment donc des soucis profondément humains.En revanche, le Vieux Monsieur et le Logicien discutent de syllogismes absurdes, plus soucieux du fonctionnementdémonstratif que de la vérité. En effet, le Logicien procède rationnellement: il propose d'abord " un exemple de syllogisme ", soucieux d'illustrer concrètement le processus logique. Son discours est émaillé de charnières articulantles différentes étapes d'un raisonnement . Enfin, il procède paraffirmations, à l'aide de phrases brèves, de définitions comme en témoigne la récurrence de l'auxiliaire " être ". Cescertitudes reposent sur le fonctionnement même du syllogisme, exposé par deux fois . A partir dedeux constatations initiales, l'une générale ,l'autreparticulière , ils aboutissent à une déductionconsidérée comme infaillible . Ces exemplessoulignent la rigidité du raisonnement mais aussi son aberration puisque l'on débouche sur des non- sens.Deux couples évoluent donc sur scène, l'un apparemment plus désincarné que l'autre. En effet, les deux premierspersonnages, dotés d'une identité, se démarquent des deux autres, dont les appellations désignent plus desfonctions que des personnes. Ceux- ci traitent de questions dérisoires, contrepoint comique à la gravité des deuxamis. Dès lors, on peut voir dans le Vieux Monsieur et le Logicien les doubles grotesques de Jean et Bérenger. Maispeut- être auront-ils une autre utilité l'absurdité de leurs propos ne risque-t-elle pas de contaminer les discourssérieux des deux autres ? C'est pourquoi il nous faut tout d'abord nous attarder davantage sur les paroles proféréespar Jean et Bérenger, les informations qu'elles apportent sur chacun. L'OPPOSITION ENTRE LE DOUTE ET LA CERTITUDE, À TRAVERS LES PERSONNAGES DE JEAN ET DE BÉRENGER a. Le personnage de Bérenger, ses caractères spécifiques. L'angoisse. Exprimée sous forme de craintes, d'un malaise vague, comme le prouve la récurrence de certainstermes, elle est la cause de ses abus d'alcoolqui lui fournissent un apaisement .L'idée de lassitude physique vient préciser ce malaise. Elle s'exprime grâce à la répétition du participe " fatigué ", et àl'image de la pesanteur.Diverses souffrances morales sont en outre énumérées : le refus de soi, la peur de lasolitude, d'autrui, et de la vie en général. En effet, l'existence se réduit à une " chose ", extérieure, étrangère, " anormale " puisque la mort,omniprésente, plane. Cette prise deconscience de l'étrangeté de la vie explique le refus de soi ou plus exactement la crise d'identité qui déchire Bérenger. L'incertitude. Le discours de Bérenger, marqué par le doute, les hésitations, les remises en cause révèle unpersonnage en crise. L'incertitude omniprésente est signalée grâce aux négations répétées, aux adverbes et à l'interrogation indirecte exprimant l'indécision. Une contradiction apparente et uneaberration soulignent les errances du personnage, à la fois hésitant etaffirmatif. Cette dualité se retrouve par ailleurs dans le retour insistant des formules dubitatives,opposé à une tournure brève, assertive pour exprimer le mal de vivre. La difficulté de vivre. Récurrente, l'idée de difficulté est suggérée grâce à un adjectif, des locutions verbales , des comparaisons .Elle traduit, certes, la faiblesse de Bérenger mais surtout renforce ses douloureuses interrogations face à la complexité,parfois absurde, de l'existence, dont il a confusément conscience. La difficulté à assumer son propre corps, à affermirsa pensée proviennent du sentiment d'étrangeté d'un personnage destiné à subir une vie dont il ne connaît pas la signification. Ainsi, la récurrence de termes connotant tous le souci existentiel traduit clairement ses préoccupations. b. Le personnage de Jean. Il apparaît plus solide, convaincu et simple. Des affirmations assurées. On note ainsi une série d'oppositions entre les deux personnages. Aux hésitations deBérenger répondent les affirmations de Jean, étayées de définitions, d'explications toutes faites. Face auxdoutes et à la " pesanteur " de son interlocuteur, il revendique l'optimisme, comme en attestent la reprise del'adjectif " léger " et son " rire ", renchéris par la répétition du mot " force ": il se veut donc à lafois insouciant et solide car il a confiance en lui-même.En outre, cette conviction lui permet de corriger les errances intellectuelles de Bérenger, en recourant à l'espritrationnel et méthodique, exprimé notamment par ces phrases : " Vous vous contredisez. Est-ce la solitude qui pèse[...] vous n'avez aucune logique "; " Au contraire [...] tout le monde vit. " Il pose là le principe de non- contradiction qui permet d'établir la vérité, invoque la " logique ", s'appuie sur une " preuve ", éléments révélateursde sa foi en la rationalité. Son discours se compose de phrases courtes, très ponctuées . Riches en lienslogiques, en démonstrations et en affirmations ses propos signalent le dogmatisme de son esprit rationnel. De même, il utilise souvent lamodalité exclamative, signe de sa certitude de détenir la vérité et derésoudre rapidement la crise de son interlocuteur. Un personnage simpliste. II s'attache à réduire les interrogations de Bérenger à une conséquence néfaste etcourante de l'alcoolisme : " C'est de la neurasthénie alcoolique, la mélancolie du buveur de vin. " Les articles définis,le type du " buveur de vin " soulignent ce passage d'un cas particulier à un comportementgénéral, catalogué, donc rassurant. Car Jean refuse de comprendre les tentatives laborieuses de son ami pourexpliquer sa situation deviennent des " élucubrations " ; il leur oppose une plaisanterie facile fondée sur uneévidence .Son "gros rire", notifié par les didascalies,fait de lui un personnage lourdaud, incapable d'approfondir, de sonder la complexité. En atteste la formuleparodique "Pensez, et vous serez" qui reprend le credo cartésien "Je pense, donc je suis". Il représente donc le grosbon sens qui élude les vrais problèmes, en utilisant une uploads/Litterature/ rhinoceros-commentaire-eugen-ionesco.pdf
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- Publié le Sep 10, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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