Revue d'histoire et de philosophie religieuses Alexandre Koyré, La Philosophie
Revue d'histoire et de philosophie religieuses Alexandre Koyré, La Philosophie de Jacob Boehme, Paris. 1929 Jean Héring Citer ce document / Cite this document : Héring Jean. Alexandre Koyré, La Philosophie de Jacob Boehme, Paris. 1929. In: Revue d'histoire et de philosophie religieuses, 11e année n°4-5, Juillet-octobre 1931. pp. 449-451; https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1931_num_11_4_2818_t1_0449_0000_2 Fichier pdf généré le 22/11/2019 REVUE DES LIVRES 449 suit la réalisation d'un but, la tranquiUitas animi, considérée comme summum bonum, notion qui n'a aucun sens pour Hobbes. Le sage spinosiste n'est et ne peut être qu'un specta¬ teur; Γ « action » spinosiste est pensée; la foule — objet et sujet de la politique — n'est pour lui qu'objet de théorie. La théorie de Hobbes est basée sur l'égalité des hommes; c'est l'inégalité qualitative du sage et de la foule, correspondant à l'opposition entre intellection et imagination, qui fonde la doctrine de Spinoza. Et c'est peut-être une inconséquence du spinosisme que de distinguer — ainsi que le fait Spinoza, — ■ entre la foule laisservie à la superstition et le peuple déjà animé d'un vague désir de liberté, c'est-à-dire de pensée et d'amour. Ou, plus exactement, dit M. Strauss, ce n'est pas la distinction elle-même, c'est la possibilité du passage de l'un de ces deux états à l'autre qui, impliquant une virtualité dans l'homme, cadre mal avec le spinosisme doctrinal. La remarque de M. Strauss est très juste. Elle ne rend cependant pas justice à Spinoza. L'intellection, certes, ne peut combattre la passion, à moins de créer dans l'homme une passion d'intellection. Certes, une telle passion ne peut sur¬ gir dans l'homme asservi à la superstition; du premier état au troisième, il n'y a pas, dans le spinosisme, de passage con¬ tinu. Mais aussi n'est-ce pas pour cela que — ne l'oublions pas, — ce n'est pas aux « fanatiques », mais aux prudentiores, que s'adresse la critique spinosiste ? Et la distinction entre vulgus et populus se trouve par là même entièrement justifiée. Nous n'avons pas la prétention d'épuiser le riche contenu de ce beau livre (contribution des plus importantes à la con¬ naissance de Spinoza); notons l'Appendice (p. 267-270), con¬ tenant une étude sur les sources de Da Costa et (p. 270-288), sur les sources classiques, médiévales et modernes du Traité théologico-politique. A. KorRÉ. Alexandre Koyré, Maître de Conférence à la Faculté des Lettres de Montpellier. La Philosophie de Jacob Boehme, Paris. Vrin (Bibl. d'Hist. d. 1. Philos.) 1929, xvn + 523 p. Quelle que soit notre opinion personnelle sur la valeur de la doctrine de J. Boehme, il faut reconnaître qu'un penseur qui a exercé une influence si profonde sur des hommes aussi divergents que Newton, Milton, Bengel, Oetinger, Gichtel, Labadie, Leibniz, Hamann, Swedenborg, W. Blake, Herder, 450 revue d'histoire et de philosophie religie reconquérir. Il est vrai que les difficultés d'une parei prise peuvent paraître insurmontables. Non seulemen a puisé la plupart de ses intuitions dans des états tement supranormaux, mais il a essayé de leur tout un appareil conceptuel très compliqué, et quoiqu fique selon les idées de l'époque, de lecture sou ficile pour nous à cause de ses emprunts faits à l'ast l'alchimie et à d'autres branches de la philosoph nature de la Renaissance. Aussi n'est-ce que grâce naissance profonde des différents mouvements philo et mystiques de l'époque, et aussi grâce à sa sagaci ménologique que M. Koyré a réussi à se frayer un travers cette broussaille et à nous aider à mieux r intuitions parfois naïves, mais toujours grandioses e sionnantes du savetier de Görlitz. M. Koyré a adopté chronologique dans son analyse, en étudiant Γ « Aurora », puis les trois ouvrages de l'époque de («de tribus principiis », « de triplici vita », « ps vera »), et enfin les œuvres de l'époque de la maturit dant, celles-ci ne sont pas analysées chacune pour au contraire un aperçu systématique de la dernière la doctrine qui nous est donnée dans la dernière l'ouvrage qui traite successivement de la doctrine de la nature divine, de la création et de l'homme. En général, l'auteur a concentré son attention su ports entre la Divinité et le Monde; on ne peut que car c'est sur ce point que Boehme a le mieux laccusé nalité en se séparant de ses prédécesseurs mystique V. Weigel, Schwenkfeld, Seb. Franck, et en dernière « Theologia Deutsch ». Boehme est au fond si peu sp et tellement préoccupé d'assurer à Dieu la plénitude d réclame pour lui une corporéité; celle-ci ne consiste monde des idées, ni dans le monde créé, mais dans en quelque sorte intermédiaire qu'il appelle la na nelle de Dieu. C'est cette nature qui contient les fo trices divines, ainsi que la matière de la création (« nihil fit »). C'est elle aussi qui explique non pas l'a réelle du mal (due uniquement à la volonté libre d ture qui collabore à sa propre création), mais la du mal. Il ne nous est pas possible de décrire ici tique interne de la formation de la conscience et poréité divine ni le processus de la création, des c cessives de Lucifer et d'Adam, ni de l'incarnation REVUE DES LIVRES 451 luthériens de Goerlitz ne lui pardonnaient pas. Mais il faut, pour apprécier pleinement l'originalité de Boehme, avoir étudié en détail le beau livre de M. Koyré, dont la valeur parti¬ culière réside dans la combinaison heureuse d'une rare péné¬ tration philosophique avec une excellente méthode histo¬ rique. Une première partie donne en manière d'introduction un aperçu de la vie du cordonnier et de ses rapports avec ses ennemis et ses amis. Ajoutons que de nombreuses citations données dans le texte allemand ancien, si vigoureux et par¬ fois vraiment beau, rehaussent la valeur du livre. Malheureu¬ sement, l'absence d'un Index alphabétique ainsi que d'une bonne table des matières rendra difficile la tâche de ceux qui essaieront de s'y retrouver rapidement. En revanche, les erreurs typographiques sont très rares, même dans les textes allemands. Jean Hering. Auguste Bill, La Morale et la Loi dans la Philosophie antique (Etudes d'histoire et de philosophie religieuses publiées par la Faculté de Théologie protestante de l'Université de Strasbourg, N° 18). Paris, Félix Alcan, 1928, 1 vol. in-8° lxv-301 pp., 35 francs. Le titre exact de ce volume est, en fait : L'Evangile et la Loi, tome premier. « Mialgré son indépendance relative, déclare, au reste, l'auteur (p. vin), ce travail n'est qu'une introduction à l'ouvrage principal que nous espérons faire paraître bientôt sous le titre : Le Dieu de l'Evangile et le Dieu de la loi. » Or la position ambiguë du livre — que reflète l'allure embarrassée de l'Introduction, — à leur tour, l'indécision du critique, le bien-fondé ou la vanité possibles de ses objections ont, toutes, leur amorce dans l'équivoque de cette « indépendance rela¬ tive ». Je m'explique : on comprend fort bien les scrupules de M. Bill que l'explication et l'édition du premier livre de l'Adversus Marcionem de Tertullien ont amené à s'intéresser à la doctrine de Marcion, puis, de là, à remonter à ce qu'il appelle — d'un terme qui prête à confusion — 1'«antino misme » gnostique en général. Seulement cet élargissement de l'enquête menaçait lui-même de s'étendre indéfiniment, et M. Bill n'a pas échappé à ce danger : le problème de la con¬ damnation prononcée pisr la Gnose contre la Loi judaïque en appelait un autre, celui des rapports du christianisme primitif tout entier et de la Loi (p. viij. Mais, ici, la question était double et ouvrait sur une bifurcation véritable : ou bien il con¬ uploads/Litterature/ rhpr-0035-2403-1931-num-11-4-2818-t1-0449-0000-2.pdf
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- Publié le Fev 25, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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