1 Université Mohamed Premier Faculté Pluridisciplinaire de Nador Filière des ét
1 Université Mohamed Premier Faculté Pluridisciplinaire de Nador Filière des études françaises Semestre 6- Littérature francophone II (Littérature négro-africaine) Prof. Omar EL YAHYAOUI 1-La littérature négro-africaine : panorama historique L’œuvre littéraire, et le geste même de l’écriture, sont les produits du combat de l’écrivain contre un extérieur (ou un intérieur) qui l’agresse. Mais, à partir des années 1960, pour privilégier le texte, les tendances conjuguées du Nouveau Roman, du structuralisme et des a priori de la sémiologie amènent les critiques littéraires à occulter l’auteur, le contexte proche et le cadre historique. Ils s’emploient à déconstruire consciencieusement les œuvres littéraires, les réduisant à des jeux de Lego, exhibant leur mécanisme, plutôt que de chercher leur signification. Appliqué à la littérature, ce système se révèle destructeur. Concernant les œuvres des écrivains négro-africains, cette démarche est particulièrement non inappropriée. Mais elle est enseignée durant près de cinquante ans dans les universités françaises et américaines, et exportée telle quelle, et tant bien que mal, dans les universités africaines qui continuent de la pratiquer. La réaction des post colonial studies aux États-Unis réintroduit l’histoire avec violence dans la critique littéraire des œuvres en provenance des anciennes colonies. À un point tel qu’on tombe aujourd’hui dans l’excès inverse et qu’on ne voit plus que l’histoire et ses méfaits, aux dépens des autres aspects (personnels, esthétiques, imaginatifs) constitutifs d’une œuvre littéraire. Cependant, Jean-François Bayart rappelle avec raison que la démarche socio-historique n’est jamais absente dans la critique, en France comme en Afrique. En effet, la première évidence qui frappe les analystes de cette littérature des Noirs américains, comme de celle des Antillais et des Africains, est cette collusion avec une histoire profondément perturbatrice des consciences comme des inconscients. On peut se demander pourquoi ? C’est que les Négro-Africains, plus que d’autres, souffrent d’un déni persistant de leur histoire. La colonisation fonde sa légitimité sur une absence de culture et d’histoire des colonisés. La politique d’assimilation prétend y remédier en inculquant à ces populations « notre culture » et « notre histoire ». Ce que réalise l’école coloniale qui enseigne dans toute l’Afrique la seule histoire de l’Europe, celle de « nos ancêtres les Gaulois ». On a peine à imaginer aujourd’hui le surprenant spectacle d’Africains déclarant descendre des Gaulois… Mais le ridicule ne tue pas l’école coloniale, et il faut attendre les indépendances pour changer les programmes. 2 Rien n’est prévu : pas de manuels, pas d’ouvrages de références ; seuls quelques mémoires de gouverneurs et d’administrateurs coloniaux : Maurice Delafosse, Charles Monteil, Henri Gaden, Gilbert Vieillard, et aussi Leo Frobenius, l’ethnologue allemand dont l’ouvrage Histoire de la civilisation africaine (1903) n’est traduit et publié qu’en 1936, et inspire, dès ces années d’avant guerre, la génération de la Négritude. Le déni d’histoire est le premier problème de ceux qui fondent la nouvelle poésie nègre et malgache, sous-titre de l’Anthologie de L.S. Senghor en 1948. On peut penser que les indépendances ont permis de tourner la page et de libérer les écrivains noirs de leur « devoir d’histoire ». De fait, le mouvement est amorcé, en poésie notamment. Une période d’euphorie, où les chants d’allégresse célèbrent la liberté nouvelle et un avenir plein de promesses, jaillit de la plume des jeunes poètes du Cameroun, du Congo, du Mali, comme d’Aimé Césaire ou de Léopold Sédar Senghor, vieux combattants croyant toucher enfin le port. Cette parenthèse dure moins de dix ans. En effet, très vite, deux romanciers et deux dramaturges sonnent l’alarme. Rien n’est fini, pas question de désarmer, le néocoloniasme arrive, affirment-ils. Aimé Césaire le met en scène avec le ballet des banquiers dans Une saison au Congo (1966) ; Bernard Dadié avec la nouvelle bourgeoisie locale dans Monsieur Thôgô-gnini (1970) ; Yambo Ouologuem dans Le Devoir de violence (1968) dresse la fresque de cette classe de parvenus africains qui fait bon ménage avec le colon en partance ; Ahmadou Kourouma, enfin, révèle dans Les Soleils des indépendances (1968) les failles dans la société traditionnelle comme dans la ville moderne, qui menacent l’équilibre de cette Afrique nouvelle. Chaque roman de Kourouma va plus loin et plus profondément dans la critique de l’évolution de cette société. En réalité, ses romans ne quittent jamais le point de vue historique, au point qu’on peut prendre son œuvre comme exemple pour suivre les étapes et accidents de l’histoire africaine . Chaque roman est la représentation d’un des moments-clés des États du continent et met en évidence le processus de sa détérioration. En 1968, Yambo Ouologuem affronte lui aussi l’histoire coloniale avec Le Devoir de violence. Mais sa lucidité, doublée de cynisme, et une volonté manifeste de démystifier l’a priori d’une Afrique précoloniale idyllique, provoque un malaise dans l’intelligentsia de la Négritude qui avait privilégié jusqu’ici l’innocence, voire l’irresponsabilité des chefs traditionnels devant l’envahisseur étranger. Mais entre les années 1970 et 1980, les écrivains africains développent davantage le roman de mœurs et les multiples problèmes affectant les sociétés en mutation. Ville et campagne, État et famille-ethnie, modernisme et tradition, sont les thèmes dominants dans tous les ouvrages qui prennent pour sujet l’éducation, l’union matrimoniale, la vie communautaire, le travail et le développement. Il s’agit alors plutôt d’histoire des peuples à la Georges Duby que d’histoire politique, car ces romans, ces comédies, demeurent très proches des réalités quotidiennes. Tous 3 construisent un immense puzzle de la vie sociale dans les vingt premières années de l’indépendance. Malgré les partis uniques mis en place un peu partout, les structures de l’administration coloniale, remplacées en coupé/collé par celles des nouveaux États, tiennent bon. Et les peuples sont plutôt optimistes dans la mesure où tout diplômé trouve un emploi dans la fonction publique. La conjoncture économique des Trente Glorieuses en France se répercute sur l’économie africaine, et sur la généreuse Coopération. Les années 1980-2000 : l’avènement des écrivains féminins. Depuis les années 1980 jusqu’aux années 2000, l’intérêt pour les problèmes sociaux est relayé par les « romans de femmes ». En effet, jusqu’alors la littérature africaine est presque uniquement illustrée par les hommes. Il existe néanmoins quelques exceptions avec la Sénégalaise Annette Mbaye d’Erneville (née en 1936), la Camerounaise Thérèse Kuoh-Moukouri (née en 1938), la Malienne Aoua Keïta (1912-1980) et la Congolaise Clémentine Faïk-Nzuji (née en 1944). C’est peu pour les quatorze pays d’Afrique francophone… Pour le domaine anglophone, on ne compte que la Ghanéenne Ama Ata Aïdoo (née en 1942). À partir de 1980, c’est une nouvelle génération qui s’exprime. Des femmes instruites offrent un point de vue sur leur condition. Elles mettent à jour une série de questions jusqu’ici mal abordées, lorsqu’elles ne sont pas simplement occultées, par les « mâles ». Ainsi les situations liées à la stérilité, la polygamie, l’excision, l’éducation des filles, aux relations avec la famille du mari, sont développées et analysées, et élargissent donc considérablement la thématique du roman de mœurs. Des romancières comme Mariama Bâ (Sénégal, 1929-1981), Aminata Sow Fall (Sénégal, née 1941), Calixthe Beyala (Cameroun, née en 1961), Philomène Bassek (Cameroun, née en 1957), Fatou Keïta (Côte d’Ivoire, née en 1955), Buchi Emecheta (Nigeria, née en 1944), Flora Nwapa (Nigeria, 1931-1993), Ken Bugul (Sénégal, née en 1947), Régina Yaou (Côte d’Ivoire, née en 1955), Werewere Liking (Cameroun, née en 1950) sont des porte-parole et témoins du sexe dit faible et de ses revendications. Cependant que d’autres, comme Tanella Boni (Côte d’Ivoire, née en 1954), Véronique Tadjo (Côte d’Ivoire, née en 1955), Fatou Diome (Sénégal, née en 1968), Léonora Miano (Cameroun, née en 1973), Aminata Sow Fall (encore) n’hésitent pas à soulever les questions politiques de corruption, d’émigration, de mendicité, de conflits ethniques. Rejoignant ainsi le nouveau courant littéraire amorcé par les écrivains vers 1985, celui que nous avons baptisé du nom de « chaos ». Et dont ils ne sont toujours pas sortis. 4 2- Autour de « la négritude » La Négritude est de nos jours trop vite évacuée quand on ne finit pas de reprocher aux écrivains qui en furent les pionniers d’avoir écrit en français. Pourquoi les poètes de la Négritude ont-ils écrit et continuent d’écrire en français ? Cette question semble pertinente puisqu’elle laisse transparaître en l’occurrence l’actualité de la Négritude dont elle révèle d’ailleurs la quintessence. Léopold Sédar Senghor, l’un des grands fondateurs africains du mouvement de la Négritude, lui-même répondait à cette question dans la postface d’Ethiopiques. Voici ce qu’en dit le poète, et non moins futur membre de la prestigieuse Académie française : « Mais on me posera la question : pourquoi, dès lors, écrivez-vous en français? – Parce que nous sommes des métis culturels… ». Cette question n’a pas non plus laissé indifférent le philosophe français Jean Paul Sartre. Il convient à ce propos de rappeler que Sartre est sans doute le philosophe occidental qui a le plus vibré avec le mouvement de la Négritude. C’est lui qui a écrit en 1948, à la demande même de Senghor et d’Alioune Diop, la préface, devenue ô combien célèbre, de l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française. C’est surtout en s’appuyant sur cette envolée préfacière baptisée Orphée1noir, beaucoup plus uploads/Litterature/ s6-litterature-francophone-ii-la-litterature-negro-africaine.pdf
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- Publié le Apv 23, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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