SPARTACUS TRAGÉDIE SAURIN, Jean de 1760 Publié par Gwénola, Ernest et Paul Fièv
SPARTACUS TRAGÉDIE SAURIN, Jean de 1760 Publié par Gwénola, Ernest et Paul Fièvre, Septembre 2015 - 1 - - 2 - SPARTACUS TRAGÉDIE par SAURIN 1760. AVEC PRIVILÈGE DU ROI. - 3 - NOTICE SUR SAURIN. Bernard-Joseph SAURIN naquit à Paris au mois de mai 1706, de Joseph Saurin, géomètre distingué, et membre de l'académie des sciences. Au milieu des savants de tous genres qui entourèrent pour ainsi dire son berceau, le jeune Saurin puisa le goût de la poésie ; mais la modicité de la fortune de son père ne lui permettant pas de se livrer à son penchant, il eut le courage de le vaincre et suivit pendant quinze ans avec succès la carrière du barreau. Avant de se faire connaître pour auteur dramatique, il fit paraître, sous le voile de l'anonyme, les Trois Rivaux, comédie en cinq actes en vers, qui eut six représentations. Il avait entrepris d'y faire des corrections; mais elles ne furent point achevées. Saurin avait quarante quatre ans lorsqu'il donna Aménophis, son premier ouvrage avoué. Cette tragédie, mise au théâtre le 12 novembre 1750, n'eut point de succès. Elle fut suivie de Spartacus. Cette pièce regardée encore aujourd'hui comme la meilleure de son auteur, parut pour la première fois le 20 février 1760, et fut jouée neuf fois. Le 22 décembre de la même année, Saurin fit jouer les Moeurs du Temps, comédie en un acte en prose, qui eut beaucoup de succès. Blanche et Guiscard, imitation de Taucrède et Sigismonde, tragédie anglaise de Thompson, parut pour la première fois le 25 septembre 1763, et fut interrompue à la troisième représentation. Elle a été reprise plusieurs fois avec succès. L'Anglomane, comédie en un acte en vers libres, jouée avec succès le 23 novembre 1772, est la même pièce que l'Orpheline, léguée, représentée sept ans auparavant en trois actes, et à laquelle l'auteur jugea à propos de retrancher plusieurs scènes. Saurin a encore mis au théâtre Béverleï, drame en cinq actes et en vers libres, imité d'une pièce anglaise intitulée the Gamester, le Joueur, dont l'auteur est Edouard Moore. La pièce française parüt pour la première fois le 7 mai 1768, et fut jouée treize fois. On a encore du même auteur le Mariage de Julie, comédie en un acte en prose, qui n'a pas été représentée. Saurin avait été reçu à l'académie française le 13 avril 1761 à la place de l'abbé Duresnel, et mourut à Paris le 17 novembre 1781, âgé de soixante-seize ans. - 4 - PERSONNAGES. SPARTACUS CRASSUS,consul. ÉMILIE, fille du consul. MESSALA, envoyé du consul. NORICUS, chef d'un corps de Gaulois. ALBIN, officier de Spartacus. SUNNON, confident de Noricus. SABINE, confidente d'Émilie. UN TRIBUN de SPARTACUS. UN TRIBUN de CRASSUS. GARDES. La Scène est dans le camp de Spartacus. - 5 - ACTE I SCÈNE I. Noricus, Sunnon. NORICUS. Oui, Sunnon, en secret, démentant sa fierté, Insubriens : ou insubres, peuple celte de l'Italie du nord. Ils devinrent citoyens romans en 49 avant JC. Rome aux Insubriens offre la liberté : Mais, quoiqu'à Spartacus à regret j'obéisse, Ne crois pas qu'un moment cette offre m'éblouisse ; 5 Je le hais, mais je hais encor plus les Romains : D'un sang, pour moi trop cher ils ont souillé leurs mains. Les cruels sur un fils, mon unique espérance, N'ont pas rougi de prendre une lâche vengeance ! SUNNON. Je plains ce fils si cher que vous avez perdu ; 10 Mais, pour être vengé, vous sera-t-il rendu ? Chef d'un corps de Gaulois, prince de l'Insubrie, Leur liberté, Seigneur, celle de la patrie, Est-il pour Noricus un intérêt égal ? NORICUS. Tu vois que des Romains aussi craint qu'Annibal, 15 Spartacus s'est couvert d'une immortelle gloire ; Que, cinq fois couronné des mains de la victoire, Son bras des légions a moissonné la fleur, Et que, rien n'arrêtant sa rapide valeur, Il promet que bientôt, au pied du Capitole, 20 Nos drapeaux arborés... SUNNON, l'interrompant. Espérance frivole ! Rome, dont le colosse embrasse l'univers, Écrasera l'esclave échappé de ses fers. Quelque gloire d'abord que le sort lui destine, De succès en succès il marche à sa ruine ; 25 La victoire l'épuise en le favorisant. Oui, sans se réparer, toujours s'affaiblissant, Ses lauriers, sous lesquels il faudra qu'il succombe, Sont un vain ornement qu'il prépare à sa tombe. Ah ! Pour s'unir à vous par un secret traité, 30 Lorsque Rome à vos voeux offre la liberté, - 6 - NORICUS, l'interrompant. Spartacus a ma foi, mon honneur est son gage. Il faut tout bien peser au moment qu'on s'engage : Mais lorsqu'en un parti, Sunnon, l'on s'est jeté, Regarder en arrière est une lâcheté : 35 On ne peut plus, dès lors l'abandonner sans blâme ; Qui le quitte est léger, qui le trahit infâme. Du pouvoir des Romains tu parois effrayé ? De cent peuples rivaux ce colosse étayé, S'il n'a plus leur appui, si leur bras nous seconde, 40 Va bientôt de sa chute épouvanter le monde. Déjà, dans notre camp, et sous nos étendards, Aux cris de la victoire on voit de toutes parts Samnite : originaire du Samnium qui est une région de l'Italie ancienne, au nord de la Campanie, à l'Est du Latium. [B] Accourir le Gaulois, le Toscan, le Samnite, De leur jeunesse enfin toute la brave élite. 45 Ah ! Réunissons-nous, et le joug est brisé. Pour tout assujettir Rome a tout divisé ; De son ambition instruments et victimes, Notre fureur jalouse a creusé nos abîmes ; Mais, grâce à Spartacus, nos yeux se sont ouverts, 50 Et lorsque l'Italie, en secouant ses fers, Lève un front menaçant, et que sous ce grand homme : Nos drapeaux réunis déjà marchent à Rome, Tu veux que rendant vains tant de nobles travaux, Aux bourreaux de mon fils je vende ce héros ! SUNNON. 55 Non ; mais avec chagrin je vois votre fortune Suivre le sort douteux de la cause commune, Et que pour un esclave, un rebelle... NORICUS, l'interrompant. Laissons La haine des Romains lui prodiguer ces noms. De quel droit, à quel titre ont-ils été ses maîtres ? 60 Fils d'un chef de Germains, né d'illustres ancêtres, Et parmi ses aïeux comptant même des rois, Aux Suèves, un jour, il eût donné des lois. Les Romains, en brigands, fondent sur sa patrie ; Arioviste : chef germain (Suève) qui combattit victorieusement les gaulois en Alsace et en Franche-Comté puis fut vaincu par Jules César en 58 avant JC et retourna en Germanie. (Voir Guerre des Gaules) Son père Arioviste est privé de la vie ; 65 On enlève la mère et le fils au berceau ; Ermengarde eût suivi son époux au tombeau : Femme par la tendresse, héros par le courage, Elle vit pour son fils, triste et précieux gage, Qui, nourri par sa mère, élevé sur son sein, 70 Y suce avec le lait l'horreur du nom romain. Il croît, et de son front l'auguste caractère, Démentant de son sort la bassesse étrangère, Le distingua bientôt du reste des mortels. Tu connais des Romains les passe-temps cruels ; 75 Ce spectacle de sang et ces combats atroces, Où ce peuple vanté repaît ses yeux féroces, Excite de la voix le triste combattant, Le regarde tomber, l'observe palpitant. Veut qu'à lui plaire encore il mette son étude, 80 Et garde en expirant une noble attitude : - 7 - À ces honteux combats Spartacus destiné, Rappelle en rougissant le sang dont il est né ; Et de ses compagnons élevant le courage, Les excite à verser pour un plus noble usage 85 Ce sang qu'ils prodiguaient dans un vil champ d'honneur. Ils le prennent pour chef ; ses succès, sa valeur, La haine des Romains en tous les lieux semée, Bientôt à Spartacus enfantent une armée : Il la forme, et toujours combattant à propos, 90 Les esclaves sous lui deviennent des héros. SUNNON. Mais a-t-il bien pour but la liberté publique ? La vertu n'est souvent qu'un masque politique ; Souvent d'un beau dehors l'ambitieux paré Cache l'ardent désir dont il est dévoré. 95 Il protégeait le faible, il a vengé le crime ; Biais à peine il peut tout, que lui-même il opprime. De Spartacus, seigneur, j'ignore les desseins : ( Eh ! qui peut pénétrer dans le coeur des humains ?) Mais cette liberté qu'il veut rendre à la terre, 100 ( Que ce soit le prétexte ou l'objet de la guerre) Rome vous l'offre sûre. NORICUS. Au prix de mon honneur : D'ailleurs, que m'offre-t-elle ? Un appât suborneur. Oui, tant que son pouvoir n'aura point d'équilibre, Par elle un peuple en vain serait déclaré libre. 105 Ainsi, pour s'acquérir un utile renom, Rome aux Grecs assemblés fît présent d'un vain nom. SUNNON. Spartacus cependant ici commande en maître, Et cette liberté qui par lui doit renaître, Jusqu'ici dans ses mains a mis tout le pouvoir. NORICUS. 110 Ah ! De le partager j'avais conçu l'espoir Je vois en frémissant que lui seul en dispose, uploads/Litterature/ saurin-spartacus.pdf
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- Publié le Mar 12, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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