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Ce document est la propriété exclusive de Doris Colorado (doris.colorado@udea.edu.co) - 29-08-2019 Les dyslexies Les troubles de l’acquisition du langage écrit proviennent de plusieurs types de dysfonctionnements. D’où la nécessité de mettre en place des aides adaptées à chacun. 18 ScienceS HumaineS Juillet 2019 N° 316 MICHÈLE MAZEAU Médecin de rééducation, neuropsychologue des enfants, elle est l’auteure, avec Alain Pouhet, de Dans le cerveau de mon enfant et de Lire écrire, compter. Ce qui change avec les neurosciences, Horay, 2018. Chalabala/Getty P oint sur… Ce document est la propriété exclusive de Doris Colorado (doris.colorado@udea.edu.co) - 29-08-2019 P oint sur… De quoi s’agit-il ? 19 N° 316 Juillet 2019 ScienceS HumaineS O n regroupe sous le terme « troubles neurodéveloppementaux », les déficiences intellectuelles, les troubles du spectre de l’autisme et les troubles dys, de loin les plus nombreux. Ces derniers résultent de petites anomalies ou atypies cérébrales, le plus souvent d’origine génétique. Cependant, les « dys » sont aussi plus fréquentes chez les enfants ayant subi des altérations cérébrales in utero ou dans la période périnatale (prématurité, complications cérébrales lors de l’accouchement…). Elles se traduisent par des troubles des apprentissages. L’association de deux dys n’est pas rare : une dyslexie peut s’accompa- gner de dyscalculie, de trouble défi- citaire de l’attention, de trouble du développement de la coordination ou dyspraxie, etc. Reconnue comme un handicap par l’OMS depuis 1993, la dyslexie désigne un ensemble de troubles qui touchent spécifiquement l’acquisition du lan- gage écrit. Ils se caractérisent par des difficultés persistantes, dans l’appren- tissage et/ou dans l’automatisation des mécanismes nécessaires à la maîtrise de l’écrit (lecture, orthographe). La durabilité du trouble (peu d’évo- lution ou pas d’amélioration nette en 3-4 mois) permet de le distinguer clairement des retards d’acquisition. Le terme « dyslexie » implique que le trouble se manifeste chez des enfants normalement scolarisés, dont les ano- malies d’accès à la lecture ne peuvent être imputées ni à une déficience intel- lectuelle, ni à un trouble du spectre de l’autisme, ni à un déficit sensoriel (auditif, visuel), ni à un trouble psy- chologique ni à un environnement psychoéducatif défavorable. Dans ce dernier cas, on parle de « difficultés » en lecture (et non de « trouble ») ou de faibles lecteurs (et non de dyslexiques). En effet, la prise en compte des « dif- ficultés » ne ressort pas du domaine médical mais bien de politiques sociales, d’aides psychoéducatives et de renforcements pédagogiques. Bien sûr, trouble et difficultés psychoéduca- tives peuvent se cumuler chez certains, compliquant singulièrement la prise en charge et le pronostic tant scolaire que social. Les troubles dyslexiques touchent 5 à 10 % de la population scolaire (selon des intensités diverses), dont trois fois plus de garçons que de filles. Ils se rencontrent avec la même fréquence dans tous les milieux sociaux, mais leur repérage est plus fréquent dans les milieux favorisés où l’échec est inattendu aussi bien pour l’enseignant que pour les parents. Dans les quartiers défavorisés, les recherches ont montré que nombre d’enfants dyslexiques ne sont pas repérés car ils ne sont pas différenciés des faibles lecteurs (1). Ils sont alors privés d’aides ciblées, ou bien celles-ci leur sont proposées trop tardivement. n (1) Joel Fluss, Daisy Bertrand, Johannes Ziegler et Catherine Billard, « Troubles d’apprentissage de la lecture : rôle des facteurs cognitifs, comportementaux et socioéconomiques », Développements, 2009/1. Quand et comment la diagnostiquer ? S i l’on ne peut affirmer le diagnostic que lorsque l’enfant présente dix- huit mois ou deux années de retard dans l’acquisition de la lecture, on peut le suspecter avec une bonne fiabilité beau- coup plus tôt. Les langues alphabétiques* – contrai- rement aux langues idéographiques* – codent la parole, les sons de la langue orale : chaque fois que l’on entend le son /va/ dans un mot, on écrit ces deux lettres, v & a, dans cet ordre ; et inverse- ment, chaque fois que l’on voit ces deux lettres, v & a, dans cet ordre, on s’en- tend « penser » le son /va/. Et cela, aussi bien dans les mots vache, avalanche, caravane ou cheval, bien que ces mots n’entretiennent entre eux aucun lien de sens. De ce fait, il existe des liens très étroits entre langage oral et langage écrit. l difficultés à mémoriser et auto- matiser les correspondances grapho- phonologiques entre les lettres ou groupes de lettres et les sons de la langue parlée : girafe est lu « gui-rafe », cale est lu « sale », /on/ est confondu avec /in/ ou /an/ : ronce est lu « rince » ou « rance » ; l erreurs de segmentation des mots : animal est lu « an-in-mal » ; l mauvaise perception de l’ordre des lettres : calme est lu « clame », rame est lu « mare » ; l tentatives de « deviner » le mot à par- tir du début : robot est lu « robe », salade est lu « sale » ; l incapacité à déchiffrer des mots simples et courants, donnant lieu à de nombreuses imprécisions et erreurs : fille est lu « file », marche est lu « mache », etc. Ainsi, on retrouve des antécédents de retard de la parole et du langage chez près d’un tiers des jeunes dyslexiques. La moitié des jeunes dysphasiques (atteints de troubles spécifiques du langage oral) a de grandes difficultés à accéder au langage écrit. Mais ceux-là sont généralement déjà suivis par des orthophonistes et font donc naturelle- ment l’objet d’une attention particulière lors de l’apprentissage de l’écrit. Pour tous ceux (les plus nombreux) qui n’ont aucun antécédent particulier, c’est souvent dès la fin du CP que les ensei- gnants et les parents s’inquiètent : l confusions persistantes de sons : blanche est lu « planche », ou cage est lu « cache » ; l erreurs d’identification de lettres : matin est lu « malin », soin est lu « soir », bouche est lu « douche » ou « boucle » ; Ce document est la propriété exclusive de Doris Colorado (doris.colorado@udea.edu.co) - 29-08-2019 P oint sur… 20 ScienceS HumaineS Juillet 2019 N° 316 Que nous apprennent les recherches récentes ? AnandaBGD/Getty Ces erreurs répétées, ajoutées à la len- teur de la lecture, finissent par com- promettre l’accès à la signification des phrases ou du texte. Lorsque des inquiétudes se font jour, un bilan orthophonique peut, dès 5-6 ans, mettre en évidence des symptômes de grande fragilité pour accéder à l’écrit, préciser les compétences de l’enfant et les stratégies dont il dispose – ou non – pour s’emparer de l’écrit. « Les prédic- teurs les plus fiables de l’apprentissage de la lecture sont les capacités d’analyse phonémique (analyse des sons de la langue orale) et le niveau de connais- sance des lettres, auxquelles s’ajoutent les capacités de mémoire à court terme. Ces prédicteurs permettent de repérer préco- cement (dès la grande section de mater- nelle) les enfants susceptibles d’avoir des difficultés d’apprentissage de la lecture, avec une fiabilité élevée (1). » Le diagnostic de dyslexie (bilan ortho- phonique) nécessite d’explorer en outre le langage oral, la lecture de mots régu- liers – qui respectent le code des cor- respondances entre sons de parole et lettres ou groupes de lettres (ex : jupe, domino, fourmi ou strapontin) – et des mots irréguliers qui font exception au code (ex : femme, album, doigt). Ce bilan vérifie en outre la vitesse et la précision (exactitude) de la lecture, ainsi que la compréhension de mots, de phrases, de textes. À partir de la fin du CE1, le trouble est évident : la lecture reste lente, labo- rieuse, peu précise (erreurs sur cer- tains mots), épuisante et peu efficace (compréhension floue, erronée ou lacu- naire, mémorisation faible ou nulle de ce qui est lu). L’enfant ne peut pas utiliser la lecture pour apprendre : sans prise en charge adaptée, le trouble dif- fuse progressivement à l’ensemble de la scolarité. C’est là tout l’enjeu d’un diagnostic précoce : permettre à ces enfants tout à fait intelligents de faire leurs apprentissages dans des condi- tions satisfaisantes. n (1) Pierre Barrouillet et al., Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie : bilan des données scientifiques, Inserm, 2007. À partir des années 1980-2000, l’essor des neurosciences cognitives et de l’exploration cérébrale fonctionnelle per- mettent d’élucider les mécanismes céré- braux sous-jacents à de nombreuses tâches cognitives et de concevoir les modèles développementaux de nom- breux apprentissages. Ces recherches ont mis au jour les processus neurophysiolo- giques qui sous-tendent l’acquisition de l’écrit (1), les réorganisations cérébrales induites par cet apprentissage (dans les langues alphabétiques* et logogra- phiques*), et les différences fonction- nelles observées tant chez les dyslexiques (enfants et adultes) que chez les analpha- bètes et les illettrés (2). Ces travaux ont induit deux évolutions majeures : la différenciation de types de dyslexies d’une part, et, d’autre part, la compréhension fine de l’évolution des stratégies de lecture au cours de l’apprentissage (3). l Les différents types de dyslexies : La plasticité cérébrale permet à l’appren- tissage de réorganiser les connexions cérébrales uploads/Litterature/ sciences-humaines-juillet-2019-les-dyslexies.pdf

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