Présentation Jamais ils ne se sont dit « tu » et tout les séparait : les origin

Présentation Jamais ils ne se sont dit « tu » et tout les séparait : les origines, le tempérament, le mode de vie, l’orientation politique. L’un était riche, l’autre pauvre ; l’un était conciliant et indulgent, l’autre emporté et radical ; l’un était libéral, l’autre monarchiste ; l’un avait une splendide maison, l’autre habitait à l’hôtel ; l’un était sobre, l’autre a fini par se noyer dans l’alcool. Mais réunis par la passion de l’écriture et de la liberté, les deux écrivains Stefan Zweig et Joseph Roth ont entretenu entre 1927 et 1938, dans une Europe empoignée par la tourmente, une correspondance d’une rare puissance. Brassant vie privée et vie publique, reproches et réconciliations, leurs lettres ne sont pas seulement le reflet de la matrice de notre temps, elles sont le stupéfiant témoignage d’une amitié que rien n’a entamée. Ces lettres se lisent comme un roman, avec leurs tensions, leurs imprévus, leur part de vérité, de composition et de tragique. Collection Bibliothèque dirigée par Lidia Breda Titre original : Joseph Roth und Stefan Zweig - BRIEFWECHSEL 1927-1938 ÉDITIONS PAYOT & RIVAGES 106, boulevard Saint-Germain 75006 Paris www.payotrivages.fr Couverture : © Getty Images © 2013, Éditions Payot & Rivages pour la présente traduction ISBN : 978-2-7436-2595-5 Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales Comme un roman de l’exil Dans une des dernières lettres de Roth à Zweig, après que les deux écrivains se furent retrouvés à Ostende en juillet 1936 (séjour auquel correspond la photo de couverture et qui est la seule montrant les deux écrivains ensemble), il y a cette phrase : « À la manière des gamines empruntées et des collégiens, il faut que je vous dise à quel point j’ai aimé être avec vous aujourd’hui […], et je vous le dis comme je vous l’aurais dit quand, à 18 ans, j’avais essayé en vain de vous trouver chez vous à Vienne. » Entre les deux hommes, tout a commencé en effet par la volonté de Roth de rencontrer un Zweig déjà célèbre, par son admiration sincère pour l’auteur des nouvelles comme La Peur (1920), Lettre d’une inconnue (1922), Vingt-quatre heures de la vie d’une femme (1925) ou Le Désarroi des sentiments (1927). Admiration qui s’est très vite transformée en une amitié profonde et partagée. Tout semblait pourtant séparer au départ ces deux écrivains : l’origine, le tempérament, le mode de vie, le style d’écriture, les convictions politiques. Mais ces différences ont fonctionné au contraire comme autant d’accroches. Ce ne fut pas une amitié paisible – parce que l’époque ne l’était pas, parce que l’exigence d’amitié était en même temps une exigence de sincérité qui a parfois fait s’affronter les deux hommes, même si l’esprit conciliant de Zweig s’efforçait de tempérer le bouillonnement sanguin de Roth. Cette correspondance qui jamais ne relève de la convention est un extraordinaire document sur cette époque charnière de l’histoire mondiale et sur la vie privée de ces deux écrivains, et elle se lit comme un roman. Ils s’écrivent pour la première fois le 8 septembre 1927, mais il leur faudra attendre presque un an pour qu’ils se rencontrent, en mai 1929. « Nous vivons dans un temps de transition comme aucune époque peut-être », écrit Zweig (en français) à Romain Rolland, le 21 novembre 1927. Il sait de quoi il parle, lui qui a vu le déclin de l’Empire autrichien et son effondrement après la défaite de 1918, comme s’est d’ailleurs effondré l’Empire allemand. Le destin des deux empires a en effet toujours été soudé, car ce qu’on appelle communément l’« Allemagne » englobait au départ aussi l’espace autrichien ; c’était un immense empire qui, au Moyen Âge, allait de la mer du Nord à la Sicile et, durant la Renaissance, de la Pologne jusqu’à l’Amérique latine : le fameux empire de Charles Quint et des Habsbourg où le soleil ne se couchait jamais. Au siècle suivant, avec Luther et le protestantisme, cet empire composé d’une multitude de duchés, de comtés et de principautés s’est peu à peu scindé en deux : le Nord a souvent adopté la religion protestante et s’est fédéré autour de la Prusse, qui a pris de plus en plus d’importance, utilisant le levier d’une religion concurrente pour s’opposer à l’empereur catholique qui dirigeait l’empire depuis son fief héréditaire au Sud. Tant et si bien qu’il finit par y avoir un empereur catholique au Sud, résidant à Vienne, et un empereur protestant au Nord, résidant à Berlin. L’espace germanique était donc un ensemble de deux empires, frères et ennemis. Ce sont ces deux empires qui se sont effondrés en même temps après la défaite de 1918. En Autriche comme en Allemagne, c’est alors une république qui, pour la première fois dans l’histoire de ces deux pays, succède à l’empire. Vite menacé, ce régime est à la fois le lieu de tous les espoirs et de toutes les craintes. L’idée de revanche contre la France n’a en effet pas disparu et le nationalisme, qui prend funestement le relais des nationalités, a vite le vent en poupe dans une social-démocratie vacillante. Pourtant, comme souvent dans les périodes de crises, on assiste à une floraison de l’esprit dans tous les domaines, qu’il s’agisse des sciences et des techniques avec Einstein, de l’architecture avec le Bauhaus, de la psychanalyse avec Freud, de la peinture avec Dix, Klimt et Kokoschka. L’espace germanique apparaît comme un formidable creuset de la modernité. En Autriche, la nostalgie de la monarchie austro-hongroise crée des tensions aussi mortifères que fécondes. C’est le monde de Schnitzler qui met en scène les ambiguïtés, les refoulements de la société autrichienne et notamment l’hypocrisie de la morale, monde de façade, avec son opéra, ses calèches, ses valses, mais monde de malaise, monde névrosé, monde à double fond. C’est le monde de Kafka où l’homme est la proie d’une machinerie qu’il ne comprend pas. C’est le monde de Musil qui, dans L’Homme sans qualités, présente une Autriche tournée vers le passé mais qui a perdu ses valeurs et ses bases, privant ainsi les individus de tout rôle social efficace. C’est le monde de Hofmannsthal, enfant prodige, poète et auteur dramatique, qui écrit dans La Lettre de lord Chandos que les mots ont perdu leur pouvoir. La vie dans cette monarchie finissante est admirablement décrite dans une œuvre de Zweig : Le Monde d’hier. C’est en effet dans ce monde qu’il est né, à Vienne, le 28 novembre 1881, la même année que Picasso, Béla Bartók et Roger Martin du Gard. Il est le fils cadet de riches industriels israélites qui ont fait fortune dans le textile. De son père Moritz Zweig, Stefan hérite le goût pour la discrétion, qui va parfois jusqu’à l’austérité. Comme tous les enfants de la grande bourgeoisie d’alors, le jeune Stefan est confié à des nourrices, loin de la vie mondaine que mènent ses parents. Si Alfred, son frère aîné, ressemble physiquement à son père, Stefan est le portrait de sa mère Ida, qui appartenait à une riche famille juive allemande : il a ses traits fins, son sourire et ses yeux noirs et pétillants ; il a sa vivacité, sa gaieté mais aussi ses sautes d’humeur. Stefan ne montre aucune envie de prendre la succession de l’entreprise familiale. Après son baccalauréat en 1899, il s’inscrit à l’université où il étudie la philosophie, l’allemand et les langues romanes. Très influencé par Hugo von Hofmannsthal et Rainer Maria Rilke, il se lance dans l’écriture et d’abord la poésie. Il écrit dans sa chambre d’étudiant où il a emménagé après son baccalauréat, heureux de quitter le somptueux mais étouffant appartement familial, mais aussi dans les cafés, notamment au Beethoven. Il publie dès 1898 son premier recueil de poèmes, Bouton de rose, dans la revue très cotée de Karl Emil Franzos, Die Zukunft. En 1900, à l’âge de dix-neuf ans, il écrit sa première nouvelle, Rêves oubliés, et c’est ce genre qui va assurer sa renommée. Il a tout juste vingt ans quand il fait la connaissance de Theodor Herzl, chantre du sionisme dont il ne devient pourtant pas un adepte : le judaïsme est pour lui une notion liée à l’universalité qui risque à ses yeux de prendre tous les défauts du nationalisme en s’inscrivant dans un État. Zweig n’a d’ailleurs que très rarement mis sa confession en avant, ni dans sa vie ni dans ses écrits, sauf dans quelques nouvelles comme Dans la neige ou Le Chandelier enterré. Mais Herzl est aussi rédacteur dans le grand journal libéral Die Neue Freie Presse et il va lui permettre de publier dans ce journal auquel il restera fidèle jusque dans les années uploads/Litterature/ sciences-socialeszweig-stefan-roth-josephcorrespondance-inedite-zweig-stefan-roth-joseph-by-zweig-stefan-roth-joseph-zweig-stefan-roth-joseph.pdf

  • 31
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager