Secrets et puissances des figures merveilleuses dans les Lais de Marie de Franc
Secrets et puissances des figures merveilleuses dans les Lais de Marie de France : aspects du silence by Rachel Lara Warrington B.A., University of Victoria, 2002 A Thesis Submitted in Partial Fulfillment of the Requirements for the Degree of MASTER OF ARTS in the Department of French © Rachel Lara Warrington, 2005 University of Victoria All rights reserved. This thesis may not be reproduced in whole or in part, by photocopy or other means, without the permission of the author. ii Supervisor: Dr. Hélène Cazes ABSTRACT Cette thèse examine d’abord les personnages merveilleux dans cinq lais de Marie de France, et reconnaît trois types de merveilleux : féerique, amoureux et lycanthropique. Sans motivation ni explicitation – donc par moyen d’un silence narratif – on reconnaît le personnage merveilleux « type ». Une analyse narratologique montre qu’un personnage peut être merveilleux sans être « type » et qu les cinq lais étudiés sont construits selon une focalisation sur le personnage humain. Examinant les actes magiques, cette thèse conclut que la magie des merveilleux « types » ne diffère d’un acte de celle des personnages non « types » que par la motivation psychologique. M’appuyant sur les lois universelles de la magie décrites par Hubert et Mauss, je conclus que Chievrefueil décrit en fait la construction d’une baguette magique. Dernièrement, l’altérité du personnage humain crée la possibilité d’une rencontre – d’habitude érotisée – entre le monde humain et le monde merveilleux et lance le récit. Supervisor: Dr. Hélène Cazes (Department of French) iii Table des matières Page Titre i Abstract ii Table des matières iii Dédicace v Introduction 1 Chapitre 1 : La féerie, l’amour et la lycanthropie : le personnage merveilleux I. Le merveilleux et le conte de fées 2 II. Le personnage « type » 3 III. Les lais féeriques 5 VI. Lanval 5 V. Yonec 10 VI. Guigemar 14 VII. Chievrefueil 20 VIII. Bisclavret 25 VIII. Conclusion 28 Chapitre 2 : Le personnage et la magie : le silence narratif I. Le merveilleux, la magie et le personnage 30 II. La magie « intellectuelle » : naturelle et démoniaque 32 III. La magie de la « tradition commune » 32 IV. Les principes de la magie 33 V. La magie sympathique 35 VI. La littérature et la magie 36 VII. La magie et la parole 38 VIII. Le silence et la magie qui dépasse le « type » 41 IX. La magie de la dame de Guigemar : le geste et la parole 42 X. La magie de Tristan : la création d’un objet magique 47 XI. La magie de Bisclavret : le personnage comme objet magique 53 XII. Conclusion 54 Chapitre 3 : L’altérité et la sexualité : forces créatrices Partie I iv I. Les enjeux de l’altérité 56 II. Le personnage féerique et l’Autre 59 III. Lanval comme Autre 60 IV. La dame d’Yonec comme Autre 62 V. Guigemar comme Autre 64 VI. La dame de Guigemar comme Autre 66 VII. Tristan et Iseult comme Autres 66 VIII. Bisclavret comme Autre 69 Partie II I. L’altérité, la parole et le toucher : la sexualité 71 II. Lanval 72 III. Yonec 75 IV. Guigemar 77 V. Chievrefueil 78 VI. Bisclavret 79 VII. Conclusion 81 Conclusion 83 Bibliographie 84 v Dédicace Je dédie cette thèse à mes grand-mères qui ne sont plus dans ce monde. Elles sont disparues dans l’indicible, laissant leurs histoires et leurs voix derrières elles. Je m’exprime toujours dans leur écoute. Que bénies soient Hilda et Gladys. I dedicate this thesis to my grandmothers who are no longer in this world. They have disappeared into the indescribable realm, leaving their stories and their voices behind them. I still speak for their ears. Blessed be Hilda and Gladys. Introduction Marie de France, écrivaine du XIIe siècle, écrivit des lais : courts récits narratifs en vers. Dans le prologue, les premiers vers de la diégèse, ou dans l’épilogue de chaque lai, Marie de France raconte les origines du lai – tous mentionnent la Bretagne, ou les bretons, ou bien le Pays de Galles, un pays qui est porteur des mêmes associations que la Bretagne. « La Bretagne imaginaire est en effet perçue globalement comme un espace- temps accueillant aux fantasmes, un lieu magique où le désir trouve une légitimité poétique… » (Dubost 46). Les Lais de Marie de France sont alors le territoire du merveilleux : domaine des fées, des loups-garous, de la magie, de l’autre monde. Dans cette thèse, je me propose d’examiner les cinq lais qui, dans mon opinion, participent le plus au monde merveilleux et courtois, où l’amour importe plus que toute autre chose, où le personnage féerique est reconnu sans être nommé, où le personnage humain peut accomplir un acte magique, un monde où l’altérité et la sexualité sont des forces créatrices et destructrices, et où la ligne qui sépare les deux est fine. 2 Chapitre 1 La féerie, l’amour et la lycanthropie : le personnage merveilleux I. Le merveilleux et le conte de fées Tzvetan Todorov définit le merveilleux comme un genre dans lequel « les éléments surnaturels ne provoquent aucune réaction particulière ni chez les personnages, ni chez le lecteur implicite » (59). On accepte sans hésitation l’incursion surnaturelle d’un anneau magique procuré par une fée, par exemple, quand il y a une reconnaissance du genre merveilleux et des personnages qui lui sont associés. Les Lais de Marie de France ont été composés justement dans une terre propice à la propagation de récits merveilleux. La « matière de Bretagne » à la base de ces lais crée la reconnaissance du merveilleux sans provoquer aucune hésitation de la part de l’auditeur médiéval. Pour un lecteur contemporain, c’est plutôt l’association du merveilleux aux contes de fées et au monde arthurien qui crée l’acceptation des éléments surnaturels. Bien que le récit merveilleux soit le plus souvent lié au conte de fées, Todorov souligne qu’ « en fait, le conte de fées n’est qu’une des variétés du merveilleux » (59). Dans les cinq lais de Marie de France que j’ai choisi d’examiner dans cette thèse, je remarque trois manifestations du merveilleux : le merveilleux féerique, le merveilleux amoureux et le merveilleux lycanthropique. Il y a une variété de silence associée à chaque merveilleux. Le merveilleux féerique et le merveilleux lycanthropique présentent chacun des personnages merveilleux « types », qui n’ont pas besoin d’être explicitement présentés et déterminent un silence de l’implicite. Cependant, tout comme tous les récits merveilleux ne sont pas des contes de fées, tous les personnages merveilleux ne sont pas 3 des personnages « types ». Ce premier chapitre identifie les personnages merveilleux dans les lais Lanval, Yonec, Guigemar, Chievrefueil et Bisclavret, et explicite les moyens de reconnaissance du personnage merveilleux, ainsi que l’effet du personnage sur le récit. De plus, ce chapitre explore le silence qui entoure le personnage – un silence qui intervient au niveau de la narration ainsi qu’à l’intérieur de la diégèse. II. Le personnage « type » Roger Caillois, cité dans un article d’Andrzej Dziedzic, remarque que : « Le conte de fée se passe dans un monde où l’enchantement va de soi et où magie n’est pas épouvantable, puisqu’elle constitue la substance même de cet univers, sa loi, son climat. Elle ne viole aucune régularité : elle fait partie des choses » (398). Les personnages surnaturels des contes de fées sont souvent des « types » : des personnages qu’on reconnaît d’emblée et qu’on accepte tels quels, sans motivation ni justification du narrateur. Ils viennent à la littérature par le folklore et peuplaient déjà l’imaginaire médiéval. Il est possible d’identifier les éléments qui créent le « type » merveilleux, quand bien même ces éléments sont passés le plus souvent sous silence dans le récit. Suivant la définition de Pierre Gallais dans La fée à la fontaine et à l’arbre, la fée au Moyen Âge est un personnage « type » qu’on reconnaît comme : un être surnaturel, féminin, d’apparence et de taille normales, généralement jeune et très belle, richement vêtue. Elle possède des pouvoirs magiques qui lui servent à aider les humains, ou dont elle les dote. La divination, en particulier, est l’un de ses pouvoirs : la fée connaît la destinée des humains; elle prédit, voire détermine, l’avenir. (12) Souvent le personnage de la fée apparaît entouré d’une constellation d’images symboliques et naturelles, dont l’eau et les arbres, qui marquent le seuil entre le monde 4 humain et le monde féerique1. Par exemple, dans le roman de Chrétien de Troyes, Le chevalier au lion, Yvain ne rencontre Laudine, la fée de la fontaine, qu’après avoir jeté de l’eau sur un perron près d’un arbre d’une merveilleuse beauté, déclenchant ainsi une terrifiante tempête. Le « type » se divise en « sous-types ». Quand la fée fait irruption dans le monde des humains et qu’il s’agit d’une fée « amante », il en résulte un amour entre une fée et un mortel2. En se basant sur les contes des fées Mélusine et Morgane, Laurence Harf- Lancner décèle deux uploads/Litterature/ secrets-et-puissances-des-figures-merveilleuses-dans-les-lais-de-marie-de-france-pdfdrive.pdf
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- Publié le Fev 06, 2021
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