CONTRACTION – ESSAI Première partie : vous procéderez à une contraction de text
CONTRACTION – ESSAI Première partie : vous procéderez à une contraction de texte du texte d’Antoine Compagnon au quart (250 mots), avec une marge autorisée de + ou – 10% (donc le texte sera compris entre 225 et 275 mots) tout en conservant les étapes essentielles de son argumentaire. Antoine Compagnon, La littérature, pour quoi faire ? (leçon inaugurale, prononcée le 30 novembre 2006 au Collège de France) Or, au cours de l’histoire, plusieurs définitions remarquables ont été données du pouvoir de la littérature – de son utilité et de sa pertinence. Ces définitions sont-elles encore recevables ? Si la question se pose, serait-ce parce qu’il est déjà trop tard pour y répondre ? On ne la posait pas du temps où le pouvoir de la littérature était avéré et qu’il s’agissait plutôt de le saper1. Nous lisons parce que, même si lire n’est pas indispensable pour vivre, la vie est plus aisée, plus claire, plus ample pour ceux qui lisent que pour ceux qui ne lisent pas. En un sens très simple d’abord : vivre est plus facile – j’y songeais dernièrement en Chine – pour ceux qui savent lire, non seulement les renseignements, les modes d’emploi, les ordonnances, les journaux et les bulletins de vote, mais aussi la littérature. Ensuite, la culture littéraire fut longtemps censée rendre meilleur et donner une vie meilleure. Francis Bacon2 a tout dit : « La lecture rend un homme complet, la conversation rend un homme alerte, et l’écriture rend un homme précis. C’est pourquoi, si un homme écrit peu, il doit avoir une bonne mémoire ; s’il cause peu, il doit avoir l’esprit vif ; et s’il lit peu, il doit avoir beaucoup de ruse, pour paraître savoir ce qu’il ne sait pas. » Suivant Bacon, proche de Montaigne, la lecture nous évite de devoir recourir à la sournoiserie, l’hypocrisie et la fourberie ; elle nous rend donc sincères et véritables, ou tout simplement meilleurs. Je rappellerai brièvement trois ou quatre explications familières du pouvoir de la littérature. La première est la définition classique qui permit à Aristote de réhabiliter 3, contre Platon, la poésie au titre de la vie bonne. C’est grâce à la mimesis – traduite aujourd’hui par représentation ou par fiction de préférence à imitation – que l’homme apprend, donc par l’intermédiaire de la littérature entendue comme fiction. « Représenter est […] une tendance naturelle aux hommes – et ils se différencient des autres animaux en ce qu’ils sont des êtres fort enclins à représenter et qu’ils commencent à apprendre à travers la représentation – comme la tendance commune à tous, de prendre plaisir aux représentations. » La littérature plaît et instruit. Plus avant dans la Poétique4, la catharsis elle-même, purification ou épuration des passions par la représentation, a pour résultat une amélioration de la vie à la fois privée et publique. La littérature – je ne justifierai pas ici l’anachronisme5 qui consiste à traduire poiesis6 ou mimesis par littérature – détient un pouvoir moral. D’Horace7 à Quintilien8 et au classicisme français, la réponse restera la même : la littérature instruit en plaisant, suivant la théorie pérenne9 du dulce et utile10. Comme le met La Fontaine : Les fables ne sont pas ce qu’elles semblent être. Le plus simple animal nous y tient lieu de maître. Une morale nue apporte de l’ennui ; Le conte fait passer le précepte avec lui. En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire, Et conter pour conter me semble peu d’affaire11. Le conte, la feinte, la fiction éduquent moralement. Prototype du roman réaliste, Manon Lescaut12 leur conserve ce rôle. Son « Avis de l’auteur » argumente fermement en ce sens : « Outre le plaisir d’une lecture agréable, on y trouvera peu d’événements qui ne puissent servir à l’instruction des mœurs ; et c’est rendre, à mon avis, un service considérable au public, que de l’instruire en l’amusant. » Prévost insiste sur le désaccord qu’on rencontre habituellement chez les hommes entre leur connaissance des règles et leur observation de celles-ci : « On ne peut réfléchir sur les préceptes de la morale, sans être étonné de les voir tout à la fois estimés et négligés ; et l’on se demande la raison de cette bizarrerie du cœur humain, qui lui fait goûter des idées de bien et de perfection, dont il s’éloigne dans la pratique. » Il explique cette « contradiction de nos idées et de notre conduite » par le fait que « tous les préceptes de la morale n’étant que des principes vagues et généraux, il est très difficile d’en faire une application particulière au détail des mœurs et des actions ». C’est pourquoi l’expérience et l’exemple guident la conduite mieux que les règles. Mais l’expérience dépend de la fortune : « Il ne reste donc que l’exemple qui puisse servir de règle à quantité de personnes dans l’exercice de la vertu. » Telle est l’utilité de son roman : « Chaque fait qu’on y rapporte est un degré de lumière, une instruction qui supplée à13 l’expérience ; chaque aventure est un modèle d’après lequel on peut se former ; il n’y manque que d’être ajusté aux circonstances où l’on se trouve. L’ouvrage entier est un traité de morale, réduit agréablement en exercice. » […] 2. Une deuxième définition du pouvoir de la littérature, apparue avec les Lumières et approfondie par le romantisme, fait d’elle non plus un moyen d’instruire en plaisant, mais un remède. Elle libère l’individu de sa sujétion aux autorités, pensaient les philosophes ; elle le guérit en particulier de l’obscurantisme14 religieux. La littérature, instrument de justice et de tolérance, et la lecture, expérience de l’autonomie, contribuent à la liberté et à la responsabilité de l’individu, toutes valeurs des Lumières qui présidèrent à la fondation de l’école républicaine et qui expliquent le privilège que celle-ci conféra à l’étude du XVIIIe siècle au détriment du XVIIe, catholique et monarchiste, à Voltaire contre Bossuet15. 1. Saper : détruire. 2. Francis Bacon (1561-1626) : philosophe anglais. 3. Réhabiliter : reconnaître la qualité de quelqu’un ou de quelque chose après une période d’oubli. 4. Poétique : ouvrage du philosophe grec Aristote (384-322 avant J.-C.) sur l’art poétique. 5. Anachronisme : erreur, confusion entre les époques. 6. Poiesis : création (en grec). 7. Horace (65-8 av. J.-C.) : poète latin. 8. Quintilien (v.35-v.100) : rhéteur et pédagogue latin. 9. Pérenne : qui dure longtemps. 10. Dulce et utile : il est agréable et utile (en latin). 11. Jean de La Fontaine, « Le Pâtre et le lion », Fables, VI,1. 12. Manon Lescaut : roman de l’abbé Prévost (1697-1763) paru en 1731. 13. Supplée à : remplace. 14. Obscurantisme : hostilité aux Lumières, autrement dit à la diffusion de l’instruction et de la culture dans le peuple. 15. Bossuet (1627-1704) : écrivain et homme d’Église. Deuxième partie – Essai. « La lecture agrandit l’âme », est-il écrit en ouverture du chapitre XI de L’Ingénu, alors que le personnage éponyme poursuit son séjour en prison. Comment la littérature peut-elle nous rendre meilleur ? Vous répondrez sur cette question en vous appuyant sur le texte d’Antoine Compagnon, sur L’ingénu (notamment le chapitre XII), De l’horrible danger de la lecture de Voltaire (texte en annexe) ainsi que sur vos lectures personnelles. Texte annexe – Voltaire, De l’horrible danger de la lecture Dans ce texte, Voltaire tire parti de l’édit promulgué en Turquie (1757) contre l’imprimerie. C’est l’occasion pour lui de rédiger un court écrit à caractère satirique qui démontre par l’absurde l’utilité de la philosophie, résumant avec ironie ses idées, notamment sur la culture, l’histoire, la politique et la religion Nous Joussouf-Chéribi, par la grâce de Dieu mouphti du Saint-Empire ottoman, lumière des lumières, élu entre les élus, à tous les fidèles qui ces présentes verront, sottise et bénédiction. Comme ainsi soit que Saïd-Effendi, ci-devant ambassadeur de la Sublime-Porte1 vers un petit État nommé Frankrom2, situé entre l'Espagne et l'Italie, a rapporté parmi nous le pernicieux usage de l'imprimerie, ayant consulté sur cette nouveauté nos vénérables frères les cadis et imans de la ville impériale de Stamboul, et surtout les fakirs connus par leur zèle contre l'esprit, il a semblé bon à Mahomet et à nous de condamner, proscrire, anathématiser3 ladite infernale invention de l'imprimerie, pour les causes ci-dessous énoncées. 1. Cette facilité de communiquer ses pensées tend évidemment à dissiper l'ignorance, qui est la gardienne et la sauvegarde des États bien policés. 2. Il est à craindre que, parmi les livres apportés d'Occident, il ne s'en trouve quelques-uns sur l'agriculture et sur les moyens de perfectionner les arts mécaniques, lesquels ouvrages pourraient à la longue, ce qu'à Dieu ne plaise, réveiller le génie de nos cultivateurs et de nos manufacturiers4, exciter leur industrie, augmenter leurs richesses, et leur inspirer un jour quelque élévation d'âme, quelque amour du bien public, sentiments absolument opposés à la saine doctrine. 3. Il arriverait à la fin que nous aurions des livres d'histoire dégagés du merveilleux5 qui entretient la nation dans une heureuse stupidité. On aurait dans ces uploads/Litterature/ compagnon-sujet.pdf
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- Publié le Mar 01, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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