LA SOCIOLINGUISTIQUE Définition et champs d’étude : On peut définir la sociolin
LA SOCIOLINGUISTIQUE Définition et champs d’étude : On peut définir la sociolinguistique, de manière très générale, comme l’étude des rapports entre langage et société, ou l’étude du fonctionnement social du langage. Toutefois, comme cette discipline s’est “ davantage constituée autour d’une communauté d’analyse que d’un objet théorique précis ”(Espéret, 1987, p. 338), il n’est pas inutile de souligner d’emblée la diversité de ses champs d’étude privilégiés. Deux grands types de problématiques : (a) La sociolinguistique s’intéresse d’une part aux variations sociales du langage, qui constituent en quelque sorte son “ core business ”. A ce sujet, elle entend tout d’abord décrire le plus objectivement possible ces variations et identifier leurs sources principales; ce qu’elle fait à partir de l’observation de différences langagières liées à l’âge, au sexe, à la classe sociale, etc. Au-delà de cette description, elle ambitionne également de proposer un cadre théorique permettant d’analyser la relation langage – pratiques sociales (familiales, scolaires, professionnelles, etc.) et d’expliquer le fonctionnement social du langage; dans cette perspective, elle est aussi amenée à identifier les processus qui interviennent dans la genèse de ces différences langagières. “ Les rapports existant entre langage et société relèvent d’abord de la simple observation : le discours de l’ouvrier présente des différences linguistiques repérables avec celui de l’ingénieur ; il en va de même des discours comparés du paysan et du citadin, du prêtre et du forain, etc. ” (Moscatto & Wittwer, 1981, p.98) (b) La sociolinguistique s’intéresse par ailleurs aux multiples questions que posent les contacts de langues au sein de sociétés plurilingues : ces questions concernent par exemple la nature conflictuelle de tels contacts, les représentations et les attitudes susceptibles de peser sur le fonctionnement social plurilingue, l’émergence de systèmes linguistiques hybrides (pidgins, créoles), la mort des langues, la gestion politique de la diversité linguistique, etc. “ La pérennité, et hélas la violence des conflits linguistiques montrent combien le linguistique et le social interfèrent ” (Ibidem, p. 98) Dans ce chapitre dont le seul but est d’esquisser la problématique du fonctionnement social du langage, nous n’aborderons toutefois que le premier champ d’investigation : celui des variations sociales du langage. Racines et berceau de la sociolinguistique : La sociolinguistique “ a émergé de la critique salutaire d’une certaine linguistique structurale enfermée dans une interprétation doctrinaire du Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure ” (Boyer, 2001, p.7), et on peut dater cette naissance au début des années 1960 (on notera que cela correspond à la naissance de la Pragmatique, voir ci-dessus) Nous avons vu qu’avec F. de Saussure, la linguistique générale a gagné son autonomie en tant que science spécifique. Elle n’y est toutefois parvenue qu’au prix d’un réductionnisme considérable, ne s’intéressant qu’au fonctionnement de la “ langue ” (envisagée comme un système de signes) et abandonnant l’étude de la “ parole ” aux psychologues, aux philosophes ou aux sociologues. Avant que n’apparaissent les premiers travaux de la Pragmatique, cette linguistique a exclu de son étude les situations réelles d’échanges verbaux. Nous avons vu combien cette linguistique a sur-simplifié la question de la signification ou du sens, en la subordonnant aux explications du fonctionnement de la langue. Jusqu’il y a à peine 35 ans, tout semble s’être passé comme s’il fallait clairement dissocier l’étude du fonctionnement des éléments linguistiques de l’étude des fonctions du langage. Cette priorité accordée à la langue (plutôt qu’à la parole), ou à la compétence (plutôt qu’à la performance) ira même jusqu’à engendrer un curieux personnage, générique, mais inexistant : le “ locuteur/auditeur idéal ”. “ La dichotomie saussurienne entre langue et parole renvoie la variabilité hors des limites du système, seul descriptible, seul digne de l’attention du linguiste. Le champ du sujet parlant et de la modification permanente des usages est reconnu existant, mais c’est un champ hors les murs. La science [= la linguistique “ proprement ” dite] fonde son objet en s’abstrayant du réel non homogène . . . ” (Lafont, 1983, p.11). En contestant la validité d’un structuralisme réducteur (qui ne s’intéresse qu’à la langue proprement dite, envisagée comme système homogène), la sociolinguistique invite à un autre regard sur le langage, ouvrant la porte à “ un structuralisme de la diversité, de la variation ” qui sont des dimensions incontournables de la parole (Boyer, 2001, p.11). L’analyse des différences sociales de langage : 1 Comme le rappelle Espéret (1987, p.330-343), on peut distinguer trois grandes approches dans l’analyse des différences sociales de langage : (a) l’étude des différences d’aptitude verbale entre milieux sociaux . (b) l’étude des différences sociales dans les processus de construction et de fonctionnement du langage. (c) l’étude de langages spécifiques à divers groupes sociaux. Il y a bien sûr des interactions entre les questions dont traitent ces diverses approches . Toutefois, seule la troisième approche nous semble véritablement correspondre au “ core business ” de la sociolinguistique, les deux autres relevant davantage d’une Psychologie différentielle du langage (raison pour laquelle nous ne ferons ici qu’en esquisser la problématique générale). Différences d’aptitude verbale Il s’agit des différences d’aptitude ou de capacité verbale que mettent en évidence des épreuves psychométriques standardisées (ou tests verbaux) tels que le Peabody Picture Vocabulary Test, l’Illinois Test of Psycholinguistic Abilities, ou la partie verbale de la Weschler Intelligence Scale for Children. Ces épreuves visent à établir et à comparer les scores moyens de différents groupes sociaux dans des épreuves qui testent la maîtrise d’une grande variété de niveaux de traitement linguistique (phonologique, lexical, syntaxique, sémantique). La relation marquée des scores verbaux avec le niveau socio-économique a été notée lors d’enquêtes sur de grands échantillons (soit des centaines de milliers de jeunes recrues à qui on faisait par ex. passer le Army Alpha Test lors des deux guerres mondiales, ou des milliers d’enfants et adolescents testés pour effectuer la standardisation de la WAIS, etc.) “ Cette approche repose sur la conception suivante du langage : chaque individu développe une fonction symbolique générale, qui atteint un niveau donné d’efficacité dans le codage et la compréhension du réel. Cette fonction de représentation peut se décrire comme l’une des dimensions de l’intelligence. . . La notion de capacité verbale tend à situer le déterminisme des différences observées au niveau de l’individu. Les groupes sociaux comparés quant au niveau moyen de langage sont constitués d’individus qui présentent certaines caractéristiques personnelles et familiales communes ; c’est le partage de ces caractéristiques qui est invoqué pour expliquer que les membres du même groupe possèdent des capacités verbales semblables, et non un déterminisme plus large, lié, par exemple, à la structure de la société et aux rapports sociaux qui en découlent ” (Espéret, 1987, p.332). Différences sociales dans les processus de construction du langage Cette deuxième approche s’inscrit dans le sillage de la psycholinguistique développementale, et met l’accent non plus sur l’étude des différences observables au niveau des productions verbales des sujets, mais sur les processus précoces qui sont ou pourraient être responsables de telles différences. Plusieurs travaux (e.g., Nelson, 1973, 1981), ont clairement montré que tous les enfants ne passaient pas exactement par les mêmes étapes, selon les mêmes mécanismes, dans leur développement langagier ; en particulier, selon le type d’interaction précoce avec l’entourage, chaque enfant mettrait en place un mode particulier d’usage du langage. Ce genre d’études a suscité un intérêt croissant pour les échanges enfant-entourage à un âge de plus en plus précoce, de façon à préciser les racines préverbales du langage, et donc éventuellement les premiers mécanismes responsables des variations observées. Dans une recherche de Nelson (1973) par exemple (voir Reuchlin, 1987, p. 279-280), 18 enfants sont suivis individuellement de 1 an à 2 ans 6 mois. On enregistre mensuellement, à domicile, des échanges entre mère et enfant. On constate à plusieurs égards des différences individuelles stables dans les modalités d’acquisition du langage. Pour une majorité (10/18) des enfants, qualifiés de “ référentiels ”, le vocabulaire comporte une large proportion de noms d’objets et quelques verbes, noms propres et adjectifs. Pour une importante minorité (8/18) d’enfants, qualifiés de “ expressifs ”, les vocabulaires sont plus diversifiés (pronoms, mots fonctionnels), avec un grand nombre de formules sociales de routine, telles que “ Va-t-en ”, “ Je le veux ”, “ Non, ne fais pas ça ! ”, “ Arrête ça ”. Il semble que les enfants “ référentiels ” apprennent d’abord à parler des choses, tandis que les “ expressifs ” apprennent d’abord à parler d’eux-mêmes et des autres personnes. Cette observation de Nelson, confirmée et étendue par de nombreuses autres études, témoigne de ce qu’on a appelé des “ styles d’acquisition ” différents. Ces études montrent aussi que le fait d’avoir “ choisi ” un style d’acquisition ou un autre n’a plus guère de conséquence linguistique vers 30 mois ; autrement dit, le même objectif est atteint par des voies différentes. Toutefois, certains auteurs soutiennent l’idée que ce choix est associé à d’autres choix intervenant sur d’autres plans plus tard dans le développement (par ex. les individus “référentiels” seraient plus “indépendants du champ”, et 2 auraient une orientation plus intellectuelle que sociale, etc.) uploads/Litterature/ sociolinguistique.pdf
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- Publié le Fev 23, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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