1 Matthieu R. n MILL n Lapinchien n Sylviane Kérivel Ensaladilla Jones n Guy de

1 Matthieu R. n MILL n Lapinchien n Sylviane Kérivel Ensaladilla Jones n Guy de Maupassant n Geneviève Danies Lino Gatèt n NatYot n Lemon A — Été 2010 — Numéro 0 n 2 Édito. Fulgure. Chasse de Matthieu R. Texte libre. Le Narrateur isolé de MILL Aujourd’hui. Al Shahid de Lapinchien Fulgure. Gibier de potence de Sylviane Kérivel De l’utilité de l’art. Les Collectionneurs de Ensaladilla Jones Buzz. Lapinchien Et si la nature n’était pas communiste bordel ? Pogo crush Médiums 1 Scandale ! Mon oncle Sosthène de Guy de Maupassant Fulgure. Sélection de Geneviève Danies Aux environs. De l’addiction au réel de Lino Gatèt Texte libre. Nathalie la vilaine de NatYot Texte libre. Hot de Lemon A Copinage. 3 5 6 8 14 15 17 20 21 24 31 36 37 40 41 46 SOMMAIRE RUBRIQUES - MODE D’EMPLOI Aux environs : rubrique de proximité dans laquelle l’auteur évoque un événement, un espace ou un élément culturel local réel et identifiable. De l’utilité de l’art : cette rubrique est centrée sur l’aspect purement utilitaire que l’on peut associer à une œuvre d’art, un artiste, un mouvement esthétique... Scandale ! cette rubrique se consacre à la polémique. L’auteur y développe une argumenta­ tion mordante et implacable à l’encontre d’une cible désignée. Aujourd’hui : rubrique consacrée aux nouvelles tendances et aux phénomènes contemporains émergeant sur le Net ou dans la rue. Fulgure : texte court en prose de 1 500 signes espaces compris (+ ou - 150 signes). Aucune contrainte stylistique ou thématique. Buzz : présentation et mise en perspective d’un auteur à travers une interview et quelques textes. 3 Numéro 0 / Été 2010 La culture en général et la littérature en particulier aiguisent le sens critique et favorisent la liberté de penser. L’indépendance d’esprit constitue la première des défenses contre l’oppression, contre la routine, contre l’arbitraire et contre toutes les tyrannies. Vous aimez lire ? Avec Squeeze, la littérature descend dans la rue. Pour égayer vos trajets dans les transports en commun, pour réduire votre attente chez le médecin, le dentiste, le coiffeur, vous aurez désormais le choix entre les infor­ mations frelatées des journaux gratuits et les mots entrelacés des histoires de Squeeze. Des histoires, chaque numéro vous en offrira une bonne dizaine, réparties entre rubriques thématiques et textes libres. Rien que dans ce numéro 0, il s’en compte treize : des histoires qui bougent, font rire ou frémir, invitent à la réflexion ou, au contraire, débranchent votre cerveau pour libérer les émotions. À l’honneur : le foisonnant Lapinchien, un étrange animal sévissant depuis huit ans sur la Zone – site littéraire online à vocation subversive – où il s’est imposé comme l’un des auteurs les plus prolifiques et imagina­ tifs. Monsieur Lapinchien est un excentrique du clavier qui ne vous laissera pas indifférent, un contemporain en devenir, un incontournable à découvrir à travers une interview et quatre textes rudes et organiques, traversés par la science-fiction, l’absurde, le roman noir et l’anticipation sociale. Du décalage aussi avec Geneviève Danies, Sylviane Kérivel et Matthieu R. dont nous avons sélectionné le travail pour notre rubrique Fulgure. Avec Sélection, Geneviève Danies déroule une vision futuriste et surpre­ nante, à l’humour froid et détaché. Sylviane Kérivel, dans Gibier de potence, livre un conte poétique et hors du temps. Dans Chasse, Matthieu R. décrit un monde trivial, angoissant et cocasse, étroitement emballé dans un instant de solitude. ´ 4 Concernant les autres rubriques à contraintes, nous avons aussi pioché dans la grande histoire avec Mon oncle Sosthène, d’un certain Guy de Maupassant, pour les besoins de notre rubrique Scandale ! Drôle, précis, virulent, décalé. Il n’en fallait pas moins. Avec les Collectionneurs, de Ensaladilla Jones, vous vous rendrez compte que l’on écoute parfois la mu­ sique pour des raisons hormonales plutôt que mélomanes, tandis que De l’addiction au réel, de Lino Gatèt, vous ouvrira les portes d’une librairie montpelliéraine dont les habitués affirment qu’elle vous propulse dans une autre dimension. Au rayon textes libres, une contribution de NatYot : Nathalie la vilaine, où la poésie rejoint la violence quotidienne : un texte dur et passionné ; et le Narrateur isolé, de MILL, qui nous raconte le destin édifiant d’un homme n’écrivant plus qu’en pensée. Enfin, le premier épisode de notre feuilleton Hot, par Lemon A, du pulp d’aujourd’hui, vous plongera dans l’univers bis et délirant des serveuses de McDo, des hommes-dragons et de Will Smith. Et quand vous en serez là, vous attendrez le prochain numéro. Vous souhaitant de bonnes et bienheureuses lectures, Votre futur amour, Quickie Squeezi 5 Chasse Matthieu R. Le café de ce matin était bon, très bon, et même après quatre tasses, il s'en était envoyé une cinquième, histoire d’être sûr. Problème. Parce qu'à aller timidement sur le trône et à se retenir d'assainir ses tripes correctement depuis douze jours, Patrick a maintenant une chiasse de tous les diables. Une vraie, une douloureuse. Parce que, pour l'anecdote, Patrick squatte chez des amis à lui, et ces mêmes amis sont dans le salon du petit appart, à deux mètres, grand max. Parce que Patrick n'est pas sûr que la musique sortant de l'ordinateur couvre tous les aléas livrés avec les grandes eaux. Parce que, comme toutes les chiottes du monde, l'insonorisation du lieu laisse à désirer. Patrick réfléchit. Il a déjà tiré la chasse, profité du brouhaha pour s'épancher en contractant bien fort, mais ce serait quelque peu gênant de répéter l’opération. Il aura l'air de quoi, en ressortant ? Non ! En même temps... S'il ressort maintenant, il est bon pour y retourner dans un quart d'heure et, qui plus est, en ayant mal au ventre. La quinte. Autre chose ? Tapisser de papier le fond de la cuvette pour atténuer le bruit ? Pourquoi pas ? Savant calcul, faut pas en mettre trop ni pas assez, parce que s'il bouche le conduit, ça sera beau. Superbe, même. Merde. Insonoriser ? C'est pas pour tout de suite... Ô rage ! Ô désespoir ! En attendant ? Patience et longueur de temps. 6 Le Narrateur isolé Une nouvelle édifiante de MILL Il avait décidé qu’il n’écrirait plus jamais. Fini, le glissement feutré de la petite bille imprégnée d’encre noire sur les pages à carreaux de ses cahiers d’écolier. Terminées, les séances de jonglage syntaxique jusqu’au petit matin. Achevée, l’insomnie du plumitif. Il composerait dans sa tête, à l’abri des regards et des compromis. Son œuvre n’existerait que pour lui. Il savait qu’il était capable de réciter l’équivalent de centaines de pages glanées dans des romans, des contes et des poèmes, des chapitres entiers sans la moindre erreur de ponctuation – autant de volumes qui res­ teraient à jamais inédits. Personne ne lirait ses nouvelles fantastiques, ses enquêtes policières, ses courts textes d’inspiration surréaliste. Ses absurdités littéraires, qu’il appelait nonchalamment «œuvrettes» dans le secret de son âme, ne connaîtraient jamais l’examen attentif, et peut-être enfiévré, d’une paire de pupilles. Lorsqu’on l’interrogeait à ce sujet, il répondait que l’écriture constituait à la fois un leurre et une prison. «Elle nous transporte, disait-il volontiers, et prétend nous élever. En cela, elle nous promet, avec la su­ perbe que lui procure son irréfutable savoir-faire, de nous affranchir de nous-mêmes. De nos limites imposées par la science, cette nature à laquelle nous devons nous soumettre, et de ces bornes que nous nous infligeons par atavisme ou par éducation. «Quand j’écris, je réduis les voies de mon esprit à une autoroute rectiligne sur terrain plat. J’égare le sel de mon histoire et me contente d’un squelette sans chair. Où sont passés les subtilités, les nuances, les détails à foison qui pimentaient le récit dans sa version d’origine ? Ecrire nuit à l’imagination là où la lecture tendrait à la développer.» Et de répéter qu’il n’écrirait plus. On s’inquiétait alors de savoir s’il se souvenait de ce qu’il produisait en pensée. On l’agressait mollement sur le ton de la conversation polie. Il mentait systématiquement, souhaitant éviter à tout prix d’avoir à déclamer ne fût-ce qu’une simple phrase. Un jour que l’agression s’était durcie sous les effets conjugués de l’alcool et du mépris que lui portaient ses interlocuteurs, il déclara que l’artiste maudit leur pissait au fondement et qu’il était prêt à leur «lire» une saga de sept cents pages dans la seconde qui suivait s’ils insistaient. Ils insistèrent et il s’exécuta. Patiemment et suivant un rythme enlevé, constant, prenant une gorgée d’eau, de bière ou de vodka à la fin de chaque sous-chapitre. Il réclama cinq minutes de pause entre les chapitres dix et onze, afin de se soulager, et reprit son récit, une bouteille à portée de main. Tout à son laïus, il crut surprendre des regards, des échanges muets dont l’inexplicable connivence l’angoissa. Il lui fallut quelques lignes avant de comprendre, ou d’imaginer, qu’il ne pourrait plus s’interrompre. 7 Cette étonnante révélation l’incita à effectuer un rapide calcul mental tandis que ses cordes vocales re­ prenaient leur ballet. A raison de cinquante chapitres encore, d’une dizaine de pages chacun, il ne lui faudrait pas uploads/Litterature/ squeezezero.pdf

  • 23
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager