Jean-François Hersent Direction du livre et de la lecture Sociologie de la lect

Jean-François Hersent Direction du livre et de la lecture Sociologie de la lecture en France : état des lieux ( essai de synthèse à partir des travaux de recherche menés en France) Juin 2000 SOMMAIRE Introduction p. 2 1ère partie : Prédominance des enquêtes quantitatives p. 6 chapitre 1 : Les années soixante p. 7 chapitre 2 : Les années soixante-dix p. 11 chapitre 3 : Les années quatre-vingt p. 13 chapitre 4 : Les années quatre-vingt-dix p. 18 2ème partie : Les études qualitatives p. 27 chapitre 5 : Quelques études sur les faibles lecteurs p. 28 chapitre 6 : La lecture en milieu rural p. 30 chapitre 7 : Lire en prison, les conclusions d’une enquête p. 34 chapitre 8 : La socialisation privée des lecteurs p. 37 3ème partie : Bibliothèques et librairies : études des publics p. 41 chapitre 9 : Les principaux enseignements de l’étude “ Cohorte de jeunes inscrits en bibliothèque ” p. 41 chapitre 10 : Qui sont les lecteurs ? Qui sont les acheteurs de livres ? Qui sont les usagers des bibliothèques ? p. 43 chapitre 11 : “ Intégration sociale et citoyenneté : le rôle des bibliothèques municipales ” p. 51 chapitre 12 : La nouvelle enquête sur l’expérience et l’image des bibliothèques municipales p. 55 4ème partie : Quelques éléments sur les pratiques de lecture en Europe p. 74 chapitre 13 : Les pratiques de lecture en France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie et Espagne : une étude comparative p. 75 chapitre 14 : Regards croisés : lire en Europe p. 79 chapitre 15 : Le livre préféré des jeunes européens à l'aube de l'an 2000 p. 100 Conclusion : “ Pratiques culturelles des Français ” 1997 p.116 INTRODUCTION 1) Les études sociologiques sur la lecture ont été marquées pendant longtemps par une forte empreinte de l'approche statistique et quantitative : on a souvent cherché à souligner l'influence des caractéristiques socio-culturelles des populations sur leur rapport au livre. Dès les années 50, la grille classique diplôme, âge, sexe, catégories socio-professionnelles s'impose dans toutes les branches de la sociologie et, par conséquent, régit aussi les premières enquêtes sur la lecture. 2) On a pu reprocher aux études quantitatives de bien souvent chercher seulement à retrouver certaines empreintes, certains poids d'une histoire sociale, plutôt que d’explorer de nouvelles influences. Il n’en reste pas moins vrai qu’elles restent indispensables. A preuve, pour s'en convaincre, l'état de la connaissance des pratiques de lecture chez nos voisins européens. Peu ou pas d'informations sur certains pays ou, quand ils existent, des questionnements parfaitement hétérogènes : les différences concernant les pratiques cernées ou les catégories employées sont telles qu'elles interdisent aujourd'hui toute comparaison sérieuse reposant sur des indicateurs homogénéisés et fiables. Quant à la connaissance statistique des pratiques de lecture et des rapports au livre, qui devrait être une base minimale pour la poursuite d'autres analyses, elle reste fragmentaire et lacunaire. Aucun pays d'Europe ne dispose à ce jour, du moins à notre connaissance, d'un outil statistique aussi élaboré que l'enquête Pratiques Culturelles des Français - enquête régulièrement renouvelée par le ministère de la Culture tous les 8 ans, depuis 19731. 3) La connaissance et l'analyse des pesanteurs socio-culturelles sur l'intensité de lecture, le choix de livres ou de presse, les modes d'approvisionnement, les richesses ou les pauvretés des bibliothèques familiales, sont précieuses. Elles permettent un repérage et une analyse de l'évolution de certaines contraintes. Elles permettent aussi de s'interroger sur les distorsions entre un réel " état des choses " et un ( bien souvent ) fantasmatique discours social. Ainsi, par exemple, l'enquête sur " les jeunes et la lecture " conduite en 1992 par François de Singly a fait apparaître que les meilleurs élèves en français n’étaient pas forcément, loin s'en faut, de grands amoureux de la lecture. 4) Au total, les données statistiques des enquêtes permettent de dessiner un autre paysage de la lecture, peut-être plus précis et plus contradictoire. L'analyse quantitative gagnerait pourtant à se poser de nouvelles questions, à tenter de construire de nouvelles catégories, plus spécifiques à chacune des pratiques culturelles qu'elle tâche de cerner. S'intéresser aux écarts à la norme, mettre l'accent sur ce qui vient contrevenir aux pesanteurs socio-culturelles, sur ce qui infirme plutôt que sur ce qui confirme, analyser les causes et les modes de cette infirmation : l'attention à l'atypie, à l'anomie, dont on sait qu'elles sont toujours porteuses des futures évolutions sociales, est sans doute ce qui permettrait d'éviter la tautologie de certains résultats d'enquête. S'intéresser aux non lecteurs de catégories habituellement lectrices, ou aux passionnés de lecture dans les populations souvent peu lectrices, s'intéresser aux distorsions dans les goûts, les choix, les rites de lecture, telles sont quelques unes des directions empruntés par plusieurs recherches récentes2. 1A l’initiative de la présidence française de l'Union européenne, le DEP (département des études et de la prospective du Ministère de la culture) a organisé au milieu des années 1990 plusieurs réunions au plan européen, regroupant les différents services chargés d’établir les statistiques nationales, se sont tenues afin d'étudier les modalités d'homogénéisation des indicateurs culturels utilisés et de procéder à un premier échange sur les différentes études sur la culture menées aujourd'hui en Europe. Mais, à ce jour aucun résultat définitif de ces travaux n'a été publié. 2Par exemple: Livre et Télévision : concurrence ou interaction ? de R.Establet et G.Félouzis (recherche 2 I- L’histoire de la naissance et de l’évolution de la sociologie de la lecture en France a été étudiée par plusieurs sociologues de la lecture : en particulier, Martine Poulain (“ Naissance des sociologie de la lecture ”, Histoire des Bibliothèques Françaises, t. 4, Paris, Promodis- Cercle de la Librairie, 1992, pp.195-203), Nicole Robine (“ Etat et résultats de la recherche sur l’évolution de la lecture en France ”, Cahiers de l’Economie du Livre n°5, mars 1991, Ministère de la culture, de la communication et des grands travaux-Cercle de la Librairie) et Bernadette Seibel (“ trente ans de recherches sur la lecture 1955-1995 : quelques repères ”, in B. Seibel (sous la dir. de) Lire, Faire Lire- Des usages de l’écrit aux politiques de lecture, Paris, Le Monde Editions, 1995 ). A ces travaux pionniers, il faut ajouter le travail de synthèse réalisé par Chantal Horellou-Lafarge et Monique Segré, Regards sur la lecture en France. Bilan des recherches sociologiques, Paris, L’Harmattan, 1996, auquel on aura très souvent recours pour cette présentation, sans oublier l'ouvrage récent de Nicole Robine, Lire des livres en France des années 1930 à 2000, Paris, Cercle de la Librairie, coll."Bibliothèques", 2000)3. II- De ces travaux, il ressort les points suivants : - la sociologie de la lecture en France est le produit de l’influence du psychologue russe Nicolas Roubakine (début du XXè siècle), du sociologue américain Douglas Waple (Ecole de Chicago, années 30) et du bibliothécaire allemand Walter Hofman (fin des années 20/début des années 30, avant d’être mis à la retraite d’office par le pouvoir nazi en 1937). - Mais l’intérêt pour la lecture proviendra d’abord des militants des mouvements en faveur de l’Education Populaire. Ces mouvements, qui se situent dans la lignée des idées de Condorcet, sont animés de la volonté de favoriser l’accès à la culture des couches populaires et défendent le droit à l’éducation pour tous, à tous les âges de la vie. Leurs représentants les plus connus de ce courant sont Joffre Dumazedier, cofondateur de “ Peuple et Culture ” à la Libération, qui créera le groupe de sociologie du Loisir au CNRS en 1953 et Jean Hassenforder, avec qui il mènera des travaux communs. Ce dernier, chercheur à l’Institut Pédagogique National, militait en faveur de l’extension des bibliothèques et de la lecture. Avec Robert Escarpit, professeur à la faculté des Lettres de Bordeaux et créateur du Centre de sociologie des faits littéraires en 1960 (devenu ensuite Institut de littérature et de techniques artistiques de masse : ILTAM), ils se révèlent soucieux d’appuyer leur action sur des travaux et des études scientifiques : “ Peuple et culture ” sera une sorte de bureau d’études sociales lié à cette perspective. III- Aux origines.... Ce n’est qu’après 1945, avec le tournant que constitue en France à cette époque l’accent mis sur le développement de la lecture publique (auparavant c’était le point de vue patrimonial qui prévalait largement) - tournant en partie calqué sur le modèle anglo-saxon -, que vont naître les premières enquêtes portant sur les publics qui fréquentent les bibliothèques. Il s’agit alors essentiellement de connaître les caractéristiques des lecteurs et d’évaluer l’impact des bibliothèques de lecture publique. Selon le Bulletin des Bibliothèques de France4, qui fait état de l’activité des BCP en 1955, la répartition des lecteurs selon leur âge montre dans presque toutes les bibliothèques une commanditée par l'Observatoire France Loisirs de la Lecture) ou Les jeunes et la lecture, étude réalisée à la demande du ministère, commun à l'époque, de l'Education Nationale et de la Culture. 3 Outre son intérêt général qui en fait un ouvrage à recommander à tous les professionnels du livre, Lire des uploads/Litterature/ sociologie-lecture-france-2000.pdf

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