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www.ssoar.info L'histoire quantitative: reflexions epistemologiques Robert, Jean-Louis Veröffentlichungsversion / Published Version Zeitschriftenartikel / journal article Zur Verfügung gestellt in Kooperation mit / provided in cooperation with: GESIS - Leibniz-Institut für Sozialwissenschaften Empfohlene Zitierung / Suggested Citation: Robert, J.-L. (1983). L'histoire quantitative: reflexions epistemologiques. Historical Social Research, 8(1), 24-33. https://doi.org/10.12759/hsr.8.1983.1.24-33 Nutzungsbedingungen: Dieser Text wird unter einer CC BY Lizenz (Namensnennung) zur Verfügung gestellt. Nähere Auskünfte zu den CC-Lizenzen finden Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.de Terms of use: This document is made available under a CC BY Licence (Attribution). 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Il y a de cela quelques années, Pierre Chaunu(l) a pu écrire: "Y a-til encore aujourd'hui une forme d'histoire qui ne soit pas, peu ou prou, histoire quantitative ou histoire sérielle?" et plus nettement encore: "A la limite, il n'y a plus guère d'histoire digne de ce nom, aujourd'hui, qui ne soit sérielle . . ." Au même moment, aux Etats-Unis, le P r Fogel, le chef de file de la New Economic History, constatait, dans un article paru dans The American Historical Review(2), que, dans le domaine de l'histoire économique, les articles et travaux américains étaient devenus to- talement mathématisés, comme dans l'économétrie . Alors, le triomphe de ce qui avait été perçu par d'aucuns comme une mode? Pour R . Fogel, il ne peut s'agir d'une mode, il ne peut y avoir dé- bat sur l'utilisation des méthodes quantitatives, parce que, de fait, les historiens produisent des analyses quantitatives - et au-delà une modélisation - de façon implicite, "dissimulées sous les mots". Jean Philippe Genet dans un article d'Historiens et Géographes(3), Jean Heffer dans sa présentation de la N .E .H .(4), traquaient ces termes : "petit", "grand", mais aussi "important, typique, essentiel, décisif, progrès, maintenue, recul, vaine, ébaucher, épanouir, iden- tique . . ." . Robert Fogel indique qu'il donne aux étudiants de son séminaire des pages de travaux d'historiens classiques et qu'ils en tirent les propositions quantitatives non explicitées . C'est déja + Address all communications to : Jean-Louis Robert, Université de Paris I, Centre de recherches d'histoire des mouvements sociaux et du syndicalisme, 9 rue Malher, F-75004 Paris - 25 - poser là le problème du rapport quantité/qualité sur lequel nous reviendrons. Mais ce que, selon moi, le P r Fogel, ne perçoit pas, c'est l'envers de son affirmation . Ne peut-on alors produire une construction hi- storique sans s'encombrer des méthodes quantitatives? Lors d'un colloque tenu en Belgique en 1971, sous les auspices du Centre na- tional de Recherches de Logique(S), consacré à la quantification en histoire, à l'issue de la présentation d'un modèle mathématique sur la stratégie des entrepreneurs, un participant se "demanda quelle est la nouveauté de ce modèle par rapport a une pensée exprimée de manière raisonnée" . D'autant que l'historien se trouve devant les exigences de la critique historique classi que du chiffre lors- qu'il est préconstitué en séries statistiques et que l'historien, surtout celui du xlxe et plus encore du xx e siècle, se voit con- fronter à des sources quantifiées ou quantifiables, sans cesse croissantes, l'historien du temps présent peut-il, sans une solide réflexion méthodologiques, se lancer à l'assaut des 26 000 pages publiées, chaque année par l'I .N .S .E .E ., accompagnées de 500 000 pages de tableaux en microfiches et d'une immense information pri- maire conservée sur bandes magnétiques? La réflexion méthodologique est une des questions centrales de la quantification en histoire . Elle se distingue de l'appréhension de la technique statistique (comment calculer un coefficient de corrélation, des indices, régulariser une courbe, effectuer une analyse factorielle . . .) car la réflexion doit porter sur les tra- vaux effectuésou en cours . Selon les termes de R . Boudon dans A propos d'un livre imaginaire, présentation des travaux de Lazars- feld, il ne s'agit pas de fixer des règles idéales d'une recherche, mais de comprendre "le savant au travail" . Cette méthodologie qui n'est rien d'autre que la "méthode quantitative critique" qu'appe- lait de ses voeux l'historien belge J . Hannes lors du colloque sur la quantification en histoire . Cette réflexion est largement avancée pour certains domaines de l'histoire (particulièrement la démogra- phie), elle pourrait bénéficier des acquis de la sociologie empi- rique américaine, notamment sur les problèmes de la corrélation et de la causalité . Mais il reste nombre de points qui porraient faire l'objet d'une réflexion méthodologique systématique - i .e . - d'abord d'une relecture critique des travaux. A ce niveau-là, nous nous séparons de F . Furet, qui dans Faire de l'Histoire(6), sépare technologie et histoire . Il nous semble que cèst de l'étude de la rencontre technique/histoire qu'il faut partir. Abordons, donc, quelques cas ; et tout d'abord, le débatsurla statistique rétrospective ; débat qui a été assez vigoureux dans les années 1960 et qui semble s'affaisser, après diverses rencontres comme le colloque Pour une histoire de la statistique(7) où historiens et statisticiens purent confronter leurs points de vue . La question avait été lancée vigoureusement par Simon Kuznets en 1941, qui exigeait que "L'historien reconnaisse plus explicitement les problèmes et les généralisations formulées par l'analyse statistique de la théorie économiques et qu'il veuille prendre pour guide, quand - 26 - il choisit son matériau, les critères mesurables développés par d'autres branches du savoir économique plutôt que les guides plutôt nébuleux et variables qui gouvernent le choix des maté- riaux par les historiens en général ." et de donner l'exemple avec son magistral La production nationale depuis 1869 en 1946 . L'appel ne resta pas sans écho en France, comme l'attestent les premier travaux de Pierre Chaunu et les réflexions qu'il amorce dès 1960 dans un article : "Dynamique conjoncturelle et histoire sérielle". Cependant, la contradiction entre historiens et économistes ou statisticiens ira en s'accentuant en France, avec les travaux de Marczewski(8), de Fourastié proposant une vaste comptabilité na- tionale rétrospective, une histoire quantitative complète de la France moderne et contemporaine . Cette contradiction est rendue plus aiguë encore par l'adoption massive de ces procédures par l'historiographie américaine (la Nouvelle Histoire économique). Un débat s'ouvre alors, vigoureux . Pierre Vilar pouvait affirmer en 1970 :(9) "Un concept, une mesure ne valent que pour un temps ; je n'admets toujours pas . qu'on s'obstine à chercher l'équivalent 1970 d'un revenu 1700 ." De la même manière, François Hincker et Antoine Casanova(10) cri- tiquaient l'anachronisme de cette histoire rétrospective . D'autres historiens, comme Pierre Chaunu et Maurice Lévy-Leboyer admettaient la démarche quantitative rétrospective et la considéraient comme optimale, tout en soulignant la grande insuffisance critique de ces travaux et surtout la difficulté de raccorder "les statistiques rétrospectives utilisables en histoire et les recensements empi- riques " que l'on rencontre . De ce fait, l'histoire économique ne serait jamais que sérielle. On notera, ici, que comme l'indiquait récemment Jean Bouvier(11), le débat n'est pas entre tenants d'une histoire qualitative et tenants d'une histoire quantitative que depuis Simiand et E. Labrousse les historiens pratiquent, mais concerne le caractère opératoire des concepts mesurables utilisés. Ces divisions se sont-elles effacées, au travers d'un rapprochement des points de vue? L'histoire est-elle d'abord "une histoire de la pesée globale" comme l'envisagent Fernand Braudel et Pierre Chaunu, "dont tous les éléments sont toujours rapportés plus ou moins im- plicitement à la totalité de l'homme dans le temps et dans l'espa- ce . . "? Alors l'histoire est donc d'abord macro-histoire dans le temps long et dans l'espace, histoire qui assurément exige les in- dicateurs statistiques rétrospectifs. On utilisera ainsi, plus volontiers, un indicateur comme le prix réel du froment de 1401 à 1950 - ce qui suppose une réflexion com- plexe sur la mesure ("les mesures anciennes sont réduites en quin- taux actuels, les prix du blé calculés en heures de travail") du phénomène qui combine des unités classiquement mesurables (poids, temps). Les derniers volumes de l'histoire : économique et sociale(12) - est- ce là fait des historiens? de la période étudiée? - procèdent, me semble-t-il, tout différemment . Certes, des courbes "de longue - 27 - durée" - au plus, un siècle cependant - sont établies, c'est le "Panorama d'une croissance" - là encore l'emploi de quantités phy- siques, ou de mesures ramenant de manière implicite (le franc con- stant) à des quantités physiques est présent ; mais les auteurs, sensibles au bouleversement inflationniste du xxe siècle s'inter- rogent ; "les valeurs en francs courants" ne "sont-elles pas le pain quotidien des calculs et des comportements uploads/Litterature/ ssoar-hsr-1983-no-25-robert-lhistoire-quantitative-reflexions-epistemologiques.pdf

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