Catherine Miller Questions de contact, questions d’identité. Pour une socioling

Catherine Miller Questions de contact, questions d’identité. Pour une sociolinguistique du monde arabophone Les dynamiques linguistiques urbaines de la Vallée du Nil, Soudan et Egypte Synthèse et orientation des recherches Dossier présenté en vue de l’habilitation à diriger des recherches Université de Provence 2004 - 2005 1 2 3 Remerciements Tout itinéraire de vie, toute carrière sont le fruit de multiples rencontres qui influent ou orientent nos choix de vie et de travail. C’est pourquoi je tiens à remercier plus particulièrement trois personnalités scientifiques qui, quand j’étais encore doctorante, m’ont aidée et soutenue et ont ainsi contribué à mon orientation professionnelle. D. Cohen, par l’étendue de ses connaissances, son enthousiasme communicatif et la confiance qu’il savait accorder à ses étudiants, m’a encouragée à m’aventurer dans des terrains peu balisés, malgré toutes mes lacunes théoriques de débutante iconoclaste et insouciante, préférant l’attrait du terrain aux séminaires d’universités ! G. Manessy a manifesté, au fil d’une longue correspondance, son intérêt pour mes recherches et ses travaux m’ont beaucoup inspirée. J. P. Caprile m’a soutenue tout au long de mon travail de thèse et m’a patiemment initiée à l’enquête linguistique en milieu africain. Sans eux, je n’aurais certainement jamais poursuivi de recherches dans ce domaine. Il serait ici trop long de nommer tous les collègues français et étrangers dont la collaboration et les échanges m’ont été bénéfiques (cf. les membres de l’ERA 585 à Paris, du LLAOR à Sophia- Antipolis, de l’IDERIC à Nice, du CEDEJ au Caire, de l’IREMAM à Aix en Provence, les collègues d’URBAMA à Tours, de l’Université de Khartoum, de l’Université de Juba, de l’Université du Caire et de l’Université Américaine du Caire, etc.). Merci plus particulièrement à Mustafa Ahmed Ali, Mustafa Babiker, Louis-Jean Calvet, Dominique Caubet, Fanny Colonna, Isabelle Dalmau, Agnès Deboulet, Eric Denis, Sylvie Denoix, Abdel Rahman Faragallah, Tamadur Ibrahim, François Ireton, Rupert Hasterok, Alan Kaye, Pierre Larcher, Jérôme Lentin, Antoine Lonnet, Ragab Mutwalli, Jonathan Owens, Henry Wany Rodyang, Arlette Roth, Reem Saad, Hashim Mohamed Salih, Salah Shazali, Diane Singerman, Martine Vanhove, Daniel Véronique, Kees Versteegh, Marie Kidden Yakobo, Kassem Wahba, Paul Wald, Manfred Woidich. Une grande partie de mes recherches et de mes publications s’est faite en étroite collaboration avec deux collègues et amis pour lesquels je tiens à exprimer ma plus grande gratitude. J’ai fait plusieurs terrains et écrit plusieurs publications avec Al Amin Abu Manga, de l’Université de Khartoum. Sa rigueur professionnelle et son dynamisme ont permis de surmonter de nombreux obstacles tant à Khartoum que dans l’est du Soudan. Il m’a introduite dans l’univers ô combien complexe des communautés ouest africaines au Soudan. Notre collaboration nécessitait une grande tolérance et confiance respectives. Madiha Doss, de l’Université du Caire, m’a fait bénéficier de toutes ses connaissances sur l’Egypte, connaissances non seulement livresques et universitaires mais aussi humaines. Lors des 4 séances de séminaires que nous avons animées au Caire, j’ai pu rencontrer de nombreux universitaires égyptiens. Notre collaboration s’est concrétisée par la co-direction d’un ouvrage collectif qui mêle de façon heureuse, il me semble, dialectologie historique et sociolinguistique. En optant pour une ‘recherche de terrain’, je n’aurais rien pu faire sans les innombrables personnes qui, au Soudan comme en Egypte, m’ont accueillie, aidée avec patience et tolérance, soutenue et dont beaucoup sont devenues des amis. C’est souvent au cours de ces longs moments passés ensemble, de façon informelle, que j’ai commencé à apprendre et à comprendre. Leur courage, leur humour, leur fierté et leur dignité ont été pour moi une immense leçon de vie qui déborde largement le cadre intellectuel. Ils sont une part indissociable de mon histoire personnelle et je ne peux envisager de “ recherche ” qui ne soit basée, au départ, sur des rencontres humaines. Beaucoup ont été pris dans les tourmentes économiques et politiques de ces vingt dernières années mais tous luttent pour vivre dans la dignité. Une pensée particulière pour Lado Wany à Juba, Adil Abdallah et les familles de Takamul, la famille de Um Gaber à Talbeyya, la famille de Adla à Hillat Kuku, Inas à Gedaref, Meheret Tilahun et tous ses amis éthiopiens et érythréens, Rachid Babiker qui a dédié sa vie à la défense politique de son peuple. Merci enfin à Jean Pierre, Olivier et Florence qui ont participé à l’aventure. 5 “ L’esprit du chercheur doit toujours faire activement, en lui même, une place à L’Autre étranger. Et cette action créatrice d’ouverture à l’Autre, qui sinon reste étranger et distant, est la dimension la plus importante de la mission du chercheur. ” E. W. Said, “ L’humanisme dernier rempart contre la barbarie ”, Le Monde Diplomatique, Septembre 2003, p. 20-21. Introduction A un moment où les “ Area Studies ” ont mauvaise presse et où, malgré les discours officiels, les approches pluridisciplinaires ont bien du mal à s’imposer face aux spécialisations des disciplines, je voudrais ici, à l’occasion de cet exercice rétrospectif, souligner, encore une fois, combien il me semble impossible de prétendre faire des recherches en Sciences dites “ Humaines ”, en isolant les domaines les uns des autres ou en privilégiant de façon “ absolue” des modèles théoriques. Loin de moi de vouloir opposer terrains et théories, qui forment les faces complémentaires d’une même recherche ou de vouloir ignorer tous les acquis des disciplines respectives qui ont nourrit ma réflexion personnelle. Mais puisqu’il s’agit ici d’une Habilitation à Diriger des Recherches, et non pas d’un énième rapport d’activité, il me semble primordial d’insister sur une certaine éthique de recherche qui me tient à cœur, tout en en soulignant les innombrables difficultés. Tout au long de ma carrière (bientôt vingt ans), et au fil de terrains successifs, j’ai essayé de façon d’abord relativement intuitive, puis de façon plus consciente et réfléchie, de suivre une certaine éthique dont les maîtres mots pourraient être : refus de l’enfermement disciplinaire et de l’obédience théorique, écoute du terrain et de “ l’Autre ”. Ceci ne s’est pas fait sans quelques “ bricolages ”, tâtonnements et longs détours vers la sociologie et l’anthropologie générant parfois des publications dispersées et un peu marginales mais aussi une certaine originalité que je pense pouvoir revendiquer. La synthèse de mes principaux travaux met en évidence une continuité de mes recherches qui dans l’aire dite “ arabe ”, sont parties du plus “ périphérique ” (Juba et le Sud Soudan) et, descendant le long du Nil (Khartoum), sont allées vers le plus “ central ” (Le Caire), avec une dominante (mais pas une exclusivité) de travaux concernant les contacts linguistiques et les modalités d’urbanisation des groupes migrants ou récemment urbanisés. Mes domaines de travail successifs ou concomitants ont été : 6  l’expansion de l’arabe au Sud Soudan, la description du Juba Arabic, le passage langue véhiculaire à langue vernaculaire, la pertinence des concepts de pidgins/créoles dans le domaine arabe tant sur le plan historique que sur le plan contemporain  les politiques linguistiques au Soudan (incluant les politiques étatiques et celles prônées par les mouvements politiques et les mouvements d’opposition) et leur impact sur les processus d’intégration nationale et les mouvements de revendications identitaires  l’histoire linguistique de l’Egypte et par extension l’étude de la relation langue/identité nationale dans le monde arabe  les phénomènes de migration urbaine, de contact et de changement linguistique, d’accommodation dialectale tant en contexte plurilingue (les migrants non arabes à Khartoum) qu’en contexte plus “ monolingue ” (Les migrants de Haute Egypte au Caire) en m’interrogeant sur la question des “ modèles urbains ” et sur les modalités de contact linguistique  les constructions d’identité collective et le rôle des facteurs linguistiques dans ces processus d’ethnogenèse collective (les Nouba-s, les ouest Africains au Soudan, les Sa’îdi-s en Egypte), Trois grands thèmes traversent tous mes travaux et tous mes terrains : a) l’étude des phénomènes de contact linguistique, (et donc du changement, de l’acquisition, de la koinèisation, de l’appropriation), b) l’étude des processus d’interaction entre contexte social, contexte politique et contexte d’énonciation dans lesquels se produisent ces phénomènes de contact et c) le rôle du langage dans les recompositions identitaires collectives. Mes débuts dans la “ périphérie ” m’ont certainement aidée à développer des domaines de recherches peu abordés par la majorité des arabisants français au début des années 1980. Mes “ bricolages ” théoriques et méthodologiques m’ont permis de faire une certaine synthèse entre les travaux anglo-saxons et les travaux francophones, du fait qu’une partie de mes recherches s’est déroulée dans des terrains peu fréquentés par les sciences sociales francophones. L’ouverture vers l’anthropologie et la sociologie m’a fait réfléchir dès les années 1980 sur les questions de fluidité des frontières ethniques. Etant peu présente en France, et plutôt marginale dans les réseaux de sociolinguistique française je n’ai pas connu ce “ French taste for theories ” évoqué par Andrée Tabouret-Keller et Françoise Gadet (2003) et ce n’est que récemment que je me suis familiarisée avec les recherches françaises en sociolinguistique, redécouvrant parfois des richesses que j’avais oubliées. Je n’ai pas cherché à écrire de longs développements théoriques et réflexifs sur le rôle et la place de la sociolinguistique, uploads/Litterature/ synthese-1.pdf

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