ISSN: 1699-4949 nº 14, abril de 2018 Artículos La Disparition de la langue fran
ISSN: 1699-4949 nº 14, abril de 2018 Artículos La Disparition de la langue française d’Assia Djebar*: espaces au féminin, ombres et lumières, ou le tangage entre les langues et le temps Montserrat Serrano Mañes Universidad de Granada mserrano@ugr.es Resumen La vertiente autoficcional de Assia Djebar es particularmente clara en La Disparition de la langue française. Este trabajo toma como ejes algunos temas que se revelan especialmente atractivos: a partir del protagonista masculino, Berkane, intentamos desbrozar los territorios de la lengua, que se “dice” a partir de horizontes variados. Las lenguas se convierten en terri- torios femeninos: primero su madre; Marise, la mujer de la otra orilla, tumba de luz; Nadjia, la visitante, sombra y llamada de las raíces. Los paisajes muestran la pérdida progresiva de la lengua del otro, que lleva al silencio, a la desaparición y a la muerte. Palabras clave: Autoficción. Identidad. Lenguaje. Pérdida. Historia Abstract The autofictional side of Assia Djebar is particularly obvious in La Disparition de la langue française. This work is focused on some singularly attractive topics : starting from a male protagonist, Berkane, we intend to clear the linguistic ground that is said to be through diverse horizons. Languages become feminine territories : first her mother ; Marise, the woman from the other river bank, tomb of light ; Nadjia, the visitor, shadow and call from the roots. The landscapes show the progressive loss of the language of the Other, leading to silence, despair and death. Key words: Autofiction. Identity. Language. Loss. History Résumé Le versant autofictionnel d’Assia Djebar est particulièrement clair dans La Dispari- tion de la langue française. Ce travail est axé sur quelques éléments singulièrement captivants : à partir d’un protagoniste masculin, Berkane, nous défrichons les territoires de la langue, qui se dit à travers plusieurs horizons. Les langues deviennent des territoires féminins : sa mère d’abord ; Marise, la femme de l’autre rive, tombeau de lumière; Nadjia, la visiteuse, ombre et * Artículo recibido el 6/02/2017, evaluado el 14/07/2017, aceptado el 25/07/2017. Çédille, revista de estudios franceses, 14 (2018), 523-537 Montserrat Serrano Mañes http://cedille.webs.ull.es/14/22serrano.pdf 524 appel des racines. Les paysages montrent la perte progressive de la langue de l’autre, qui mène au silence, à la disparition et à la mort. Mots clé : Autofiction. Identité. Langage. Perte. Histoire. 0. Introduction Le 6 février 2015, Assia Djebar nous tirait sa révérence. Son décès a supposé, d’une certaine manière, la disparition totale, la « grande disparition », qui venait re- joindre en écho celle du héros de La Disparition de la langue française, Berkane. À posteriori, nous pouvons déceler dans les œuvres des dernières années de Djebar une annonce subliminale, un adieu qui s’est accompli avec sa mort. La Dispa- rition de la langue française paraissait en 2003, et le livre se clôt sur le silence du pro- tagoniste. Quant à son dernier récit paru en 2007, Nulle part dans la maison de mon père, tel un pèlerinage sur les sentiers de la mémoire, celui-ci est de fait son premier vrai roman autobiographique, et une fois de plus, son titre est sursignifiant. C’est à travers ces deux titres que Assia Djebar se disait, une dernière fois, et qu’elle nous faisait ses adieux. Ce versant autofictionnel, présent dans La Disparition de la langue française et qui caractérise le parcours personnel d’Assia Djebar, « accré- dite le témoignage du récit par une couche d’authenticité rare dans la fiction française contemporaine » (Domingues de Almeida, 2006 : 365). L’histoire qui nous est racontée dans La Disparition de la langue française est une histoire de retrouvailles, mais aussi de perte. Au début des terribles années 90, Berkane rentre pour toujours en Algérie, après avoir été pendant 20 ans un émigré en France. Il retrouve son pays d’origine, sa langue première, les souvenirs de sa famille déjà disparue. La remontée aux sources suppose la lente reconstitution de la mémoire. De fait, Berkane, retraité, revient à la maison familiale de Douauda en principe pour écrire un roman, auquel il pense depuis des années. Son retour au pays de ses racines, qui est aussi un retour à la langue, aura été un travail de mémoire : la mémoire affective, les rencontres qui se succèdent vivifient le présent de tout un peuple et font revivre les êtres aimés, témoins historiques du temps perdu. Il aura découvert, finalement, son propre chemin en y traçant ses re- pères personnels. Une fois tressés inextricablement les cheminements de l’histoire personnelle et collective, réalisé le travail de réunification interne des deux univers langagiers, Berkane disparaît, dévoré par un monde qui refuse la différence et la tolé- rance. Plusieurs ont été les éléments qui ont attiré notre attention à la lecture de La Disparition de la langue française, et c’est sur ces quelques axes, autour desquels le récit se construit, que je veux développer sommairement cette approche textuelle. Çédille, revista de estudios franceses, 14 (2018), 523-537 Montserrat Serrano Mañes http://cedille.webs.ull.es/14/22serrano.pdf 525 1. Berkane, creuset d’une histoire vraie Le premier élément qui s’impose depuis l’ouverture du récit, c’est le choix, peu habituel chez Assia Djebar, d’un protagoniste masculin, Berkane. Comment pen- ser à des éléments autobiographiques, ou appartenant à l’histoire vitale de Djebar, dans ce cas-là ? Il s’agit, sans doute, d’une manière de déplacer l’attention vers d’autres éléments que l’auteure veut absolument privilégier. Le choix du prénom Berkane n’est pas banal. L’écrivaine y établit une alliance subtile, souterraine et féminine : sa mère, Bahia Sahraoui, appartenait à la famille des Berkani. Berkane est aussi une ville du Maroc, aux frontières de l’Algérie, qui tire son nom d’un saint de la ville, Sidi Ahmed Aberkane, et qu’en langue amazigh, Aberkane, Berkan, signifient ‘noir’. D’ailleurs, Djebar introduit toujours dans ses romans des données personnelles, non seulement par les noms choisis, mais aussi par des récits autofictionnels. 2. Les territoires de la langue Le fait que Berkane écrive dans la solitude et le silence de sa maison d’enfance, renvoie à la phrase de Djebar : « J’écris à force de me taire » (Djebar, 1999 : 25). C’est encore par cet aspect double de silence/écriture que le personnage Berkane reste toujours rallié à l’auteure. L’écriture demeure ainsi le moyen unique et privilégié de réveiller la voix de son silence, ce qui rejoint, d’une certaine façon, la réflexion de Baffet (2010 : 70) de la langue de l’autre comme lieu symbolique de l’exil. Le français permet au protagoniste extérioriser « intérieurement » son dire dans un cri silencieux. Et ce dire a plusieurs horizons ou territoires : le pays du nord, la France ; l’Algérie, son sud du cœur, avec les lieux de son enfance, récupérés à tra- vers les rues d’Alger et de sa chère Casbah ; la Méditerranée, qui sépare et qui unit ces deux rives, et que Bonn (2004 : 7) appelle déplacements polysémiques. La France, horizon éprouvé pendant vingt ans par l’exilé qu’il était, provoque en lui un vide intérieur duquel surgissent, en se dressant comme des mu- railles, des images fortes du sud perdu qui l’interpellent dans ses dernières promenades parisiennes: Un désert de pierre en lui : ou plutôt, peu à peu surgissant, l’image d’un mur haut, en briques bien serrées, de couleur ocre sale, cette muraille devant ses yeux surgissait pour lui barrer tout horizon, ensuite l’hallucination s’effaça, il respira, se leva, marcha sans but au-dehors, de nouveau un hamada, désert de pierres grises, apparut en lui (Djebar, 2003 :18-19). Après l’exil enfin clos, Berkane transmet à travers sa « conversation silen- cieuse » (Djebar, 2003 : 23) avec Marise, son besoin de se retrouver. C’est, donc, une quête de soi qu’il amorce à travers le vide de toutes ces années grises. Il ne cherche pas, cependant, à expliquer son passé ou à s’expliquer son choix, mais à apaiser et à Çédille, revista de estudios franceses, 14 (2018), 523-537 Montserrat Serrano Mañes http://cedille.webs.ull.es/14/22serrano.pdf 526 éteindre son trouble intérieur « sans questions superflues », à travers une lettre dont le destinataire est pour le moins aléatoire; la confidence, restée cachée dans l’écrit, es- camote de fait ce destinataire absent et hors-jeu, Marise/Marlyse, car Berkane ne lui envoie jamais ses lettres. Celles-ci deviennent, surtout, le moyen intime de la re- cherche psychique du protagoniste : Cette lettre parce que, bien sûr, tu me manques, mais aussi parce que je sens un trouble inattendu en moi ; ce trouble, j’espère, à la fin de cette conversation silencieuse avec toi, l’atténuer, me retrouver simplement moi, sans questions super- flues : ni sur ma vie ainsi choisie, ni sur le passé – surtout celui qui nous a noués, puis dénoués, mais, plus gris derrière, le flux de ces longues années écoulées en France sans but… (Djebar, 2003 : 23) L’Algérie, territoire de la ressouvenance, lieu de mémoire et en même temps lieu de perte, baigne dans la lumière: une lumière qui illumine son passé et qui l’accable, car le temps écoulé l’a définitivement séparé du temps qu’il pen- sait avoir retrouvé. La distance si grande entre ces deux temps, celui d’il y a vingt ans – le uploads/Litterature/ la-disparition-de-la-langue-francaise-dassia-djeb.pdf
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- Publié le Aoû 17, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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