ENTORNOS, Vol. 29, No. 2, Noviembre 2016 211 Un bon exercice de lecture du Cour

ENTORNOS, Vol. 29, No. 2, Noviembre 2016 211 Un bon exercice de lecture du Cours de linguistique générale Claire A. Forel Université de Genève, Suisse claire.forel@unige.ch Recibido: 1 de septiembre de 2016/Aceptado: 28 de octubre de 2016 Artículo Résumé: Cet article va rendre compte d’aspects de la transmission de la pensée saussurienne qui ont surgi lors de la préparation et du déroulement (en cours actuellement) d’un séminaire intitulé Reading Saussure and Chomsky. Comme Chomsky n’avait pu lire que le seul CLG, nous prendrons cet ouvrage comme point de repère que nous confronterons aux notes des étudiants, à celles de Saussure ainsi qu’à la Collation Sechehaye (Sofia 2015) récemment parue. Nous prendrons trois passages : les premières lignes du CLG; le fameux circuit de la parole (tous deux dans l’«Introduction» du CLG), et la célèbre comparaison de la langue avec le jeu d’échecs (CLG: 125 et 153) qui avait retenu l’attention de Chomsky. Nous verrons des exemples d’adjonction ou de suppression par rapport aux notes des étudiants, des reformulations qui mettent une meilleure lecture de la pensée saussurienne, ainsi que de+s modifications aux schémas notés par les auditeurs apportés par Bally et Sechehaye. Nous verrons aussi comment Chomsky a choisi de retenir ce qui l’intéressait dans l’œuvre de Saussure, quitte à laisser de côté des aspects qui auraient dû l’interpeler Mots clés: Saussure & Chomsky, CLG, langue-parole, compétence-performance A good reading exercise of the General Linguistics Course Abstract This article will account for aspects of the transmission of Saussurean thought that arose during the preparation and running (currently under way) of a seminar entitled Reading Saussure and Chomsky. As Chomsky was able to read only the CLG, we will take this book as a reference point that we will compare with the students' notes, those of Saussure and the recently published Sechehaye Collation (Sofia 2015). We will take three passages: the first lines of the CLG; the famous speech circuit (both in the "Introduction" of the CLG), and the famous comparison of the language with the chess game (CLG: 125 and 153) that had attracted the attention of Chomsky. We shall see examples of addition or deletion in relation to the students' notes, reformulations which give a better reading of Saussurean thought, as well as modifications to the schemes noted by the auditors brought by Bally and Sechehaye. We shall also see how Chomsky chose to retain his interest in Saussure's work, leaving aside aspects that should have called him Keywords: Saussure & Chomsky, CLG, langue-parole, competence-performance 212 ENTORNOS, Vol. 29, No. 2, Noviembre 2016 Comment décliner Saussure lorsque l’on est rattachée à la linguistique anglaise, dans une faculté où, mis à part une brève mention dans un cours de première année, le linguiste genevois n’est plus au programme? Il s’agit à la fois de présenter une approche nouvelle pour les étudiants et de la rattacher à différentes problématiques, comme celle de sa réception (La réception de Saussure en Amérique du Nord) ou des problèmes posés par sa traduction en anglais (Les traductions anglaises du Cours de linguistique générale). La méthode retenue a toujours été une lecture aussi près du texte que possible, même s’il ne s’agissait que de passages choisis compte-tenu des contraintes de l’enseignement. Néanmoins l’exercice s’est révélé fructueux. Les problèmes de traduction, par exemple, ont permis à une étudiante de remarquer que des deux équivalences offertes en anglais pour ce que Saussure appelle les deux faces du signe, la version de W. Baskin, qui recourt au mot side, est plus convaincante que la retraduction de R. Harris qui choisit l’expression two complementary facets, notamment parce que facet implique plus que deux côtés, ce qui n’est pas (forcément) le cas de side, comme dans the two sides of a coin ou of a piece of paper1. Ce même séminaire avait aussi donné l’occasion de remarquer une différence dans l’endroit où se situait le lien connectant la langue et la masse parlante d’une part au facteur temps d’autre part. En effet, il était apparu que la formule retenue dans le CLG2, ce lien étant situé à la jonction entre la masse parlante et la langue, était le fait de Bally et Sechehaye, puisque les notes des étudiants le plaçaient à la hauteur de la seule masse parlante, alors que dans les notes de Saussure on le trouvait au niveau de la langue; ceci avait permis à un doctorant, Th. Robert, de rédiger un article sur le facteur temps et ses interprétations graphiques3. Cet article va rendre compte d’aspects de la transmission de la pensée saussurienne qui ont surgi lors de la préparation et du déroulement (en cours actuellement) d’un séminaire intitulé Reading Saussure and Chomsky4. Comme Chomsky n’avait pu lire que le seul CLG5, nous prendrons cet ouvrage comme point de repère que nous confronterons aux notes des étudiants, à celles de Saussure6 ainsi qu’à la Collation Sechehaye (Sofia 2015) récemment parue. Nous prendrons trois passages: les premières lignes du CLG; le fameux circuit de la parole (tous deux dans l’«Introduction» du CLG), et la célèbre comparaison de la langue avec le jeu d’échec (CLG: 125 et 153) qui avait retenu l’attention de Chomsky. Nous verrons des exemples d’adjonction ou de suppression par rapport aux notes des étudiants, des reformulations qui mettent une meilleure lecture de la pensée saussurienne, ainsi que des modifications aux schémas notés par les auditeurs apportés par 1 La comparaison avec la feuille de papier est de Saussure. <pour l’article issu des réflexions amenées par ce séminaire, voir Forel (2012). 2 Dorénavant nous citerons ce livre sous cet acronyme et non pas sous le nom de Saussure. Nous nous référons à Saussure (1972). Nous utiliserons aussi l’édition critique de R. Engler (Saussure 1968), abré-gée CLG/E. 3 Du reste, la parution toute récente de Sofia (2015) La «Collation Sechehaye» du ‘Cours de linguistique générale’ de Ferdinand de Saussure montre que la première intention des éditeurs était de respecter le schéma tel que Saussure l’avait présenté. 4 Donné au semestre d’automne 2016 à l’Université de Genève, conjointement avec Genoveva Puskas, linguiste générativiste. L’objectif était de préparer les étudiants pour l’atelier Saussure-Chomsky: converging and diverging qui se tiendra en janvier 2017 dans le cadre du colloque clg2016: L’Emergence célébrant à Genève les cent ans de la parution du CLG. 5 Il n’est pas certain que Chomsky ait lu le CLG en traduction, comme nous le verrons plus tard. A l’époque où Chomsky commence à discuter Saussure, il n’existait qu’une seule traduction en anglais, celle de W. Baskin. Harris (1983), l’auteur de la deuxième traduction anglaise du CLG, semble penser que Chomsky a lu Saussure en anglais, puisque dans sa «Translator’s Introduction» à sa propre traduction, il prétend que le travail de Baskin était si mauvais que Chomsky ne pouvait que mal interpréter Saussure! 6 Dans l’édition critique de R. Engler CLG/E (dans ce cas nous citons d’abord le numéro attribué à Engler de l’extrait du CLG puis éventuellement d’autres indications). Pour les notes de Constantin du troisième cours (Constantin 2005), nous utiliserons la transcription qu’en a donnée C. Mejia dans les Cahiers Ferdinand de Saussure 58 (Constantin 2005), pp. 83-289. ENTORNOS, Vol. 29, No. 2, Noviembre 2016 213 Ce cours traitera de la linguistique proprement dite, et non la langue et le langage. […] Cette science a passé par des phases défectueuses. Après est venue une linguistique proprement dite, consciente de son objet. (Constantin 2005: 83) La science qui s’est constituée autour des faits de langue…. a passé par trois phases successives avant de reconnaître quel est son véritable et unique objet. (CLG: 13) Bally et Sechehaye. Nous verrons aussi comment Chomsky a choisi de retenir ce qui l’intéressait dans l’œuvre de Saussure, quitte à laisser de côté des aspects qui auraient dû l’interpeler7. 1. Coup d’œil sur l’histoire de la linguistique L’incipit du CLG et celui des notes prises par Constantin (2005) lors du troisième cours sont emblématiques de la différence entre un texte rédigé pour passer à la postérité et les premières phrases d’un enseignant annonçant le sujet de son cours. A la formulation assez définitive de Bally et Sechehaye on peut opposer à la fois par le contenu et le choix des mots l’entrée en ma- tière de Saussure. Qu’on en juge: La présentation orale du cours vise à définir la linguistique, cette science nouvelle ou qui, du moins, n’avait pas encore développé une véritable conscience de son objet. Dans le CLG par contre, la science est déjà constituée et son «véritable et unique objet» est la langue. Cela contraste avec cette première phrase notée par Constantin dans laquelle Saussure, qui n’a pas encore discuté de la matière ni de l’objet de la linguistique, exclut non seulement le langage mais aussi la langue. Saussure avait déjà affirmé que de partir de la notion intuitive de langue ou de langage était potentiellement trompeur, comme en atteste la première phrase de la première page des notes prises par Riedlinger au deuxième cours de linguistique générale (1908- 1909), et que Sechehaye avait recopiée en 1914: La ling. n’est pas uploads/Litterature/ un-bon-exercice-de-lecture-du-cours-de-linguistique-generale.pdf

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