INTRODUCTION A LA VIE LITTÉRAIRE DIJ XIX" SIÈ()LE par JEAN-YVES TADIÉ l:lNIVI::

INTRODUCTION A LA VIE LITTÉRAIRE DIJ XIX" SIÈ()LE par JEAN-YVES TADIÉ l:lNIVI::R~ff'/ OF COLORADO LIBI'li\RŒS BOULDER, COIDR,\lJO dirigée par JEAN CÉARD Préface idée qui aura été suggérée. C'est dans ce dialog~e incessant a~:r le lecteur que ces livres atteindront leur but et hvreront ce qu l s veulent donner. "bi" h · de C'est pourquoi ils comptent d'abondantes bz zograP_ te~, . mu/tl.ples ré~"érences de nombreuses et parfois longues cztatlOn/s . J' ' • nt personne et dolmer au lecteur les moyens de porter un jugeme . , , donc de disposer, si l'on ose dire, des pièces du dosszer a ete notre intention constante. . . t vivement .t" ut~il a;outer que les suggestions et les crrtzques son . a ' · t ceux quz voudr.ont sollicitées et que d'avance les auteurs remerczen bien les leur communiquer? Jean Céard INTRODlJUTION Tout grand siècle répond aux questions qu'on lui pose. Il nous a semblé que l'on avait trop interrogé le x1xe en fonction de la chronologie linéaire, ou au nom d'écoles (romantique, réaliste), ou encore par générations (1820, 1840, 1860 ... Hugo est toujours là; Stendhal n'est lu que cinquante ans après sa mort ... ). Les grands thèmes qui ont intéressé tout le siècle nous ont paru, en revanche, valoir quelques questions, posées à Chateaubriand comme à Mallarmé, à Mme de Staël comme à Anatole France. Elles relèvent, certes, d'abord, de l'analyse de contenu : mais l'on découvre bien souvent qu'en ce domaine le concept est aussi formel; la technique du roman historique, par exemple, est l'incarnation momentanée, mais inévitable, d'un certairr sentiment de l'Histoire; le poème en prose est la forme qu'appelait un courant littérai:. e fasciné par 1 'exploitation du songe. Une première partie montrera comment ce siècle est d'abord celui où s'affirme Pindividu, en réaction contre une évolution économique et sociale qui le dépasse ou 1 'écrase; « le culte du moi » en divers genres littéraires permet la définition d'une psychologie, crée certains types de héros - ou d'anti~héros. La nature, comme refuge, évasion ou vision, est le complément obligé de l'insatisfaction humaine. Une seconde partie exposera les voies par lesquelles un monde nouveau envahit la littérature, accédant pour la première fois, dans certains cas, au rang de sujets : le peuple, la province, la ville ne sont plus cantonnés dans le genre comique. Les progrès de.:J sciences procurent un élargissement, non seulement spatial, mai:.; temporel : c'est le sens de l'Histoire. Ces mêmes progrès impÇJsent pour quelque temps à la littérature, et singulièrement à la critique, un modèle bientôt rejeté. Le domaine de l'imaginaire, sans connaitre peut-être la même richesse qu'en Allemagne, appellera l'étude du rêve, des rapports du langage et des symboles. La création de mythes, le dévelop- pement d'une littérature fantastique, l'exploration de l'au-delà, pour terminer, parmi les apports les plus originaux du temps. Mais la succession de l'énumération rend mal compte de la pas~ sion de l'inventaire, de la synthèse, réaliste ou totalement fictive, auquel n'a échappé aucun genre littéraire, de 1800 à 1900. Première partie L'AFFIRMATION DE L'INDIVIDU Chapitre 1 LE MOl Le XIXe siècle tout entier parle à la première personne. Dans tous les genres littéraires, par delà toutes les écoles, et jusque dans les réactions les plus antiromantiques en apparence, la .subjey __ J.lyit~ s'affirme comme à nulle autre époque. Le« mal du siècle», c'est René, en 1802, mais aussi le Culte du moi (1888-1891), et Proust abandonne Jean Santeuil, en 1899, comme Senancour avait commencé Obermann : parce qu'il parlait de lui~même. En 1890, ce qu'écrit le plus abstrait des poètes, Valéry, c'est Narcisse parle 1 : « Car je m'aime!. .. ô reflet ironique de moi! » VONDITIONS RISTORIQ1JES Les transformations de la société occidentale accompagnent, et peut~être entraînent cette exa_~t~tion ___ d~ l'inclividu. 2 Celui-ci s'interroge sur son destin au mOrUenfOù. Se 'déV-éiOPPe la« société industrielle de masse ». Parmi les caractères de, cette société, on relèvera l'accroissement de la population, favorisé par les progrès de la santé : « La vie, qui peut être mieux défendue, acquiert uh prix accru, et il s'attache à chaque être humain ..• une valeur plus grande et p~~§que __ un caractère irremplaçable. » 3 En second lieu, la poussée (J,Jrbainè~-~;:.accroît 1 'anonymat, sépare les classes en quartiers distiïiCtS;-isole par réaction l'individu, qui se cherche et se perd. La mobilité sociale, les ambitions de . ~ ,-- la société bourgeoise accroissent l'insécurité : l~écrivain est un qéciassé, qui ne partage pas toujours 1 'optimiSïilêde--Ia "classe dOrD.iüânte. La crise des valeurs religieuses livre toute sa place 1. La première ébauche de ce thème auquel Valéry devait songer toute sa vie est datée« 28 septembre 1890 »;le poème a paru dans La Conque (15 mars 1891); voir P. Valéry, Œuvres,« Bibliothèque de la Pléiade», 1, pp. 1551M 1556. 2. Pour un panorama, voir dans l'Histoire générale des civilisations (P.U~F.), R. Schnerb, Le XJXe siècle (1955); une excellente mise au point dans A. Girard, Le Journal intime (P.U.F., 1963), pp. XIwXVII, «Un fait de civilisation». 3. Girard, op. cil., p. xu. 4. En France, entre 1846 et 1896, les agglomérations urbaines gagnent 6 379 000 personnes; en 1880, Paris a 3 millions d'habitants (la France 37). 12 Le moi à 1 'inquiétude, au moment où les secousses historiques, émeutes, guerres, révolutions conduisent certains à se tourner vers une seule certitude : le moi. D'autres, certes, se font l'écho des espoirs, des ~rogrès de leur temps : mais ceux-ci servent aussi à enfler une vm~ ~rsonnelle, et la frontière passe entre le moi souffrant et le mm tnomphant, entre introvertis et extravertis, entre les rivaux de Napoléon et les émigrés à l'intérieur d'eux-mÇmes. Tantôt l'on « dig~r~ » 5 1 'Empire, la révolution de }-~4S.,Jà Commune,, le machm,Ism~, 1 'Argent, tantôt ses malheurs propres; mais toujours, sur 1 hori- zon troublé d'une époque à la recherche de son propre sens, le moi surgit comme valeur. I. LA SUBJECTIVITÉ ET LES FORMES LITTÉRAIRES Le moi, pour s'exprime~, utilise des genres littéraire,s exi~~ants, mais les transforme, ou bten en crée de nouveaux. C est II:ltru- sion du sentiment qui ressuscite une poésie morte au xvme siècle; le roman personnel, de Constant à Barrès, a pour seul exemple antérieur La Nouvelle Hé/oise, mais les Mémoires d'outre-tombe ne naissent pas de Saint·Simon : quand ceux-ci reconstruisent le personnage de Louis XIV. ceux-là, Chateaubriand lui·même. \~"~,S~l!!~"~c;lelL~Q!!Y~!Ù!§,__~~!!L9J!J91JiruùJntime sont nouveaux. Il n'y a pas de « théâtre personnel » : et pourtant, le drame de Musset se lit dans On ne badine pas avec l'amour comme dans Lorenzaccio. LE JOURNAL INTIME C'est un nouveau genre littéraire, dont on néglige trop souvent l'étude malgré les chefs-d'œuvre qu'il a donnés, 6 de Maine de Bir~ 7 Constant, s Joubert, Stendhal, Vigny, 9 Delacroix, 10 , ' 5. Le mot est de Thibaudet, Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours (Stock, 1936), p. 113. . 6. Sur ce sujet, on lira le remarquable ouvrage d 'Alam Girard, Le Journal intime (P.U.F., 1963), B. Didier, Le Journal intime (P.U .. F. 197~), et M: Cha~ pelan, Anthologie du journal intime (Laffont, 1947). V01r auss1 Ph. Lejeune, L'autobiographie en France (Colm, 1971). 7. ·Journal (Neuchâtel, La Baconnière, 1954~1957, 3 vol). 8. Journaux intimes (Gallimard, 1952). . . 9. Le Journal d'un poète, in Œuvres complètes, t. II, (Gallimard, Pléiade, 1948). 10. Plon. 1950. La subjectivité et les formes littéraires 13 Michelet. 11 Il naît avec le siècle, de la rencontre d'un courant sentimental, du succès des confessions, à la suite de Rousseau, et du projet des idéologues, qui « voulaient fonder la science de l'homme sur l'observation, en plaçant à l'origine de l'entende~ ment la sensation ». Mais en fait, plus qu'un système social, ce que découvrent les intimistes, ~œJ:an~~llllJ!lli!:Jl!Qllre l!!Q!,, deJ~-~J!!~~2tatif!"p., de J~.ur,..aoJ~tn~",: et aucune forme littéraire ne peut mieux renseigner sur cette découverte de la personne, que le compte rendu au jour le jour des vicissitudes du je. En apparence, il ne s'agit pas d'une œuvre : aucun effort d'invention, aucune construction, ni commencement ni fin, aucun souci du public (au xiXe siècle, tous les journaux intimes 'rtC. sont posthumes), mais une grande passivité. En réalité, le journal appartienf1ïlii littérature, parce qu' « en lui convergent et se mêlerit des tendances universelles :être frappé par ce qui n'arrive qu'une fois et en tenir registre, échapper à la fuite du temps, et faire revivre les souvenirs d'un passé toujours cher",-:,se chercher une identité à travers l~m~~ gç la vie, se constfûffê"Güïre-" PefS~tl'âïité ëOiîr~à -1 ~dée q~ ·~n "~~ f;it de soi-même. » 12 Tout « intimiste » pourrait souscrire à la formule de Maine de Biran : << C'est en nous-mêmes qu'il faut descendre, c'est dans l'intimité de la conscience qu'il faut habiter, pour jouir de la vérité et atteindre à la réalité de toute ch~e. » Mais cette intimité est inquiète, mobile, insaisissable : <(oUt !e jo~e Co~~~ cherche la~érité de l'être sous les masques, et laisse l'auteur avec son secret ;)le journal de Stendhal raconte les échecs dont ses uploads/Litterature/ vie-litteraire-au-19eme-siecle.pdf

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