Plan : I) La transformation des personnages 1) Le retour en enfance 2) La chute

Plan : I) La transformation des personnages 1) Le retour en enfance 2) La chute des codes moraux 3) Des personnages excessifs II) Les transformations scéniques 1) La scène devient anarchique 2) Le comique resurgit 3) Le conte apparait Commentaire : (Introduction) Yasmina Reza est une autrice française née le 1er mai 1959 à Paris. Sa production est très variée avec de nombreuses pièces de théâtre contemporain, romans et scénarios. Sa pièce Art, jouée la 1ère fois le 28 octobre 1994 à La Comédie des Champs-Elysées, lui apporte le succès et la fait connaître auprès du grand public. Elle recevra, grâce à celle-ci, deux Molières en 1995, celui du meilleur auteur et celui du meilleur spectacle privé. Dans cette explication, nous allons étudier Le Dieu du carnage, sa 7ème pièce, jouée le 25 janvier 2008 au théâtre Antoine à Paris, qui met en scène deux couples, Michel et Véronique, ainsi que Alain et Annette. Ces derniers se sont invités à propos d’une altercation entre leurs fils, Bruno et Ferdinand. Nous nous intéresserons plus précisément à un extrait du dénouement de la pièce allant de la ligne 1523 à la ligne 1593, durant lequel les protagonistes perdent leurs manières et leur calme, au profit d’une scène anarchique d’une rare violence, mais possédant pourtant un effet comique et satirique d’importance. Nous nous demanderons donc en quoi la violence influence-t-elle les personnages et la scène de cet extrait ? Dans une première partie nous étudierons la transformation des personnages, pour ensuite analyser les transformations scéniques, toutes dues à la violence. I) La transformation des personnages 1) Le retour en enfance Dans cette scène, les personnages effectuent un retour en enfance et adoptent un comportement infantile, immature comme nous le montre la didascalie « comme une petite fille » à la ligne 1525. Les parents ont pris le rôle des enfants. En effet, nous pouvons le remarquer grâce aux appels à l'aide incessants d'Annette lignes 1525 et 1527 « Alain, au secours ! » ainsi que dans les lignes 1531 et 1532 « (à Alain) Défends-moi, pourquoi tu ne me défends pas ?... ». Nous pouvons d'ailleurs remarquer que les points de suspension à la fin de la citation donnent un ton plaintif à Annette, ce qui peut nous faire penser à un enfant en train de geindre. Cette impression est renforcée à la ligne 1531 « Elle a cassé mon poudrier ! Et mon vaporisateur ! ». Ce comportement peut être mis en parallèle avec celui d'un petit s'étant fait voler son goûter. Nous pouvons également noter qu'elle agit comme une enfant cherchant à attirer désespérément l'attention de ses parents. Véronique, quant à elle, répète les paroles d'Annette afin de l'énerver ligne 1529. Elle a également une vision du monde puérile « [...] On en a marre de ce boniment simpliste » avec d'un côté, le bien et de l'autre, le mal. Les hommes, de leur côté, ne sont pas épargnés. Michel a des caprices comme à la ligne 1548 « Parce que j'en ai envie. », ce qui nous fait penser à un enfant faisant une crise pour avoir des bonbons. Alain, pour sa part, va faire « du boudin » à la ligne 1533. Ces enfantillages nous font assister à une véritable scène de « récréation », les adultes perdent leur maturité et se comportent tels Bruno et Ferdinand. 2) La chute des codes moraux En plus de l'aspect puéril, nous remarquons que les codes moraux ne sont plus respectés. Les personnages perdent la politesse et le contrôle qu'ils tentaient de garder tant bien que mal le long de la pièce. Tout d'abord, les registres majoritaires dans cet extrait sont les registres familier et vulgaire comme nous pouvons le constater avec « Foutez le camp ! » à la ligne 1523, « Oh, tu fais chier Véronique [...] » à la ligne 1540 ou encore « [...] Cette conne balance mes affaires [...] » à la ligne 1560. Les protagonistes ne font preuve d'aucune retenue, d'aucun respect, les uns envers les autres. Nous pouvons l'observer grâce aux insultes citées précédemment ainsi qu'aux remarques prononcées faites pour blesser l'interlocuteur telles que « Elle est fausse cette femme. » ou « Où est passé la femme avenante et réservée, avec une douceur de trait... ». En plus de ne plus modérer leurs propos, les personnages ne contrôlent plus leur violence. En effet, à la ligne 1524, la didascalie nous montre clairement la brutalité de la scène « Elle se saisit du sac d'Annette et le balance vers la porte ». Le verbe « balancer » accentue cette impression de violence, qui est aussi présente dans le champ lexical « défends », « bourreaux », « victimes », « étrangler », « monstre »... Avec la chute de ces codes moraux, les personnages révèlent leur animalité, leur bestialité. 3) Des personnages excessifs Du fait que les protagonistes aient un comportement infantile et bestial, ils adoptent également une attitude excessive comme le montre Michel à la ligne 1526 « Mais qu'est ce qui ce passe ? Elles sont déchaînées. ». Le grand nombre de points d'exclamation confirme cette idée. L'exagération est présente aussi bien dans les mots employés comme « Je suis épouvantée », « [...] Ce sont des monstres ces gens [...] » ou encore « Bourreau », que dans les actions effectuées comme nous pouvons le constater avec Véronique jetant les affaires d'Annette avec violence ou la réaction d'Annette, qui hurle et se saoule littéralement suite au mutisme d'Alain. Nous pouvons également voir l’exagération grâce au fait que Michel cherche une cause à cette dispute, et que celle-ci se trouve être les Soudanais « [...]Ça déteint sur tout maintenant ton engouement pour les nègres du Soudan. », ceci n'ayant, bien sûr, aucun rapport avec la conversation. La disproportion est également dans le fait que la rencontre des personnages est basée sur un problème banal, sans grande gravité (un enfant en a frappé un autre), mais que celle-ci se termine littéralement dans le chaos à cause du parti pris des deux couples. II) Les transformations scéniques 1) La scène devient anarchique Nous voyons dans cet extrait une transformation scénique d’importance : la soudaine anarchie de la pièce est représentée par les nombreuses répétitions entre les personnages, « Foutez le camp ! », « les bourreaux ! – Les bourreaux ! », « Que je revendique – Oui, oui, tu revendiques, tu revendiques » affiche les tensions palpables au sein de la scène. L’utilisation d’une ponctuation vive, accompagnée de points de suspension et de points d’exclamation, ou encore la présence de didascalies comme à la ligne 1575 « avec détresse » confirme cette vision anarchique dans l’extrait. Ces tensions provenant d’une histoire pourtant banale vont ici dégénérer et faire apparaître la volonté première de Yasmina Reza dans cette pièce, le carnage. Le champ lexical de l’alcool apparaît avec les mots « gnôle », « saouler », « ivre », ou encore la didascalie « Elle finit son verre et va reprendre la bouteille », cela montre encore une fois que la situation dégénère et tend vers l’anarchie. Les conflits apparaissent de tous les côtés, Véronique se disputant avec Annette, puis avec son Mari. En effet, seul les hommes semblent en premier lieu contenir leurs pensées, mais ces derniers dégénèrent eux-aussi très vite. La violence et le carnage amènent donc la pièce vers une anarchie que les personnages peuvent difficilement contrôler. Ce qui va pourtant ressortir de cette anarchie soudaine est un comique extrêmement efficace, que nous allons étudier. 2) Le comique resurgit En effet, le comique ressort de façon extrêmement marquante dans cette scène. Les quatre types usuels de comiques sont présents. Le comique de situation est représenté par le conflit initial des protagonistes : ces derniers sont dans un état de quasi-crise de nerfs pour une simple rivalité enfantine, ce qui affiche le ridicule de cette scène. Le comique de mots est notamment bien présent, avec l’utilisation d’un registre familier et grossier, comme avec l’expression « Foutez le camp » dès le début de l’extrait, ou encore des moqueries de Michel envers Véronique. La satire n’échappe pas à cette règle, notamment lorsque Véronique se moque des manières et de la « fausseté » d’Annette, ou encore de façon plus générale la satire de l’auteur sur une bourgeoisie se prétendant diplomate et ouverte à la discussion. Cette dernière se révèle ici comme très facilement irritable, excessive et qui n’accepte aucune concession. Enfin, le comique de gestes prend ici une place importante dans la mesure où la présence de nombreuses didascalies, comme « elle se saisit du sac d’Annette et le balance vers la porte », ou encore « ramassant ce qui peut être éparpillé » affichent une situation comique sur de nombreux points. L’auteur cherche donc à rendre cette scène comique, et donc à rendre l’anarchie que nous avons étudiée précédemment ridicule. Cette évolution scénique, décalée et originale, nous fait apparaître la notion du conte, au sein même de l’écriture de cet extrait. 3) Le uploads/Litterature/ yasmina-reza-le-dieu-du-carnage-extrait-n03.pdf

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