Yvon Corain, projet de thèse doctorale, septembre 2014 1 Projet de thèse doctor
Yvon Corain, projet de thèse doctorale, septembre 2014 1 Projet de thèse doctorale en sciences de l’éducation Yvon Corain École doctorale ERASME Département des Sciences de l’éducation Centre de recherche interuniversitaire EXPERICE (Paris 13/Nord-Paris 8) Directrice de thèse : Christine Delory-Momberger Titre proposé : Le travail de biographisation dans l’expérience lectrice science-fictionnelle : Une mise en récit et en sens du devenir du sujet dans la modernité Champs et parcours de recherche Ce projet de thèse s’inscrit dans le double champ de la recherche biographique et de l’éducation informelle, dans lesquels se situent les travaux de l’axe A du laboratoire de recherche EXPERICE. Il prolonge le travail commencé pendant le master 1 EFIS (Paris 13) et qui a donné lieu à la note d’investigation : « En quoi la littérature de science-fiction serait une forme biographique singulière d’une éducation à l’imaginaire ? » Cette note d’investigation s’appuie sur deux idées concomitantes développées par Christine Delory-Momberger : le roman, qui émerge au 19e siècle, comme « Être-soi d’une époque et d’une société » (2004, p. 132), est un lieu privilégié de la formation du sujet moderne ; la littérature est ainsi l’occasion d’un travail hétérobiographique et d’un apprentissage informel. Un article de Jean-Pierre Boutinet (2008) me permettra de conforter l’idée selon laquelle la littérature de science-fiction peut faire figure d’analyseur (Hess & Savoye, 1981, p. 72). En effet, cet auteur affirme que font défaut dans notre société contemporaine « les anticipations cognitives, qui ont quasiment disparu ou se sont déplacées vers l'imaginaire des scénarios de science-fiction » (2008, p. 15) Mon travail s’est ensuite orienté, au cours du Master 2 MERFA (CNAM-Paris 13), vers la singularité du lecteur de science-fiction, d’où le mémoire intitulé « L’expérience lectrice science-fictionnelle : qu’apprend-on de la littérature de science-fiction ? » Je me suis alors davantage focalisé sur une notion centrale de la recherche biographique, celle d’expérience : expérience esthétique, fictionnelle, littéraire, lectrice, expérience de pensée, d’imagination, d’anticipation. Avec la découverte de la théorie littéraire de la réception développée par l’École de Constance (Jauss et Iser, in Jouve, 1993), je suis passé d’une théorie de l’activité (activité lectrice) à une théorie de l’acteur (expérience lectrice). Or, il me semble que la plupart des ouvrages consacrés à la science-fiction mettent l’accent sur l’activité lectrice, c' est-à-dire sur l’effet du texte sur le lecteur (par exemple le cognitive estrangement (Darko Suvin, in Langlet, 2006)). Par ailleurs, relativement à la dimension souvent utilitariste rencontrée dans les théories de l’apprentissage, j’ai été amené à me poser la question de la valeur d’usage (Dewey, 1915) ou de sens (Mezirow, 2001) de l’expérience lectrice science-fictionnelle pour un individu : si apprentissage il y a, à quoi peut bien servir la lecture de science-fiction ? Yvon Corain, projet de thèse doctorale, septembre 2014 2 En premier lieu, j’ai fait l’hypothèse que l’apprentissage informel réalisé par un lecteur de science-fiction pouvait être double : - celui général à la lecture de romans, issu d’un travail hétérobiographique, et d’une expérience mimétique et esthétique (Schaeffer, 1999), permettant une auto-orientation de soi dans l’existence (Macé, 2011) - celui plus particulier à la littérature de science-fiction, lié à la mise en intrigue (Ricœur, in Delory-Momberger, 2004) de la question de la modernité et de ses avatars, et du devenir de la civilisation (Colson & Ruaud, 2008) En second lieu, à partir de l’analyse d’entretiens de recherche biographique, je suis arrivé à l’idée que les lecteurs de science-fiction, pour qui la science-fiction fait expérience (Erfahrung), entretiennent un rapport biographique à ce genre littéraire. J’ai de plus fait l’hypothèse que chaque lecteur construit, à travers la mécanique littéraire science-fictionnelle (Langlet, 2006), une configuration (organisation singulière de formes régulières (Barbier, 2011, p. 42)) science-fictionnelle, dans laquelle la dimension du biographique organise, met en forme et en sens les autres dimensions de cette expérience lectrice (affective, esthétique, cognitive, sociale et communautaire). Problématique et objet de recherche On peut observer qu’un certain paradigme science-fictionnel, avec ses discours, ses images et ses objets, se diffuse, au moins depuis le début du 20e siècle, de plus en plus massivement dans le monde entier, par différents médias : au point qu’aujourd’hui, et depuis les années 1980, l’opinion générale exprime l’idée que nous serions dans un monde de science-fiction. En simplifiant, la science-fiction présente un avenir ambivalent : celui, utopique, d’un progrès croissant où l’humanité explore et maitrise tous les possibles, et celui, dystopique, qui met en scène, entre autres, le risque d’une robotisation, ou d’une virtualisation, voire d’une destruction de l’humanité. Chacun à leur manière, Fredric Jameson (2008) et Gilbert Hottois (2013), insistent sur l’idée que la science-fiction implique d’accepter de penser la question d’une altérité / altération radicale, que celle-ci soit relative à l’action humaine ou aux phénomènes de la nature. Marcel Thaon (1986) a écrit une « psycho-histoire » de la science- fiction où il relève l’écriture d’une dialectique contradictoire de l’objectif et du subjectif, qui définit sa double nomination ; il repère que la science-fiction s’origine, avec l’émergence de la modernité, dans une idéalisation de l’objet et de la science, dans un rêve de la science moderne qui serait d’objectiver le sujet, voire même de l’exclure (Marret-Maleval, 2010). Cette diffusion du paradigme science-fictionnel semble traduire la question d’une incertitude voire d’une insécurité biographique quant à la construction du devenir singulier et collectif, au moment où la post-humanité est annoncée par certains comme une réalité à venir. J’avais indiqué dans mon travail précédent qu’on pouvait comprendre la science-fiction comme étant la forme d’un travail de biographisation du futur, c'est-à-dire d’un travail de mise en forme et en sens des questions se posant à propos du futur de la civilisation moderne. Il faut rappeler que la littérature de science-fiction est globalement peu lue, et de nombreuses personnes disent ne pas aimer la science-fiction, en ce qu’elle provoque de la peur ou de l’angoisse. Ce qui amène un chercheur comme Simon Bréan à supposer une compétence particulière au lecteur de science-fiction (2012, p. 21). J’ai, comme on l’a vu, fait l’hypothèse qu’il fallait considérer que la singularité du lecteur de science-fiction était plutôt à comprendre comme la construction d’un rapport biographique d’un individu avec ce genre littéraire, pris comme support d’une « vice-expérience » (Moles, in Delory-Momberger, 2003, p. 100). Yvon Corain, projet de thèse doctorale, septembre 2014 3 Cependant, des questions demeurent concernant le travail (hétéro)biographique, et incidemment l’apprentissage informel, que réalisent des individus à partir de leur expérience lectrice science-fictionnelle : en quoi et de quelle manière cela participe à leurs processus de subjectivation et d’individuation ? Quelles ressources, modèles, constructions et transformations biographiques sont mises en jeu ? Quelle est la valeur d’usage et/ou de sens de cette expérience relativement à leur quotidien, à leur parcours et leur histoire de vie, à leur rapport au monde ? Ces questions sont à inscrire dans le contexte d’une modernité dans laquelle le sujet est de plus en plus confronté à « des effets de discontinuité biographique », et donc à « l’impératif biographique » de construire par soi-même sa vie (Delory-Momberger, 2003, p. 51 ; p. 119 ;). Ainsi, à partir de l’idée que l’expérience lectrice science-fictionnelle se construit dans un rapport biographique à un genre littéraire qui met en intrigue de façon singulière l’expérience de la modernité pour le sujet, je propose donc la problématique de recherche suivante : Que peuvent nous dire de singulier des individus, à partir de leur expérience lectrice science-fictionnelle, de la problématique du devenir du sujet dans la modernité ? Et alors, que peut-on dire quant au travail biographique que réalisent ces individus à ce propos ? L’objet de recherche est donc le discours que tiennent des individus, relativement au travail (hétéro)biographique qu’ils peuvent réaliser à partir et à travers leur expérience lectrice science-fictionnelle, à propos de la question du devenir du sujet dans la modernité. J’amène ici deux précisions concernant cet objet de recherche : - j’avance une certaine distinction entre l’expérience lectrice et l’expérience spectatrice : de mon point de vue, lire des livres de science-fiction n’est pas tout à fait la même chose que regarder des films de science-fiction - la science-fiction est plurielle : elle prend des formes et abordent des thèmes variés, au point que sa définition comme genre littéraire apparait souvent problématique ; les discours que tiennent des lecteurs sur la science-fiction sont donc assez variables, en fonction des sous- genres et en fonction des thématiques qu’ils affectionnent. C’est donc volontairement que je choisis de réduire l’objet de recherche à la question du devenir du sujet dans la modernité : d’une part parce que la science-fiction met le plus souvent en scène cette dimension de l’avenir et/ou du devenir ; d’autre part car cette question me semble amener une perspective intéressante quant aux préoccupations de la recherche biographique, à travers notamment la problématique de la condition biographique, qui interroge à la fois « le récit de soi dans la modernité avancée » (Delory-Momberger, 2010), et le pouvoir d’agir du sujet dans la modernité, c'est-à-dire la capacité du sujet à « trouver des uploads/Litterature/ yvon-corain-projet-de-these-sept-2014.pdf
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- Publié le Apv 10, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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