Frank Cézilly, Jacques Derrida, Jean Réal, Jean-Luc Guichet, Jean-Didier Vincen

Frank Cézilly, Jacques Derrida, Jean Réal, Jean-Luc Guichet, Jean-Didier Vincent s’interrogent sur l’animalité et sur la frontière entre « eux » et « nous ». Essais. Page 9. « Comment marquer un but », de Ken Bray, indispensable pour suivre le Mondial ; Dominique Noguez, Dominique Paganelli, la revue « Inculte »... Pages 2 et 10. Stock Des années et des années après Abraham de Brooklyn et John l’Enfer, Didier Decoin raconte enfin la vie du plus beau de ses héros, Henri Decoin, son père. Didier Decoin de l’Académie Goncourt Henry ou Henry le roman de mon père Hommes et animaux D’Athènes à Thessalonique en passant par les Sporades : cap sur la Grèce avec Nikos Kavvadias, Panos Karnezis, Nicos Panayotopoulos, Christos Chryssopoulos... Littératures. Page 4. FAITS DIVERS L’ENCRE ET LE SANG Mao Zedong Jung Chan et John Halliday dressent le portrait du « Grand Timonier » , jadis idôlatré, dans une biographie méticuleuse et accablante. Essais. Page 8. Pierre Moustiers, Philippe Besson ou David Foenkinos ont cherché à marier grandes affaires et littérature. Comme Stendhal en son temps. Dossier. Pages 6-7. Voix grecques Football LOUIS BACHELOT ET MARJOLAINE CARON /COURTESY GALERIE TRAFIC Kurt Vonnegut Dans son pamphlet, « Un homme sans patrie », il se dit « indigné » par ce que devient son pays. Rencontre à Manhattan avec l’auteur d’« Abattoir 5 ». Page 12. 0123 DesLivres Vendredi 9 juin 2006 2 0123 Vendredi 9 juin 2006 AU FIL DES REVUES La Coupe du monde rêvée d’« Inculte » LETTRE DE BRUXELLES Un histoire incorrecte de la Belgique INCULTE est née en septem- bre 2004, sur une idée de deux écrivains, Jérôme Schmidt et Oliver Rohe. Diffusée par les Belles Lettres, cette revue bimestrielle qui paraît en for- mat poche et à un prix plutôt inhabituel (5 euros) est adossée à une petite structure d’édition qui a entrepris, depuis l’autom- ne 2005, de republier en petit format des numéros de la revue de L’Arc parus dans les années 1970 ou 1980, augmentés de nouvelles préfaces et postfaces. Deux volumes consacrés à Sar- tre et Klossowski sortent actuel- lement en librairies. Au gré des numéros, la revue a accueilli des contributions de toutes sortes, d’écrivains fran- çais (Pierre Senges, Bruce Bégout) et étrangers (Enrique Vila-Matas, César Aira…). Le comité de rédaction ne s’est fixé qu’une seule contrainte for- melle : il doit impérativement y avoir un animal sur la couvertu- re. Ainsi, à l’occasion du numé- ro 9, l’équipe d’Inculte avait demandé à Michel Houellebecq une photographie de son chien Clément, personnage central de La Possibilité d’une île (Fayard, 2005). L’écrivain s’est exécuté, de bonne grâce. Pour la dernière livraison de la revue, les choses se sont com- pliquées. « Nous voulions à tout prix mettre Footix en couvertu- re », se souvient Jérôme Schmidt. Footix, c’est l’impro- bable mascotte de la Coupe du monde 1998. Une sorte d’oiseau souriant, bleu, jaune et rouge, censé symboliser la compétition, et qui avait sur- tout réussi à s’attirer les sarcas- mes (à peine moins que Jules, la pauvre bête à plumes char- gée d’encourager l’équipe de France). Le sujet du numéro était tout trouvé : la revue philo- sophique allait se faire footbal- listique. A sa manière. Le numéro double d’Inculte qui paraît à quelques jours de l’ouverture de la Coupe du mon- de 2006 analyse donc dans le détail la compétition… comme si elle venait de se terminer. Pour ce délicat exercice de pros- pective, l’équipe de la revue s’y est prise très sérieusement. « D’abord, nous nous sommes mis d’accord sur les résultats : à partir des tableaux, nous avons imaginé le déroulement de la compétition, les surprises et les confirmations. Il a fallu mettre de côté nos préférences (au début, la France gagnait la compéti- tion…). Et puis solliciter des contributions. » Parmi les signatures qui se sont prêtées à l’exercice, on reconnaîtra les habitués du dis- cours sur le football. Ainsi Fran- çois Bégaudeau, membre du comité de rédaction de la revue et auteur de Jouer juste (Vertica- les, 2003), long monologue d’un entraîneur utopiste, revient sur la tentative avortée de suppression des hymnes nationaux, quand Xavier de La Porte, qui vient de publier La Controverse pied/main (éd. Ere, 64 p., 9 ¤), s’interroge grave- ment sur la recrudescence des fautes de main, dans lesquelles il voit bien plus que des actes d’antijeu. Inculte est même parvenue à obtenir une inter- view croisée de Pierre Ménès et Estelle Denis, les duettistes de 100 % foot, l’émission dominica- le de M6. On les découvre donc analysant la recrudescence des tacles violents ou la contre-per- formance des Anglais avec un incontestable professionnalis- me… L’ensemble est réjouissant, jamais lassant. Et le résultat final imaginé par Inculte res- semble à un joli pied de nez, à l’heure où la Squadra Azzura se débat dans les affaires de cor- ruption : victoire finale de l’Ita- lie. Après prolongation. a Jérôme Gautheret Inculte, spécial Coupe du monde de football 2006. Diffusion Belles Lettres, 224 p., 9,90 ¤. Contributions En arrière-plan du débat sur l’héritage de la colonisation, l’imaginaire linguistique qu’elle a construit « Petit-nègre » et romans « y a bon » « TU VIVRAS toujours grande et belle et ton invincible unité aura pour devise immortelle le roi, la loi, la liberté » : s’ils apprennent encore les paroles de l’hymne belge, La Brabançonne, les petits écoliers de Wallonie et de Flandre doivent gentiment sou- rire. Pas plus que d’autres thè- mes, l’actuelle volonté sépara- tiste des Flamands ne leur sera toutefois expliquée au cours d’histoire. Cette question est taboue dans un pays où la popu- lation semble souvent ne pas disposer des connaissances élé- mentaires sur son passé. En Belgique comme ailleurs, l’histoire est, selon la formule d’Eric Hobsbawm, « la matière première des idéologies (…) comme le pavot est celle de l’héroï- nomane », mais l’histoire a long- temps semblé inexistante. Sauf lorsque, manipulée, elle répé- tait clichés et stéréotypes afin d’attester l’existence d’une prétendue identité belge, anté- rieure à la naissance du pays (1830). Desservis par la piètre qualité des manuels et la division de l’enseignement en réseaux concurrents, les cours d’histoire se sont longtemps résumés à des tentatives de ménager le fra- gile consensus belge qui réunit, a minima, gauche et droite, catholiques et laïques, franco- phones et néerlandophones. Les universitaires pensaient, bien sûr, autrement, mais refu- saient d’intervenir dans l’his- toire « grand public », tenue pour méprisable. Les choses ont changé il y a une dizaine d’années, lorsque Anne Morelli, professeur à l’Université libre de Bruxelles, dirigea Les Grands Mythes de l’histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie (Editions Vie ouvrière). Cet ouvrage trouve enfin son prolongement dans un manuel scolaire qui entre- prend, sous les allures paisibles d’un album à lire et à colorier, un démontage en règle de quel- ques balivernes historiques (1). D’où, sans doute, l’étonnant suc- cès qu’il rencontre depuis sa parution, il y a quelques mois. Des parents et des enseignants de tous les réseaux recomman- dent chaudement sa lecture et son utilisation dans les classes. Charlemagne n’est pas né à Liège et s’il a organisé l’ensei- gnement des plus jeunes il fut surtout un empereur sangui- naire. Godefroi de Bouillon, héros des croisades, n’est pas né dans le Brabant wallon, mais à Boulogne, et s’il refusa la cou- ronne du nouveau royaume de Jérusalem ce fut, non pas par respect pour la couronne d’épi- nes du Christ, mais afin d’offrir ce royaume au pape, chef du pouvoir théocratique qu’il vou- lait instaurer. Charles Quint, né à Gand en 1500, détenteur d’un empire « sur lequel le Soleil ne se couchait jamais », installa le ter- rible tribunal de l’Inquisition. Plus près de nous, Baudouin I er, le roi que certains entendent faire canoniser, s’opposa au Par- lement, désireux de dépénaliser l’avortement. Son frère, Albert II, a une fille adultérine. La Belgique est aussi le pays qui, s’il autorise aujourd’hui le mariage des homosexuels et l’euthanasie, ne conféra le droit de vote aux femmes qu’en 1949 : les socialistes et les libé- raux avaient peur qu’elles votent selon les recommanda- tions de leur curé… Voilà quelques-uns des comp- tes que règle ce petit livre avec l’histoire « officielle ». Il oublie quelques éléments – dont l’éton- nante ferveur populaire qui entoura la mort du roi Bau- douin –, mais insiste aussi sur la dangereuse montée de l’extrê- me droite flamande ou la sauva- gerie qui a accompagné l’épo- pée coloniale africaine de Léo- pold II, le « roi bâtisseur ». a Jean-Pierre Stroobants (1) L’Histoire de Belgique, de Sylvie Lausberg et Joëlle Broen (Les éditions de l’arbre, Bruxelles). Cécile Van Den Avenne est maître de conférence en sciences du langage à l’Ecole normale supérieure. Marjolaine Caron et Louis Bachelot Spécialisés dans l’illustration pour la presse et l’édition dans le domaine du fait divers, ils ont collaboré à divers magazines, parmi lesquels le New Yorker, Le Minotaure, Nous Deux et Détective. Auteurs et illustrateurs de nombreux ouvrages, leur dernier livre paru uploads/Litterature/ 9-junio-06.pdf

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