Quelle place pour les personnes handicapees ? Les aleas de la discrimination po
Quelle place pour les personnes handicapees ? Les aleas de la discrimination positive Du handicap a l'exclusion: des frontieres brouillees Le risque de naftre different Catherine Barral, Alain Blanc, Michel Chauviere, Fran<;ois Ewald, Marcel ]aeger, Danielle Moyse, Henri-]acques Stiker Critique des idees re<;ues sur le Chiapas Castoriadis et la Grece ancienne Pierre Vidal-Naquet Woody Allen, Philip Roth, Salman Rushdie La Tchetchenie, la Russie et les bombes a retardement du totalitarisme. DsK et la Mnef: tolerance zero pour les politiques? ]eanne d'Arc vue par Luc Besson. Otar Iossellani. Decembre 1999 Castoriadis et la Grece ancienne Pierre Vidal-Naquet* CASTORIADIS FUT UN THEORICIEN de l'autocreation et c'est l'autocrea- tion, celle clont il devenait lui-rneme l'exemple par sa vie et son reuvre, qu'il retrouvait dans la polis grecque et tout particulierement, bien entendu, a Athenes1. Presentant, il y a deja un bon nombre d'annees, la candidature de Cornelius Castoriadis a l'Ecole des hautes etudes en sciences sociales, je racontai l'anecdote que voici. Un celebre professeur de droit romain se trouvait un jour a Ferney en meme temps que D' Alembert. Voulant exprimer son admiration envers Voltaire, il dit a l'animateur de l'Encyclopedie: il n'y a qu'en droit romain que je le trouve un peu faible. Tel est exactement mon avis, repondit D' Alem- bert, en ce qui concerne les mathematiques. Je fis valoir que tel n'etait pas mon avis en ce qui concerne les rapports de Castoriadis avec la Grece ancienne. Je pouvais discuter avec lui sur Platon et sur Eschyle sur un pied d'egalite. J'ai connu la revue dans laquelle il s'exprimait, Socialisme ou bar- barie, a la fin de 1956 ou au debut de 1957, apres la revolution de Budapest et la repression qui y mit fin2. Mais c'est un peu plus tard que j'ai compris que ce que Castoriadis appelait le « socialisme » et qu'il appela plus tard l'auto-institution de la societe devait beaucoup a l'ideal de la democratie athenienne tel qu'il est represente au positif * Pierre Vidal-Naquet a publie ses Memoires en deux tomes: la Brisure et l'attente (1930- 1955) et le Trouble et la lumiere (1955-1998), Paris, Le Seuil/La Decouverte, 1995, 1998. Voir aussi « Une invention grecque: la democratie '"Esprit, decembre 1993. 1. J'ai laisse il. cet expose, ou se melent souvenirs et analyses, le caractere oral qui a ete le sien lorsque je l'ai presente a l'occasion des « Journees Castoriadis "• le 24 juin 1999. Je remer- cie Stella Manet pour son ardeur et son amitie. 2. J'ai conte a ce sujet quelques "Souvenirs il. batons rompus „ dans !es Melanges Castoriadis ( autonomie et autotransformation de la societe; la philosophie militante de Cornelius Castoriadis), sous la dir. de G. Busino, Geneve, Droz, 1989, p. 17-26. Ces Melanges formaient le n° 86 de la Revue europeenne des sciences sociales. 131 Castoriadis et la Grece ancienne par l' « oraison funehre » que Thucydide prete a Pericles, Oll par le recit developpe par Protagoras dans le dialogue que Platon a nomme du nom du grand sophiste, et, au negatif, par la Constitution des Atheniens du Pseudo-Xenophon, que nous appelons, dans notre jar- gon, le Vieil Oligarque. C'est en 1958 que j'ai pris contact pour la premiere fois avec le groupe qui editait la revue. Et peu importe que ces memhres aient ete ensuite des « dissidents » puisqu'il s'agissait de Jean-Fran~ois Lyotard et de Pierre Souyri. Je dois hien l'avouer, je tenais alors la « democratie » athenienne pour largement fictive, puisqu'elle laissait de cöte les femmes, les meteques et les esclaves. Souyri me dit alors : tu sais hien que les paysans atheniens, lorsqu'on dehattait de quelque chose qui les interessait vraiment, venaient a !'Ecclesia, a l'assemhlee du peuple. Soit dit en passant, c'est le meme Souyri, qui ecrivait dans la revue des analyses extremement remarquahles sur la Chine de Mao, qui me fit connaitre le premier le livre de K. A. Wittfogel, Oriental Despotism que je devais ensuite faire traduire et introduire non sans provoquer quelques renious3. Quelques annees apres, pendant l'hiver 1963-1964, dans un cercle qui avait pris le nom de Saint-Just, j'ai fait un peu mieux connais- sance avec les deux fondateurs de Socialisme ou barbarie, Castoriadis et Claude Lefort, qui passerent ainsi du mythe a la realite. Trois spe- cialistes de la Grece antique, J.-P. Vernant, Fran~ois Chatelet et moi avions CtC conviCs a debattre sur le theme de la democratie antique. Lefort et Castoriadis redecouvraient a l'epoque, au-dela du marxisme, l'idee democratique et tout particulierement l'idee de la democratie directe auto-instituante. Si l'on relit effectivement aujourd'hui l'uto- pie castoriadienne qui s'appelle Sur le contenu du socialisme4, on constatera qu'en effet, il existe un lien etroit entre l'idee de la demo- cratie directe et le theme de l'autogestion radicale qui est au centre de ce texte, avec evidemment cette enorme difference que la demo- cratie athenienne se developpait dans un monde preindustriel, et que la question de la gestion des usines et des hanques ne se posait pas. A maintes reprises Castoriadis a employe, pour caracteriser la demo- cratie grecque, le mot de « germe5 » et je crois qu'on peut, sur ce point, lui donner raison. Je placerai mon expose sous un triple chapeau, sous le signe de trois mots : le mot polis, le mot histoire (historie) et le mot poesie (poie- sis ), trois mots grecs hien entendu - Castoriadis etait passionnement 3. On les trouvera evoques dans mon livre la Democratie grecque vue d'ailleurs, 2" ed., Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1996, p. 267-276. 4. Elle a ete republiee en 1979 aux editions 10/18. 5. Voir, par exemple, dans Domaines de l'homme, les Carrefours du lab)'rinthe, vol. II, Paris, Le Seuil, 1986, p. 261-306, le texte intitule « Lapolis grecque et Ja creation de la democratie "• notamment p. 286. 132 Castoriadis et la Grece ancienne hellene, mais, au rebours de certains Grecs d'aujourd'hui, il ne croyait pas que le fait de parler le grec le dispensait d'etudier directement les auteurs grecs. Il le faisait par une lecture directe des grands textes, d'Homere a Aristote, se faisant poete avec les poetes, historien avec les historiens, philosophe avec les philosophes, tout en gardant la dis- tance reflexive indispensable. Son commentaire du Politique de Platon6 temoigne, a lui seul, de son expertise. Je n'affirme pas qu'il a toujours raison, en tous les cas, que je lui donne toujours raison, mais, tres souvent, il apporte sur tel vers d'Eschyle, sur telle analyse d'Aristote, une lecture nouvelle, qui peut parfois etre discutee, mais qui vaut largement celle de tous les professionnels reunis. Les mutations de la cite La polis d'abord. Nous traduisons ce mot par cite. Avec raison, contre les Anglo-Saxons qui disent: city state, ce qui a l'inconvenient, justement denonce par Corneille, de faire croire qu'il s'agit d'un Etat, voire d'un embryon d'Etat7• Inaugurant, en 1978, la serie des Carrefours du labyrinthe, Castoriadis demandait : Qu'est-ce que Platon et Aristote auraient-ils pu penser de la politique si le peuple grec n'avait pas cree la polis8 ? On est la au creur de la pensee castoriadienne. Il s'agit la d'une crea- tion, d'une invention. Castoriadis ecrit : Les Atheniens n'ont pas trouve la democratie parmi d'autres fleurs sauvages qui poussaient sur la Pnyx, ni les ouvriers parisiens n'ont deterre la Commune en depavant les boulevards9• I:idee socialiste comme l'idee democratique sont des inventions. La cite grecque elle-meme natt trois siecles environ avant la democratie. Elle est elle aussi une invention. Il y eut en Phenicie des cites avant la cite grecque, mais ces cites n'affirmaient pas s'exprimer en nom collectif. Castoriadis s'emerveillait avec raison du edoxe, « il a plu au peuple » des inscriptions classiques et hellenistiques. Mais avant edoxe, il y eut eFaoio, a Dreros en Crete, au vne siede avant notre ere. Il y eut un surgissement de la cite, comme il y eut trois siecles plus tard un surgissement de la democratie ou de la tragedie. On peut cependant completer ce qu'a ecrit Castoriadis, en montrant, comme 6. 11 vient de paraltre au Seuil. S'y ajoute le volume VI des Carrefours du labyrinthe ou l'on trouve des textes sur Eschyle, Sophocle et Sapho auxquels je renvoie plus loin. Voir !es comptes rendus qui en sont donnes dans la rubrique « Librairie » du present numero. 7. C. Castoriadis, Carrefours du labyrinthe, vol. I, Paris, Le Seuil, 1978, p. 124-125. 8. Jbid., p. 20. 9. C. Castoriadis, l'Institution imaginaire de la societe, Paris, Le Seuil, 1975, p. 187; on notera au passage l'allusion a Mai 68. 133 Castoriadis et la Grece ancienne l'ont fait M. I. Finley, J.-P. Vernant et beaucoup d'autres, que si la cite est nee dans le monde grec, le Grec n'est pas ne citoyen. Avant la cite, il y a eu cet avatar modeste du « despotisme oriental » qui s'ap- pelle le monde « palatial » de Cnossos, Mycenes, Mallia, Tirynthe, et quelques autres. Certains y voient, comme Henri Van Effenterre, la cite deja en fonction. C'est cette hypothese hero'ique qui uploads/Litterature/1999-vidal-naquet-castoriadis-et-la-grece-ancienne-esprit.pdf
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- Publié le Apv 23, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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