LE CHEVALIER TRISTAN Jacques Cassabois Nº 1271 224 pages 4.90 euros Niveau 5e/4
LE CHEVALIER TRISTAN Jacques Cassabois Nº 1271 224 pages 4.90 euros Niveau 5e/4e Ce texte est la version remaniée et abrégée du roman de Jacques Cassabois TRISTAN ET ISEUT – Jamais l’un sans l’autre, disponible chez Hachette Jeunesse Roman. Lectures et écritures d’une légende Par Jean-Charles Huchet, Inspecteur d’Académie Le chevalier Tristan Qui conte de Tristan et Iseut, qui réveille ce « beau conte d’amour et de mort » dont parlait Joseph Bédier, contribue à l’enrichissement de ce mythe que le moyen âge a légué à l’Occident. Par mythe entendons une constellation de récits par lesquels l’homme s’interroge sur le monde, lui même et autrui. Par son Chevalier Tristan, Jacques Cassabois s’inscrit dans une longue tradition de « troveors » qui, depuis près d’un millénaire, illustrent le tragique de l’amour à partir d’une histoire identique et toujours différente. Comme celle de ses devan- ciers, plus ou moins illustres, son écriture est avant tout une lecture de la « tradition » tristanienne qu’il interroge avec sa culture d’homme du XXIe siècle, à travers un récit qui se coule dans la trame de ce qu’on appelle communément « l’estoire » et qu’il place dans un contexte médiéval légitimant d’inventorier ce legs que nous a fait le moyen âge avec Tristan et Iseut. La tradition tristanienne à l’époque médiévale Sans doute n’y eût-il jamais de roman de Tristan originel. Le « Tristan primitif », après lequel courut la critique des XIX et XXe siècles. Le moyen âge connut des « Tristan », des versions présentant des différences parfois significatives mais aussi des constantes permettant de définir une structure invariante – qu’on appellera à la suite de Béroul l’ « estoire » - à partir de laquelle les auteurs médiévaux brodèrent leur version dans la plupart des langues européennes. On distingue généralement, par commodité, deux séries de textes en vers : la « version commune » de la « version courtoise ». La « version commune » a la réputation de renvoyer à une tradition plus archaïque, même si les textes qui la constituent semblent postérieurs à ceux de la « version courtoise », l’archaïsme n’étant qu’un effet stylistique. Elle rassemble le Tristan de Béroul, peut-être composé vers 1190, conservé par un seul manuscrit lacunaire qui en a légué 4485 vers, le Tristran d’Eilhart von Oberg, rédigé en moyen haut allemand entre 1170-1190, le seul texte du XIIe siècle à offrir une version complète de l’ « estoire », allant de la naissance à la mort du héros. Il convient d’ajouter la Folie de Berne (fin XIIe siècle), un texte de vers conservé par un manuscrit unique rapportant une rencontre des amants. La « version courtoise » est plus riche ; elle trouve son origine dans le roman du clerc anglo- normand Thomas, composé vers 1170, dont il ne reste que 3298 vers (sur 12 000 ou 13 000), dispersés en dix fragments conservés par six manuscrits. Crédité par ses imitateurs d’être le représentant de la « droite et vraie tradition », Thomas constitue le point de départ d’une abondante production, dans laquelle on situe la Folie d’Oxford (fin XIIe siècle), mais dont le chef d’œuvre est assurément le Tristan de Gottfried de Strasbourg (1er tiers du XIIIe siècle) qui a refondu la « version courtoise » avec une grande liberté non exempte parfois d’une extrême fidélité. Sa version, inachevée au vers 19548, a été poursuivie par deux continua- teurs : Ulrich de Türnheim (vers 1230-1235) et Heinrich de Freiberg (1290-1300) qui la concluent mais en dénaturent souvent l’esprit. Thomas inspire aussi le Norvégien Frère Robert qui donne en 1226 une Saga de Tristram et d’Isönd et l’auteur anglais de Sire Tristrem, un récit incomplet du XIVe siècle. Il existe également une « version en prose », d’origine française, qui réinscrit l’histoire de Tristan au sein du monde arthurien et dont le succès - considérable (88 manuscrits la conservent) - a nourri des versions italiennes (Tavola ritonda…), espagnole, portugaise, grecque, russe… Enfin, quelques textes (Le Lai du Chèvrefeuille de Marie de France, Le Domnei des amants, Tristan le Nain, Tristan le Moine…), de nature différente, rapportent des épisodes de la vie des amants inconnus des versions romanesques. Si le succès de ce qui devint la légende de Tristan et Iseut fut incontestable, durable et européen, il n’en reste pas moins que les versions en vers « françaises » sont lacunaires, conservées par des manuscrits très incomplets et rares. Soit le caractère subversif des amours du couple n’a pas incité à la mise en écrit, soit, au moment de cette dernière (XIIIe siècle), les premières versions étaient passées de mode et l’on n’a gardé que les parties susceptibles de plaire à un public dont le goût se tournait vers les romans courtois en prose et l’univers arthurien. Il est significatif que la tradition manuscrite française n’ait conservé que les épisodes amoureux de l’ « estoire » et délaissé les « enfances du héros », rapportées par les versions allemandes dont J. Cassabois s’avère l’héritier avec son Chevalier Tristan racontant les « amours fracassées » des parents avant celles du héros. Origine de la légende Même si l’on a pu croire un temps à une origine orientale de légende (le roman Wîs et Râmîn de l’iranien Gurgani – XIe siècle - présentant des similitudes mais aussi de notables différences avec les Tristan en vers), elle a vu le jour en pays celte, comme l’indiquent la géographie des différentes versions, qui s’étend de la petite à la grande Bretagne, et les noms des personnages. Le nom du héros est d’origine picte ; ce peuple du Nord de l’Ecosse donne le nom de « Drustan » à plusieurs personnages dès le VIe siècle. Un « Drystan » apparaît aussi dans des triades galloises, dont les versions primitives remontent au VIe siècle, comme amant d’ « Essylt » épouse de March (qui signifie « cheval »). La trame des Tristan a aussi été rapprochée d’un récit celtique, La fuite de Diarmaid et Grainne, attesté au Xe siècle, qui conte comment le jeune Diarmaid enlève Grainne, l’épouse de son oncle Finn, avec laquelle il s’enfuit dans une forêt (à rapprocher du séjour des amants dans le Morois). Sans doute, portés par la tradition orale et après bien des transformations, ces récits ont-ils pénétré dans l’aire anglo-normande et changé de langue pour donner naissance à des récits brefs – dont le Lai du Chèvrefeuille de Marie de France ou les Folies de Berne et d’Oxford donnent une idée – avant que certains d’entre eux ne fusionnent dans des récits plus amples à partir desquels se stabilisèrent les thèmes et la structure de l’ « estoire ». Structure matricielle, l’ « estoire » s’enracine dans un patrimoine celte dont les textes conservent la trace. Ainsi, le philtre, concocté par la mère d’Iseut possède-t-il la puissance de la « geis », par laquelle les femmes celtes contraignaient celui qu’elles aimaient à les suivre. Grainne but, comme Tristan, la potion préparée par Diarmaid où s’imageait le pouvoir magique des femmes celtes, la puissance mythique du féminin qu’incarne superbement Iseut. Ces éléments se voient enrichis au fil du temps par d’autres apports mythiques empruntés à d’autres aires culturelles. Ainsi le Morholt, sans doute à l’origine un monstre marin anthro- pomorphe (« Mor » signifie « mer » en breton), qui réclame son tribut de jeunes gens, rejoint- il un autre dévoreur d’enfants, le Minotaure, monstre souterrain de la mythologie grecque, tué par Thésée. Le qualifiant de « bête noire », J. Cassabois lui a d’ailleurs restitué sa dimension mythique primitive, en le transformant à la fois en monstre chtonien et en démon sorti de la mythologie chrétienne qui livre, contre le héros solaire qu’est Tristan, un combat où la lumière finit par vaincre l’obscurité avec l’aide bienveillante de Dieu, là où la tradition médiévale s’est plutôt employée à l’humaniser (Gottfried de Strasbourg en fait par exemple un duc). Tristan montre aussi quelque ressemblance avec Ulysse, le héros de l’Odyssée d’Homère ; il possède sa ruse et, dans la « version commune », son chien Husdent a la fidélité de celui de l’illustre Grec. On pourrait également rapprocher la « structure actantielle » des Tristan (le neveu, l’oncle, la tante) du schéma oedipien (que le moyen âge connaît bien grâce à des compilations de récits antiques lus en latin), puisque, comme le montre l’anthropologie, l’oncle maternel tient lieu de père, ce qui confère à Iseut le statut de femme du père, donc de partenaire sexuel doublement interdit. Ces ressemblances soulignent l’étendue et la diversité de la culture des auteurs des différentes versions ; elles confirment que les Tristan s’enracinent dans un fonds mythique qui leur confère une forme d’universalité. Le Chevalier Tristan Le genre romanesque – qui n’est d’abord que la translation en langue romane d’un texte latin - naquit probablement dans la première moitié du XIIe siècle ; il reflète les évolutions et les conflits internes à la classe chevaleresque dont il donne une transposition imaginaire. Originellement, le chevalier n’est que le possesseur d’un cheval uploads/Litterature/le-chevalier-tristan.pdf
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- Publié le Fev 20, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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