Extrait de la publication Extrait de la publication Si critiquée que soit la no

Extrait de la publication Extrait de la publication Si critiquée que soit la notion de genre littéraire mais c'est à Brunetière que l'on s'adresse elle a une utilité qui est toute d'application elle permet de traiter de formes communes à plusieurs œuvres, à plusieurs auteurs, à plusieurs époques. Une théorie ou, comme on redit aujourd'hui, une poétique du roman, du théâtre, de la poésie, quand même elle ne survivrait que dans sa propre réputation, a pour effet de faire comprendre ce qui unit Mallarmé et Rimbaud, Balzac et Stendhal, Claudel et Giraudoux d'abord le choix qui a été fait, un jour, au musée de l'histoire des formes, s'il est vrai que l'on écrit toujours avec et contre ses devanciers ou ses contempo- rains ensuite, la place que l'on occupe dans le dévelop- pement d'une série il est, tout de même, moins arbi- traire de rapprocher Nathalie Sarraute de Proust que de René Char. On veut bien accorder à la critique contemporaine, à ses éléments les plus dynamiques et les plus menaçants (les plus terroristes), que le texte « moderne », par oppo- sition avec le texte « classique », abolit la vieille distinction entre genres littéraires que pourtant on aimerait défendre. On sait qu'UlYsse n'est pas seulement un roman, mais aussi un poème que Marelle, de Cortâzar est un essai au moins autant qu'un récit; que la distinction entre la prose et la poésie est beaucoup moins nette aujourd'hui qu'au Il s'agit de montrer le nom- bre des conditions indépen- dantes auxquelles l'œuvre doit satisfaire alors et aujour- d'hui. P. VALÉRY, Cahiers, II, p. 1055-1056. Introduction Extrait de la publication temps où l'alexandrin triomphait. Réservant donc le cas du texte « moderne », c'est-à-dire, si l'on a bien lu, et compte tenu de ses prédécesseurs, postérieur à i960, nous ne définissons, dans un premier temps, de catégories que par rapport au texte « classique » nos repères seront empruntés à un temps, pas si lointain, où l'on croyait encore aux genres, fût-ce pour les détruire. Un autre intérêt de la poétique est de révéler des lignées, des ensembles qui, sans elle, passeraient inaperçus, parce que leurs éléments resteraient dispersés sous diverses étiquettes, qui leur conviennent mal il s'agit de regrouper des exceptions, qui ne sont telles que pour n'avoir pas été convenablement décrites, c'est-à-dire rassemblées. Après avoir défini les grands genres, la théorie et l'histoire de la littérature doivent s'occuper des minorités l'essai de Suzanne Bernard sur le poème en prose, celui de Todorov sur la littérature fantastique en donnent l'exemple. Le poème en prose se construit grâce à des formes conquises à la fois sur la prose et la poésie; les contes et les romans fantastiques ne peuvent se perdre dans l'histoire du roman ou du conte, ni même se confondre avec des catégories voisines, comme l'étrange ou le merveilleux la poétique doit travailler aussi sur les limites entre les genres, sur les frontières de la littérature. Jakobson a, dans une éblouissante synthèse, son article « Linguistique et poétique », où il résume des travaux des formalistes russes et du cercle de Prague, montré que ce qui unit, ou sépare, le langage parlé, le langage écrit, le langage littéraire n'est pas l'écart par rapport à une norme, mais le dosage de fonctions partout également présentes, à des degrés, avec une intensité variables. De même, entre les genres et les techniques littéraires, les différences ne tiennent pas à des oppositions brutales, comme celle, à quoi on a longtemps cru, entre prose et poésie, entre musique et évocation réaliste; ces différences sont dues à des répartitions variables de fonctions, d'ailleurs souvent plus fines que celles du langage. Tout roman est, si peu que ce soit, poème; tout poème est, à quelque degré, Extrait de la publication récit. C'est ce que voudrait montrer cette analyse du « récit poétique ». Mais qu'est-ce qu'un récit ? Tout récit est une relation d'événements, que l'on raconte et que l'on relie. L'exposé consacré à un sentiment n'est qu'une analyse; à des paroles, il est un discours ou un dialogue; et l'on ne peut rapporter une succession de sentiments, ou de paroles, que lorsqu'ils prennent forme d'événements c'est le cas dans la Fugitive, lorsque l'oubli succède en trois étapes au chagrin et à la jalousie; ou dans les Fruits d'or, parce que chacun des monologues ou des dialogues rythme la parabole décrite, dans le temps, par l'ascension et la chute d'un livre. Il y a « du» récit dans tous les genres littéraires, et sans doute dans toutes les formes d'expression. Nous nous limitons, non pas à ces récits présents dans tout livre, mais à ces livres où tout est si bien subordonné au récit qu'on les appelle généralement ainsi, et non pas roman. Dans ce domaine, la brièveté est moins une cause qu'un effet les Faux-Monnayeurs ne sont pas une longue Symphonie pastorale, et un adversaire du roman, André Breton, a écrit des récits. En fait, puisqu'il établit entre les événe- ments et les personnages une liaison linéaire qui a l'appa- rence de la nécessité, le genre du récit est l'épure du genre romanesque. Ni la complexité des personnages, ni l'épaisseur de la durée ne le retiennent, mais ce qu'il sacrifie, ou ce qu'il est impuissant à rendre, est compensé par d'autres acquisitions, et par l'importance accordée à d'autres variables le rationnel, l'enchaînement tragique ou la poésie. Le récit poétique en prose est la forme du récit qui emprunte au poème ses moyens d'action et ses effets, si bien que son analyse doit tenir compte à la fois des techniques de description du roman et de celles du poème le récit poétique est un phénomène de transition entre le roman et le poème. La tâche du critique est alors de proposer un modèle, ou une théorie, que l'étude des textes devra vérifier ou infirmer. L'hypothèse de départ sera que le récit poétique conserve la fictiond'un roman des personnages auxquels il arrive une histoire en un ou plusieurs lieux. Mais, en même temps, des procédés de narration renvoient au poème il y a là un conflit constant entre la fonction référentielle, avec ses tâches d'évocation et de représentation, et la fonction poétique, qui attire l'attention sur la forme même du message. Si nous reconnaissons, avec Jakobson, que la poésie commence aux parallélismes, nous trouverons, dans le récit poétique, un système d'échos, de reprises, de contrastes qui sont l'équivalent, à grande échelle, des assonances, des allité- rations, des rimes ce qui n'implique, ni n'élimine, la recherche des phrases musicales; en effet, les parallélismes sémantiques, les confrontations entre des unités de sens qui peuvent être des paysages ou des personnages, ont autant d'importance que, à l'échelle plus réduite du poème, les sonorités les unités de mesure peuvent changer, pourvu qu'il s'agisse toujours de mesurer des séquences. Les figures de rhétorique sont ici encore le lieu d'une rencontre la figure poétique de la métaphore se signale par une fréquence analogue à celle du poème (qu'elle ne suffit pas, notons-le, à caractériser). Mais, en même temps, si la métonymie, comme on l'a beaucoup dit, est la figure par essence du récit réaliste, parce qu'elle assemble les éléments sémantiques selon un principe de contiguïté, dans le récit poétique, la métaphore n'est pas seulement un peu, et parfois, métonymique, elle l'est toujours récit de métaphores, le récit poétique peut se définir par la progression linéaire des similarités, ou par la similitude des associations par contiguïté. Amenés à distinguer, par commodité, ce qui vient du poème et ce qui vient du récit, nous sommes ainsi conduits à énoncer certaines hypothèses touchant les personnages. Il ne s'agit pas ici d'étudier le contenu d'un récit, de réduire des ouvrages littéraires à des manuels de psycho- logie, mais de traiter les héros comme formes, en analysant leur fonction. Or cette fonction, si le récit poétique cons- titue bien un genre à part, est déterminée par la nature de ce dernier c'est ainsi que Nadja, pour nous, ne doit .pas son allure insaisissable à un modèle réel que la bio- graphie de Breton expliquerait, mais à sa présence dans un récit poétique. Plutôt que dans la vie, elle a sa place dans le domaine imaginaire où elle rencontre les héros de Blanchot, de Gracq et de Mandiargues. Le dépérisse- ment des références réalistes comme de la psychologie est la condition qui permet l'intégration des personnages au récit poétique. Absorbés par la narration, les personnages sont parfois dévorés par le narrateur, lorsqu'il est aussi le protagoniste. Comme dans les contes fantastiques, il arrive que la lumière qui éclaire une figure principale réduise les autres à n'être que des ombres, des images, à leur vraie nature d'êtres de langage, comme dans un mythe de la caverne intérieur. Ou bien le héros central est en relation directe avec un autre être, qu'il poursuit (Sylvie, Aurélia ont donné, au xixe siècle, à cette recherche sa forme la plus achevée); les masques de l'absence peuvent recouvrir le visage classique de l'être aimé, ou renvoyer à la quête de soi. L'effacement des personnages uploads/Litterature/le-recit-poetique.pdf

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