Le romantisme en littérature Le romantisme est certainement le plus populaire d
Le romantisme en littérature Le romantisme est certainement le plus populaire des mouvements littéraires et, sans doute aussi, le moins facile à cerner dans les profondeurs. Omniprésent d'un bout à l'autre de l'Europe sans revêtir jamais les mêmes formes ni recouvrir les mêmes significations, réduit dans bien des cas à de simplistes manifestations d'un épanchement de sensibilité, il souffre de son prestige autant qu'il en bénéficie. 1. Étymologie L'origine du mot romantisme renvoie au substantif roman, qui, en ancien français, est synonyme de « langue vulgaire », par opposition à la « langue noble », le latin. D'où un glissement de sens qui, dès le XIIe siècle, réduit l'extension du vocable romant aux seuls récits composés en « langue vulgaire » (ainsi, par exemple, dans leRoman de Renart). À partir du XIVe siècle, le mot roman ne sert plus qu'à désigner des récits de chevalerie en vers, puis en prose. L'apparition du mot Rousseau contemplant la beauté sauvage de la Suisse Emprunté par l'anglais, romant donne le dérivé romantic (attesté dès 1650), dont le sens recouvre celui de l'adjectif français romanesque. C'est avec cette signification qu'il revient en France dès 1661 : son emploi est alors fort rare. Ignoré des dictionnaires, des traducteurs même, qui lui préfèrent soit le général romanesque, soit l'inexact pittoresque, le terme fait une entrée remarquée dans la préface des Œuvres de Shakespeare, que vient de traduire Pierre Le Tourneur (1776), où ce dernier parle « du paysage aérien et romantique des nuages ». Rousseau, pour sa part, trouve dans les Rêveries du promeneur solitaire (1782) « les rives du lac de Brenne […] plus sauvages et romantiques que celles du lac de Genève ». Même s'il pénètre dans la langue littéraire, l'adjectif romantique désigne une réalité encore floue. Certains prétendent alors le mot indéfinissable, et le Dictionnaire de l'Académie française, qui l'accueille enfin en 1798, semble de cet avis, puisqu'il se contente d'entériner l'existence du terme sans en préciser le sens. Le courant moderne et national François le Villain, le Romantisme ou le Monstre littéraire C'est grâce à un auteur allemand que le sens du mot va enfin se fixer. En 1801, Friedrich von Schlegel oppose l'adjectif romantisch (emprunté, lui aussi, à l'anglais romantic à la fin du XVIIe siècle) à toute la littérature classique. Le mot romantique vient de trouver sa première signification véritable : il désignera toute force d'opposition du modernisme à la tradition qu'incarne le classicisme. Par là même, en rejetant l'exemple de l'Antiquité gréco-romaine, le romantisme s'affirme comme le courant moderne et national puisant ses forces dans l'histoire. Ainsi s'explique le rôle politique joué par ce mouvement dans les pays en quête d'unité, en Italie particulièrement, où le romanticismo sert alors de fer de lance aux revendications des nationalistes en lutte contre la domination autrichienne. 2. À Il est devenu traditionnel d'opposer le siècle romantique à celui des Lumières. Pourtant, comment expliquer l'influence exercée par les philosophes du XVIIIe siècle sur les artistes de la première moitié du XIXe siècle ? Il serait plus juste de voir dans ces deux orientations une même attitude de refus : les Lumières dans le registre moral et politique, le romantisme dans le registre esthétique. Une volonté de rupture avec le classicisme Jean-Jacques Rousseau à Ermenonville Le classicisme, si parfaitement établi au XVIIe siècle dans l'art français, n'a pas connu le même essor dans les autres pays. Il a duré quelques années (1720-1740) en Angleterre sous l'influence d'Alexander Pope, et n'a été qu'une brève phase transitoire dans les pays germaniques (1760-1780). La médiocre qualité de la poésie française du XVIIIe siècle, poésie le plus souvent didactique et ennuyeuse, traduit la persistance du goût classique pour l'impersonnalité. Et si quelques figures accompagnent Rousseau dans l'épanchement de la subjectivité et du lyrisme naturel, il est impossible de trouver en France un véritable courant préromantique comme le Sturm und Drang allemand, ou la période de 1770 à 1790 en Angleterre. Cette persistance du classicisme explique que le romantisme français ait éclaté à la fois plus tardivement et plus violemment qu'ailleurs : il lui fallait déraciner deux siècles de raison et de logique, et cela supposait un changement général des esprits. L'apport révolutionnaire Eugène Delacroix, la Liberté guidant le peuple Cette tâche fut facilitée par le bouleversement né de la Révolution française : la tourmente dans laquelle fut plongée la 1ère République (1792-1804), puis la période napoléonienne (1804-1815) marquèrent le monde d'une manière irréversible. Malgré le dégoût général pour les horreurs de la Terreur (1792-1794), en dépit de l'hostilité de beaucoup de personnes aux régimes non monarchiques, tous subiront la fascination de cette époque, jusqu'à en faire un véritable mythe artistique. L’espoir issu de ce bouleversement d'une société ouvrait une brèche dans l'équilibre classique et semblait appeler une révolution esthétique. Comment expliquer cette fascination de l'ère révolutionnaire sur les créateurs du temps, sinon par ce besoin obscur de réhabiliter l'homme dans sa complexité, avec ses forces, mais aussi avec ses faiblesses ? Après le schématisme classique du héros raisonnant, il semblait que l'homme venait de trouver sa seconde vie – la vraie aux yeux des romantiques – dans le déferlement et le chaos, jugés, malgré les apparences, beaucoup plus constructifs que destructifs. Alphonse de Lamartine L'histoire du romantisme français recouvre pratiquement tout le demi-siècle compris entre le premier Empire (1804-1814) et la révolution française de 1848. On fixe traditionnellement le début du mouvement à la publication des Méditations poétiques de Lamartine, en 1820, et l'on arrête sa chronologie à l'échec des Burgraves de Hugo, en 1843. Mais un tel raccourci ne rend pas compte de la maturation du mouvement et de ses survivances géniales. Une libération et une ouverture Durant les premières années du XIXe siècle, les effets de la Révolution de 1789 se font sentir sur les esprits. Depuis son exil en Suisse, Mme de Staël exige une littérature libérée des contraintes du classicisme, dont l'effet est d ' « étouffer de nobles sentiments, tarir la source des pensées » (De la littérature, considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, 1800). De son côté, Chateaubriand jette dans le Génie du christianisme (1802) les premiers thèmes spirituels du romantisme. Tombe de François René de Chateaubriand face à Saint Malo. Mais, en même temps qu'ils réclament l'ouverture de la littérature, les écrivains élargissent l'horizon littéraire en se tournant vers leurs collègues étrangers. C'est ainsi que sont publiés les premiers ouvrages qui attaquent de front la citadelle classique (De l'Allemagne, Mme de Staël, 1810 ; De la littérature du Midi de l'Europe, Sismondi, 1813 ; Cours de littérature dramatique, Schlegel, 1814). Dès lors, les écrivains étrangers pénètrent le paysage littéraire français. Le théâtre découvre Schiller, Goethe et Shakespeare. La poésie s'oriente, sous l'influence de lord Byron, vers le fantastique macabre, et, grâce aux Nuits d'Edward Young, dans la voie de l'élégie. Enfin, le Waverley (1814) de Walter Scott développe le goût du merveilleux moyenâgeux. Un climat nouveau se crée ainsi, correspondant à un « état d'âme collectif », pour lequel la publication des Méditations poétiques de Lamartine en sera le premier grand triomphe. Un clivage politique Stendhal Des Méditations poétiques (1820) de Lamartine à Hernani (1830) de Hugo, des noms nouveaux apparaissent : Balzac, Stendhal, Nerval. Les œuvres se multiplient, les manifestes surtout, qui, peu à peu, forment un corps de doctrine de la nouvelle génération. Toutefois, avant que l'école romantique s'impose, il aura fallu mettre de l'ordre dans la « boutique romantique ». En effet, face aux classiques, groupés autour de l'Académie française, les romantiques ne présentent que des bandes isolées que divise la politique. Les uns affichent des idées conservatrices (Hugo, Vigny). Les autres professent des idées libérales. C'est d'ailleurs l'un de ces libéraux, Stendhal, qui lancera le premier véritable assaut contre la citadelle classique en opposant sa conception du théâtre à celle de Racine (« Le combat à mort est entre le système tragique de Racine et celui de Shakespeare », Racine et Shakespeare, I, 1823). Ainsi, malgré des convictions littéraires semblables, l'opposition politique gêne le développement du romantisme en maintenant l'équivoque, d'autant que les deux groupes semblent s'ignorer plus que jamais en créant chacun son propre journal : la Muse française, d'inspiration conservatrice ; le Globe, d'esprit libéral, et dont les mots d'ordre sont « liberté et respect du goût national ». Cette situation trouble durera jusqu'au jour où, devant les attaques répétées de la droite classique, les romantiques conservateurs s'associent aux thèses du Globe et réclament, en 1825, la révolution littéraire. Le choc : Hernani Victor Hugo à Jersey Dans son salon de la rue Notre-Dame-des-Champs à Paris, Victor Hugo fait rapidement figure de chef d'école. Et comme le fief du classicisme est le théâtre, c'est sur ce terrain que les romantiques placent d'emblée la lutte. D'où une suite de manifestes signés Hugo (préface de Cromwell, 1827), Sainte-Beuve (Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme, 1829) ou Vigny (Lettre à Lord sur la soirée du 2 octobre 1824, préface à sa traduction d'Othello de Shakespeare, 1829). Ces auteurs, en l'espace de trois années, s'attachent à uploads/Litterature/le-romantisme-en-litterature-francaise.pdf
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- Publié le Nov 29, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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