36 Rôle et place de la démonstration partielle dans l’enseignement de la gymnas

36 Rôle et place de la démonstration partielle dans l’enseignement de la gymnastique sportive chez deux populations d’enseignants Marlène Kohler* - Mickaël Nachon ** *UFR-STAPS de Dijon et LIREST Cachan **UFR-STAPS de Besançon Cette étude compare, d’un point de vue didactique, des enseignants de niveaux d’expertise différents dans l’utilisation de démonstrations partielles lors de situations d’enseignement en gymnastique sportive. Le cadre théorique est celui des systèmes d’enseignement cognitivistes qui différencient chez les enseignants des connaissances particulières: connaissance du contenu technique ou expérience pédagogique (Berliner,1995). Les sujets (les enseignants) devaient enseigner le salto avant pendant dix minutes à six gymnastes débutantes dans une tâche aménagée. Les variables de l’étude mesurent la quantité et la nature des gestuelles utilisées selon les niveaux d’expertise. Les résultats montrent que les débutants utilisent presque exclusivement des esquisses de mouvements tandis que les expérimentés ont recours à des démonstrations beaucoup plus variées. Enseigner la gymnastique sportive, activité de type morphocinétique, en éducation physique et / ou dans le milieu sportif pose des problèmes quant aux choix des types d’apprentissage à mettre en œuvre. Selon Serre (1976), il est souvent préférable pour ce type d’acquisition motrice d’envisager un apprentissage par imitation. Or, l’ensemble de la littérature technique française sur ce sujet, de Carrasco (1973) à Thomas (1989), propose exclusivement des apprentissages par aménagement du milieu. L’activité gymnique se distingue par sa spécificité qui est de produire une forme motrice donnée ; le gymnaste est vu, jugé et apprécié sur la précision de cette figure en fonction d’un code de pointage. Elle repose sur une motricité abstraite et regroupe des 37 actions qui ne sont pas dictées par des relations spatiales issues du milieu extérieur mais par une ou des représentations internes. Ainsi, pour produire une forme motrice aussi précise, le gymnaste doit développer une motricité spécifique en se centrant sur l’espace et les propriétés de son corps. Dans ce type d’apprentissage, il convient donc d’aider l’élève débutant à construire cette image du geste qui est le but des actions. Si l’aménagement du milieu permet de mieux se représenter un ensemble de sous-buts efficaces, cela n’évite pas aux gymnastes de construire de nouveaux référentiels à partir d’observations extérieures. Parmi les procédures d’enseignement mises en œuvre par les enseignants de gymnastique, il en est une, la démonstration complète et / ou partielle, qui peut répondre à la particularité du fonctionnement du pratiquant. Cadopi, Chatillon & Baldy, (1992 p 310) nous expliquent qu’ « apprendre à produire des formes » c’est se fonder sur des informations proprioceptives pour savoir si elles correspondent à ce que l’on voulait produire ou non. La connaissance du résultat, si importante dans les apprentissages moteurs classiques, se pose ici en des termes différents dans la mesure où le résultat se confond avec l’exécution ». Les enseignants de ce type d’activité morphocinétique sont « obligés de contourner cette difficulté en ajoutant aux explications verbales, aux manipulations, des démonstrations qui sont autant de présentations extérieures et différées de ce qui aurait dû être produit ». Quel peuvent être le rôle et les modalités d’usage de la démonstration dans l’intervention en gymnastique sportive ? Quel degré d’efficacité en attendre ? Cette étude se propose, dans le cadre d’une expérience concernant la démonstration partielle, de voir comment en fonction de l’expérience des intervenants, ce type d’image motrice partielle et les éléments y afférents sont utilisés. 1. La notion de démonstration partielle. Pieron (1993), dans ses travaux sur l’analyse de l’acte d’enseignement, note que le recours à un modèle visuel (démonstration, photos, schémas, …) est utilisé par 50% des enseignants expérimentés lors d’interventions sur les contenus. Ces modèles se différencient des modèles utilisés par les enseignants débutants tant par leur quantité que leur qualité. Marsenach et Mérand (1986) montrent que des repères gestuels donnés 38 par les enseignants sont utilisés dans 82% des cas lors de l’enseignement en gymnastique. Ainsi la démonstration fait partie de manière très pragmatique des formes d’intervention de l’enseignant. Toutefois l’utilisation d’un modèle visuel peut revêtir plusieurs formes. Vigarello & Vives (1986) et plus tard Quintillan (1992), différencient ce mode de communication en se centrant plus particulièrement sur la gestualité des entraîneurs. L’observation de leurs communications gestuelles met en évidence des « démonstrations de type illustratif » et des « démonstrations partielles » qui peuvent être classées selon trois possibilités : démonstrations parcellisantes, démonstrations déformantes, démonstrations rythmiques. Ces démonstrations particulières sont destinées à aider l’élève à mieux percevoir le message : « La parole n’est que séquentielle, elle dit une chose à la fois, une chose après l’autre, elle parcellise ; le geste est, quant à lui, plus syncrétique, offrant une vision plus globale. L’analytique du discours s’oppose au synthétique du geste » (Vigarello & Vives 1986). Une observation plus approfondie conduit ces auteurs à répertorier et classer les différentes démonstrations gestuelles exécutées par des entraîneurs dans l’ensemble des activités physiques et sportives. Ces communications gestuelles sont regroupées en quatre catégories selon le sens, le rôle et la fonction. Désigner : l’enseignant désigne des marques au sol, des emplacements. Il précise des lieux où l’action doit être réalisée. Renforcer le mot : l’enseignant donne une consigne verbale et le geste accompagne la communication. Ce geste peut être simplement esquissé la priorité étant avant tout donnée à la consigne verbale. Illustrer : l’enseignant déforme certains aspects du geste, il pointe les moments clés et parcellise les actions en utilisant son propre corps. La priorité est ici dans l’image proposée aux élèves. Evoquer et transposer : ceci suppose l’acquisition des règles du langage de l’activité. Les élèves doivent utiliser les métaphores que l’enseignant propose. Il n’use pas de son corps en grandeur nature comme dans le cas de l’illustration, des opérations de transpositions sont réalisées. Dans le cadre de cet article nous allons nous intéresser à la démonstration illustrative et plus particulièrement à la démonstration partielle. Cette forme de message, qui n’utilise 39 qu’une partie du corps de l’enseignant grandeur nature, est une image sélectionnée, déformée, fragmentaire. Elle peut être à elle seule une information sans message verbal. La démonstration partielle n’est pas un décalque du geste à produire car elle en amplifie les actions clés en sélectionnant ce qui doit être observé par l’apprenant. Winnykamen (1990), Winnykamen et Lafont (1990) rendent compte d’un autre concept assez proche, utilisé dans le cas des habiletés motrices et qu’elles appellent l’imitation-modélisation. L’enseignant, qui utilise cette procédure, produit une forme d’étayage, en présentant des modèles plus ou moins exacts de ce que les élèves devraient faire. Bruner (1983) parle dans ce cas d’une « stylisation » de l’action. La démonstration partielle propose une procédure identique en grossissant un point particulier d’un élément, en s’arrêtant sur le temps fort, éventuellement en le mimant partiellement d’un point de vue rythmique. On peut alors se demander si cette démonstration possède une fonction particulière, car selon la nature et le but de la tâche en gymnastique, cette forme d’intervention comporte un code particulier (une sorte de modélisation), pour celui qui le produit.. 1.1.Rôle de la démonstration partielle pour la construction d’un modèle interne par le gymnaste Peut-on envisager que ce type d’information soit utile pour se représenter le geste ? Cadopi et al. (1992) nous fournissent une première information quand ils affirment « lors de la démonstration (totale ou partielle), on pense que le sujet stocke en mémoire l’image visuelle de ce qu’il perçoit et qu’il copiera ensuite ce modèle pour produire la réponse motrice. Cette condition de l’apprentissage moteur peut trouver des éléments d’explication dans la théorie de l’apprentissage social de Bandura (1977) ». A partir d’études sur l’enseignement d’habiletés motrices, Carroll et Bandura (1982, 1990) montrent que le sujet construit une représentation imagée du modèle observé en codant en images ou en mots des données visuelles. Ces médiateurs symboliques permettent ensuite de trouver les réponses appropriées. L’apprentissage moteur dans ce cas suppose la construction d’une représentation symbolique, conduisant à la constitution d’un « modèle interne » qui sert de standard de référence pour la correction des essais ultérieurs. Lors d’une intervention de l’enseignant, les images produites auraient une valeur illustrative et pourraient être considérées comme des modèles. Ceci nous conduit à 40 mieux comprendre les propriétés de ces images visuelles. Pour Denis (1990), une image visuelle n’est-elle pas une forme de représentation cognitive qui a pour caractéristique de conserver l’information perceptive sous une forme qui possède un degré de similitude structurale avec la perception. Elle constitue un instrument cognitif qui permet à l’individu, dans le cadre de ses actions motrices, de se figurer des situations à caractère spatial, ou des configurations dynamiques. Instrument d’évocation, l’image visuelle devient un instrument d’anticipation car elle aide à planifier l’action. On peut se demander si cela ne présente pas une analogie avec ce que les enseignants réalisent en gymnastique en proposant des démonstrations. Les professeurs d’EPS utilisent ces instruments pour mieux construire le but de l’action chez l’apprenant, mais il s’agit surtout de se rapprocher d’une image à reproduire en la simplifiant, en exagérant certains temps et en la déformant : une image orientée, filtrée, structurée. 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  • Publié le Oct 31, 2022
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