Community management et métiers émergents du numérique Une analyse des représen

Community management et métiers émergents du numérique Une analyse des représentations par l’étude des référentiels du marketing et de la communication Valérie Larroche, Enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication, IUT Lyon3, Elico, valerie.larroche@univ-lyon3.fr Community management 127 Résumé Cet article approfondit les représentations des métiers émergents du numérique par les employeurs annonceurs et les recruteurs d’agence de recrutement. En comparant 12 fiches métiers de différents référentiels en communication marketing publiés entre 2009 et 2015, on constate des stratégies de visibilité qui minimisent les relations permettant la reconnaissance mutuelle d’individus singuliers. Un focus sur le métier de community manager permet d’une part d’observer l’évolution des représentations de ce métier par les recruteurs, et d’autre part d’analyser les relations établies entre le community management et les métiers émergents étudiés. Les référentiels dans cet article sont le matériel de base des analyses. Ils sont considérés comme des dispositifs de confiance (Karpik, 2007) et des outils de traduction (Callon, 1986). Mots-clés: référentiels métiers, métiers émergents du numérique, dispositif de confiance, community manager, visibilité Abstract This article examines in depth employers’ and recruitment agencies’ representations of emerging digital professions. Comparing twelve different emerging job’s descriptions released in the 2009-2015 period, we put in evidence that visibility strategies are privileged over the mutual recognition between individuals. A focus on community manager allows us firstly, to observe how representations of recruiters are evolving and secondly, to explore relations mainly between community management and other emerging professions. Reference guides in this article are considered as confidence devices (Karpik, 2007) and non-human actors (Callon, 1986). Keywords: skills checklist, emerging professions in numeric fields, confidence devices, community manager, visibility 128 Le communicateur bousculé par le numérique Dans le secteur du numérique, on constate la présence de métiers en transformation et de nouveaux métiers qui répondent aux besoins d’adaptation des entreprises à un environnement changeant et à l’intégration des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Parmi celles-ci, les médias socionumériques sont des dispositifs technologiques qui sont venus bouleverser les échanges marchands en y introduisant de l’interaction entre les représentants de l’annonceur et les internautes tout en mesurant l’efficacité des actions. L’espace numérique est aujourd’hui à la fois un espace conversationnel où la communication est interactive, notamment sur les médias socionumériques (Stenger, Coutant, 2013) et un espace investi par les préoccupations de mesure marketing. Pour Thomas Stenger et Alexandre Coutant, ces espaces sont investis notamment par les community managers (Stenger, Coutant, 2011). Parallèlement, on peut observer une dynamique des métiers dans le secteur du numérique, révélée notamment par les publications de référentiels, conçus selon une logique de professionnalisation qui fait aussi l’objet de « positionnement concurrentiel, tant sur le « marché » de la formation que sur celui (ou ceux) des professionnels dont les associations et syndicats sont nombreux à se disputer la représentation, voire le contrôle. » (de la Broise, 2013, p. 44). Dans ce contexte, nous nous sommes demandée comment les référentiels se représentent le community manager au sein de ces différents métiers et quelles évolutions sont observables au cours de la période 2009-2015. Nous supposons que le community management, métier relationnel, est un métier pouvant être revendiqué par le secteur de la communication. Nous supposons aussi que ce métier a évolué en six ans et que d’autres métiers de communication spécialisés dans le numérique sont apparus. Dans cet article, nous désignons par le terme de métier un ensemble d’activités, de compétences et de tâches réunies sous une dénomination et intégrée à une fiche métiers rédigée par un organisme reconnu dans le secteur du recrutement (comme l’Apec) ou par les acteurs reconnus par les spécialistes de la communication et du marketing. La notion de métier est donc réduite à une dénomination et ne comporte pas d’éléments relevant de l’identité collective (Osty, 2003). Le métier est perçu au travers d’une fiche métiers, rédigée par des acteurs dotés d’une légitimité sociale (Bouquet, 2014). Les métiers émergents sont réduits ici à ceux désignés comme tels par les référentiels de 2015. La première partie s’attachera à présenter et à justifier le choix des référentiels sur lesquels porte cette étude et à préciser les fiches métiers que nous avons confrontées. La deuxième partie propose un classement des fiches métiers en fonction des secteurs, précise la présence ou non de compétences info-communicationnelles et discute les représentations des métiers du numérique par les auteurs du référentiel de la communication. Enfin la dernière partie analyse le métier de community manager Community management 129 dans l’ensemble des référentiels et étudie l’évolution de ce métier de 2009 à 2015, permettant ainsi d’établir des filiations avec des métiers plus récents. 1. Méthodologie : corpus et objet d’analyse 1.1. Les référentiels Les référentiels métiers sont rédigés par des collectifs professionnels influents et comportent des représentations concernant les compétences et le champs des activités numériques. Ces référentiels sont à la fois des « références partagées au sein d’un corps de métiers » (Lépine, Peyrelong, 2012, p.67) et des guides « permettant au salarié de naviguer dans un ensemble d’emplois identifiés » (Osty, 2003, p. 174). Ces référentiels ont un rôle à jouer dans la représentation professionnelle des activités numériques puisqu’ils sont rédigés de manière concertée par des organismes que nous qualifions de dispositifs de confiance (Karpik, 2007) et de porte-parole (de la Broise, 2013). Ils sont une approche par les compétences qui « permet d’expliciter des contenus professionnels de façon à ce qu’ils soient repérables et lisibles par l’ensemble des acteurs, mais aussi, si possible, au-delà du petit cercle du champ du social » (Kittel, 2014, p. 44). Pour les métiers émergents, il est important d’apparaitre dans des référentiels car c’est une première forme de reconnaissance puisqu’ils ont été identifiés par des acteurs influents. Nous intéressant tout particulièrement aux activités info-communicationnelles, nous avons retenu comme dispositifs de confiance les organismes fédérateurs et légitimes en France dans ce secteur que sont l’AFCI (Association française de communication interne), l’AACC (l'Association des agences-conseil en communication), le SYNAP (Syndicat national des attachés de presse et des conseillers en relations publics), l’Union des annonceurs et l’UDECAM (Union des entreprises de conseil & achat média). Ces organismes se sont fédérés pour publier en novembre 2013 le référentiel des métiers de la communication. Il comporte quarante fiches qui visent à couvrir l’ensemble des métiers de la communication, afin d'être utiles à tous les professionnels et futurs professionnels de la communication, mais également aux chefs d’entreprise, aux recruteurs (cabinets, DRH), aux pouvoirs publics et organismes officiels (INSEE, Pôle Emploi, ministères, CIO, ONISEP, etc.), ainsi qu'au monde de l'enseignement et de la formation. (Source : 130 Le communicateur bousculé par le numérique http://www.uda.fr/sinformer-actualites/actualites/les-metiers-de-la- communication/)82 Les syndicats et associations cités ci-dessus sont légitimés par une identité forte, ils sont représentés par des individus reconnus pour leur expertise communicationnelle et informationnelle qui n’est pas nécessairement numérique. A ce sujet, parmi les quarante fiches proposées, seules cinq seront prises en compte dans notre étude : animateur (trice) de communautés, consultant en e-reputation, responsable communication on-line, traffic manager, webmaster. Nous n’avons en effet retenu dans cet article que les métiers qui, dans leur dénomination, relevaient du numérique. Nous avons retenu animateur de communauté car d’autres appellations synonymes étaient mentionnées dans la fiche dont celle de community manager. Certains métiers à responsabilité ne font pas mention du numérique dans leur dénomination mais comportent malgré tout un volet numérique dans les tâches. Nous n’en avons pas tenu compte car ces propos restent très généraux83. Enfin, nous avons exclu le chef de projet (print et web) et le responsable des publications (print- web) car le contenu de la fiche exprime surtout des considérations renvoyant à des missions liées aux documents imprimés, le support web étant uniquement mentionné. Nous avons également étudié certaines fiches-métiers citées dans la cartographie du portail des métiers de l’Internet et plus particulièrement ceux répertoriés dans la rubrique communication-marketing (voir Figure 12)84. Ce portail a été créé par la délégation aux usages de l’Internet (DUI)85 associée à de nombreux partenaires86 pour « favoriser une meilleure connaissance de ces métiers et répondre aux besoins de compétences des acteurs de l’économie numérique »87. Il 82 Voir aussi (de la Broise, 2013, p. 44-45) 83 Exemple : « Le responsable de la communication externe supervise les rédacteurs de contenu, les attachés de presse, les chargés de communication online et community managers et le suivi des supports de communication externe hors médias. » (Référentiel de la communication, 2013) 84 Nous expliciterons dans la partie suivante la manière dont nous avons sélectionné certaines fiches-métier. 85 Créée en juillet 2003, lors du Comité interministériel pour la société de l'information (CISI), La DUI est aujourd'hui rattachée au Ministère chargé de l'économie, du redressement productif et du numérique. 86 Les partenaires sont entre autres : L' ACFCI (Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie), l'ADBS, association des professionnels de l'information et de la documentation, L'APROGED, l'association des professionnels pour l'économie numérique, le CELSA, grande école rattachée à l'université Paris-Sorbonne (Paris IV), l'ACSEL, l'association de l'économie numérique, Cap Digital, le pôle de compétitivité des contenus et services numériques, le CIGREF, uploads/Management/ 493-texte-de-l-x27-article-1123-1-10-20180202.pdf

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  • Publié le Dec 26, 2022
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