Cahiers du CREAD 1/2 Cahiers du CREAD n°81­82, 2007, pages 99­128. HOCINE KHELF

Cahiers du CREAD 1/2 Cahiers du CREAD n°81­82, 2007, pages 99­128. HOCINE KHELFAOUI, YASSINE FERFERA ET HOURIA OUCHALAL Accès aux technologies et pratiques de la R & D dans les entreprises publiques algériennes Absente de la démarche originelle d’industrialisation, la R&D a pris naissance tardivement dans l’industrie algérienne, évoluant différemment d’une entreprise à l’autre. Cet article présente un état des lieux de cette activité dans cinq entreprises publiques, représentant autant de secteurs industriels, et analyse les conditions socio­ professionnelles et organisationnelles qui sous­tendent son émergence. En s’appuyant sur divers facteurs de différenciation observés (type de marché et de management, stratégie d’accès au renouvellement technologique, statut et position des ingénieurs de recherche...), les auteurs identifient deux modes d’insertion de la R&D dans le système d’entreprise : un modèle «enclavé» où elle occupe un segment relativement dissocié des autres activités et un modèle «incorporé» où elle apparaît dans une position de transversalité. Ces deux modèles déterminent la place et le rôle de la R&D et définissent dans une large mesure son statut et celui des acteurs sociaux qui s’y consacrent. Mot clés : Recherche et développement ­ Entreprises publiques, technologie ­ Partenariat technologique ­ Ingénieurs de recherche Abstract Absent in the earliest model of industrialization, R&D occurred tardily in Algerian industry, evolving differently from a company to the other. This article presents the R&D situation in five public companies, representing different sectors; it analyzes the socio­professional and organisational conditions underlying the emergence of this new activity. Various factors of differentiation observed (market and management style, strategy to access to the technological renewal, statute and position of research engineers...) allowed to the authors to identify two ways of insertion of R&D in the companies system : a "wedged" model where it occupies a segment relatively dissociated of the other activities and an "incorporated" model where it appears in a transversally position. These two models determine the place and the role of R&D and define its statute and that of the social actors devoted to it. Key words : Cahiers du CREAD 2/2 Research and Development, public companies, technology, technological partnership, research engineers ﻣﻠﺨﺺ ﻅﻬﺮ ﻧﺸﺎﻁ ﺍﻟﺒﺤﺚ ﻭﺍﻟﺘﻨﻤﻴﺔ ﻓﻲ ﻭﻗﺖ ﻣﺘﺄﺧﺮ ﻣﻦ ﺍﻟﺼﻨﺎﻋﺔ ﺍﻟﺠﺰﺍﺋﺮﻳﺔ٬ ﺇﺫ ﺃﻧﻪ ﻛﺎﻥ ﻏﺎﺋﺒﺎ ﻣﻦ ﺍﻟﻤﻨﻬﺠﻴﺔ ﺍﻷﺻﻠﻴﺔ ﻟﻠﺘﺼﻨﻴﻊ٬ ﻭﻗﺪ ﺗﻄﻮﺭ ﺑﺸﻜﻞ ﻣﺘﺒﺎﻳﻦ ﻣﻦ ﻣﺆﺳﺴﺔ ﺇﻟﻰ ﺃﺧﺮﻯ. ﻳﻘﺪﻡ ﻫﺬﺍ ﺍﻟﻤﻘﺎﻝ ﻟﻤﺤﺔ ﻋﺎﻣﺔ ﻟﻬﺬﺍ ﺍﻟﻨﺸﺎﻁ ﻓﻲ ﺧﻤﺴﺔ ﺷﺮﻛﺎﺕ ﻋﻤﻮﻣﻴﺔ ﺗﻤﺜﻞ ﻋﺪﺩﺍ ﺍﻟﻘﻄﺎﻋﺎﺕ ﺍﻟﺼﻨﺎﻋﻴﺔ٬ ﻭﻳﻘﻮﻡ ﺑﺘﺤﻠﻴﻞ ﺍﻟﻈﺮﻭﻑ ﺍﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻴﺔ ﺍﻟﻤﻬﻨﻴﺔ ﻭﺍﻟﺘﻨﻈﻴﻤﻴﺔ ﺍﻋﺘﻤﺪ ﻋﻠﻴﻬﺎ ﻫﺬﺍ ﺍﻟﻨﺸﺎﻁ ﺃﺛﻨﺎء ﺑﺮﻭﺯﻩ. ﻳﺤﺪﺩ ﺍﻟﻤﺆﻟﻔﻮﻥ ﺍﺳﺘﻨﺎﺩﺍ ﺇﻟﻰ ﻋﻮﺍﻣﻞ ﺍﻻﺧﺘﻼﻑ ﺍﻟﻤﻼﺣﻈﺔ )ﻧﻮﻉ ﺍﻟﺴﻮﻕ ﻭﺍﻟﺘﺴﻴﻴﺮ٬ ﺇﺳﺘﺮﺍﺗﻴﺠﻴﺔ ﺗﺠﺪﻳﺪ ﺍﻟﺘﻜﻨﻮﻟﻮﺟﻴﺔ٬ ﻭﺿﻊ ﻭﻣﻮﻗﻒ ﻣﻬﻨﺪﺳﻲ ﺍﻟﺒﺤﺚ...( ﻧﻤﻄﻴﻦ ﻣﻦ ﺇﺩﻣﺎﺝ ﺍﻟﺒﺤﺚ ﻭﺍﻟﺘﻨﻤﻴﺔ ﻓﻲ ﻧﻈﺎﻡ ﺍﻟﻤﺆﺳﺴﺔ : ﻧﻤﻮﺫﺝ "ﻣﺤﺼﻮﺭﺍ" ﺃﻳﻦ ﻳﺤﺘﻞ ﺟﺰءﺍ ﻣﻔﺼﻮﻻ ﻧﺴﺒﻴﺎ ﻋﻦ ﺑﺎﻗﻲ ﺍﻷﻧﺸﻄﺔ٬ ﻭﻧﻤﻮﺫﺟﺎ "ﻣﺪﻣﺠﺎ" ﺃﻳﻦ ﺗﺄﺧﺬ ﻭﺿﻌﻴﺔ ﻋﺮﺿﻴﺔ. ﻳﻌﺮﻑ ﻫﺬﺍﻥ ﺍﻟﻨﻤﻮﺫﺟﺎﻥ ﻣﻜﺎﻥ ﻭﺩﻭﺭ ﺍﻟﺒﺤﺚ ﻭﺍﻟﺘﻨﻤﻴﺔ ﻭﻳﺤﺪﺩﺍﻥ ﺿﻤﻦ ﻣﻘﻴﺎﺱ ﻭﺍﺳﻊ ﻣﻜﺎﻧﺘﻬﻤﺎ ﻭﻭﺿﻌﻴﺔ ﺍﻟﻔﺎﻋﻠﻴﻦ ﺍﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻴﻴﻦ ﺍﻟﺬﻳﻦ ﻳﺘﻔﺮﻏﻮﻥ ﻟﻬﺬﺍ ﺍﻟﻤﻮﺿﻮﻉ. ﻛﻠﻤﺎﺕ ﻣﻔﺘﺎﺣﻴﺔ : ﺑﺤﺚ ﻭﺗﻨﻤﻴﺔ٬ ﻣﺆﺳﺴﺎﺕ ﻋﻤﻮﻣﻴﺔ٬ ﺗﻜﻨﻮﻟﻮﺟﻴﺎ٬ ﺷﺮﺍﻛﺔ ﺗﻜﻨﻮﻟﻮﺟﻴﺔ٬ ﻣﻬﻨﺪﺳﻲ ﺍﻟﺒﺤﺚ Cahiers du CREAD 1/24 JEL CLASSIFICATION : 033, 03 INTRODUCTION Cet article décrit la situation de la recherche et développement dans les entreprises publiques algériennes. Il traite du cas particuliers de cinq entreprises, représentant autant de secteurs industriels: la Société Nationale de l’Electricité et du Gaz (SONELGAZ) pour le secteur de la production et de la distribution de l’énergie (gaz et électricité), la Société Nationale de Recherche, de Transport et de Commercialisation des Hydrocarbures (SONATRACH), ÉLECTRO­INDUSTRIE pour la fabrication de moteurs électriques, l’Entreprise nationale des Industries Électroniques et Électromécaniques (ENIEM) pour la production et la distribution de produits électroménagers et SAIDAL, pour la production et la distribution de produits pharmaceutiques. Le choix de ces entreprises peut se justifier de plusieurs manières : elles représentent des secteurs différents et assez représentatifs du tissu industriel algérien (hydrocarbures, énergie, électroménager et pharmacie); elles sont apparues ou se sont affirmées dans des périodes différentes et disposent de ce fait de traditions différentes. Les deux premières, SONELGAZ et SONATRACH, sont parmi les plus anciennes entreprises algériennes. La première est l’héritière de l’ex entreprise coloniale EGA (Électricité et Gaz d’Algérie); la deuxième a été créée dès l’indépendance à partir des restes d’entreprises étrangères nationalisées, comme la française REPAL et autres petites entreprises de prospection. ÉLECTRO­INDUSTRIE et l’ENIEM appartiennent au réseau d’entreprises publiques mises en place dans le cadre de la politique dites des «industries industrialisantes» durant les années 1970. La cinquième, SAIDAL, quoique issue d’une des plus anciennes entreprises publiques, peut être considérée comme une entreprise relativement nouvelle tant sa restructuration l’a éloignée du schéma de fonctionnement de son ancêtre. Le choix de ces entreprises peut aussi se justifier par l’importance de leur place dans le marché national, la taille de leurs effectifs et la nature des technologies employées. Enfin, les cinq entreprises disposent de structures de R&D. LES CONDITIONS D’ÉMERGENCE DE LA R & D DANS LES ENTREPRISES PUBLIQUES ALGÉRIENNES Cahiers du CREAD 2/24 C’est au début des années quatre­vingts que la fonction R&D a commencé à prendre forme dans des structures appelées dans la plupart des entreprises Département Études et Développement (DED). L’objectif poursuivi était alors davantage l’intégration du tissu industriel et le développement de la sous­traitance que l’innovation au sens de création technologique. L’idée d’innovation était d’ailleurs quasi absente de la démarche d’industrialisation, plutôt fondée sur le concept dominant à cette époque de «transfert» et de «maîtrise» des technologies importées. La crise qui a frappé le secteur industriel public durant ces années et l’échec des mesures de restructuration dite «organique» des entreprises d’Etat, ont contraint les pouvoirs publics à lancer en 1988 un processus ? devant conduire à une autonomie de gestion des entreprises. La loi 88­01, portant sur l'orientation des entreprises nationales, définit l'entreprise publique économique comme «une personne morale de droit privé (société par actions ou société à responsabilité limitée) dotée d'un capital social et d’une autonomie financière; sa gestion est gouvernée par les règles du droit commercial, elle est donc libre de conclure les conventions selon ses intérêts propres et n'est plus soumise aux clauses rigides du code des marchés publics» (Benissad, 1991). Dans le cadre de cette autonomie, l’entreprise publique devrait définir ses propres objectifs ainsi que les moyens de leur réalisation. C’est durant cette période que la fonction R&D a commencé à apparaître dans les organigrammes des entreprises publiques, avec notamment l’Unité Recherche et Développement (URD) de SONELGAZ, le Centre de Recherche & Développement de SAIDAL et la Direction Développement et Partenariat de l’ENIEM. D’abord centrées sur des activités d’«engineering», ces structures ont par la suite évolué différemment dans chacune de ces entreprises. En 1985, SONELGAZ a créé une Unité d’Études et de Recherches (UER) avec pour mission de s’occuper de la recherche appliquée dans le domaine des énergies renouvelables. La même année, SAIDAL crée une Unité de recherche en médicaments et techniques pharmaceutiques (URMTP) et l’ENIEM met en place une Direction Développement et Industrie (DDI) qui devait réaliser des études de faisabilité technique et commerciale en vue de l’installation d’usines nouvelles. La SONATRACH a converti son Laboratoire Central des Hydrocarbures, datant des premières années de l’indépendance et hérité de l’ex­entreprise française REPAL, en Centre de Recherche­ Développement (CRD) avec pour mandat de s’occuper de l’amont (géologie, géophysique, forage…). De plus, elle crée le Centre d’Études et de Recherche en Hydrocarbures et Dérivés (CERHYD) qui devait se consacrer au domaine de l’aval (pétrochimie, transformation des produits pétroliers, matériaux composites, environnement). Seule ÉLECTRO­INDUSTRIE a pris un certain retard puisque la fonction R&D n’y est apparue que très récemment, comme on le verra plus loin, avec le soutien du fonds national de la recherche. Tableau 1 : Émergence de la fonction recherche (R&D) Cahiers du CREAD 3/24 Source : Tableau construit par les auteurs. N’ayant pas le même type de marché, ces entreprises n’ont donc pas de lignes de conduite communes en matière de R&D. Cependant, il est possible de distinguer deux grands modèles: celui des entreprises à marché captif ou monopolistique et, celui des entreprises à marché ouvert. Le premier modèle se décline lui­même en plusieurs variantes. On y trouve les entreprises disposant d’une situation de monopole sans partage : c’est le cas de SONELGAZ ; les entreprises qui sont à la fois rentières (qui perçoivent des royalties) et, bénéficiant d’une situation de monopole partiel (en détenant une portion du marché protégée par la loi) : c’est le cas de SONATRACH ; des entreprises mono­client ou quasi mono­client comme ÉLECTRO­INDUSTRIE. Le deuxième modèle se trouve parmi les entreprises qui évoluent dans des marchés totalement ouverts à la concurrence nationale et internationale: c’est le cas de SAIDAL et de l’ENIEM. Ces caractéristiques impriment une place particulière à la R&D dans chacune de ces entreprises. Nous pouvons donc clairement identifier deux modèles qui attribuent à la R&D une position différente. Dans le premier cas, la R&D occupe un segment relativement dissocié des autres activités de l’entreprise, que l’on peut appeler «modèle enclavé». Dans le second cas, nous avons un «modèle incorporé» du fait de la transversalité de la R&D par rapport aux autres activités de l’entreprise. Le modèle enclavé Chaque entreprise définit des objectifs de recherche par rapport à sa propre situation financière et à uploads/Management/ acces-aux-technologies-et-pratiques-de-la-r-amp-d-dans-les-entreprises-publiques-algeriennes.pdf

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  • Publié le Mai 29, 2022
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