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n°10 d é c e m b r e 2 0 0 5 édito Le bruit est inhérent à l’activité humaine et les sons nécessaires ou agréables pour les uns deviennent rapidement source de nuisance pour les autres. C’est sans doute pourquoi 67 % des salariés français se disent dérangés par le bruit sur leur lieu de travail et 7 % sont exposés à des bruits pouvant entraîner une perte auditive. Une exposition continue au bruit,même inférieure à 80 décibels, est source de fatigue ou de stress et accroît le risque d’accidents du travail. En un mot, c’est pénible ! L’utilisation de bouchons d’oreilles ou de casque antibruit peut certes protéger les salariés, mais reste une gêne et un facteur d’accident. Si l'in- tensité du bruit au travail n'est pas toujours élevée, son caractère invasif le rend souvent intolérable. Seule la suppression du bruit à la source ou sa forte réduction est bénéfique à la fois pour la santé des salariés et pour l’environnement. Pour les salariés, abaisser de 5 décibels les niveaux d’exposition est un progrès. Mais les performances supposées des protections auditives resteront-elles la référence, ou verra-t-on enfin se développer dans les entreprises,dans le respect des principes de la pré- vention collective, de réelles politiques de réduction du bruit à la source ? Dans ces conditions, aller à un concert ou utiliser un baladeur reste moins dange- reux que travailler 35 heures par semaine dans une ambiance sonore d’en moyenne 87 décibels ! L'Organisation Mondiale de la Santé a reconnu la perte d'audition induite par le bruit comme « la maladie du travail irréversible la plus répandue ». Comme nous y a invité la 6ème semaine européenne pour la santé et la sécurité au travail,halte au bruit ! Pierre-Yves Montéléon Président de l’INRS 1 Réalité prévention Risques professionnels Travail Société DR DR Interview de Marcelle Ramonet, députée du Finistère, Présidente du Conseil national du Bruit Page 2 L’oreille cassée L e bruit fait l’objet d’une perception sociale paradoxale. Les nuisances sonores environnementales sont de moins en moins tolérées et sont accusées de provoquer fatigue ou stress. Mais le bruit au travail est encore souvent considéré comme un « risque du métier » acceptable, alors même que ses effets sur la santé sont irréversibles. En 2003, 632 surdités professionnelles ont été reconnues. Plus encore, la conjonction d’une exposition professionnelle au bruit et à d’autres substances, chimiques par exemple, fragilise encore plus l’oreille et peut provoquer des surdités précoces. Malgré « l’année européenne du bruit » qui s’achève à la fin du mois, ce risque professionnel est généralement sous-estimé, par les chefs d’entreprise comme par les salariés. La mise en œuvre d’une réglemen- tation plus contraignante dans les prochains mois pourra-t-elle faire progresser la prévention du risque bruit en entreprise ? Assemblée Nationale Rencontre avec… Compte-tenu des enjeux de santé et économiques, la lutte contre le bruit mériterait même d’être élevée au rang de grande cause nationale. Marcelle Ramonet, députée du Finistère, Présidente du Conseil national du Bruit 2 Créé en 1982, cet organisme comprend 72 membres, nommés pour trois ans par le ministre chargé de l’Environnement, repré- sentant les élus nationaux et locaux (par- lementaires, maires, conseillers généraux et régionaux), les différents départements ministériels concernés par la lutte contre le bruit, les organisations syndicales de salariés et d’employeurs, les organisations professionnelles ou entreprises concourant à la lutte contre les nuisances sonores ou développant des activités bruyantes, les associations concernées par la lutte contre le bruit, des personnalités qualifiées... Le Conseil est consulté sur des questions traitant de nuisances sonores et sur des projets de réglementation dans ce domaine. Composé de spécialistes dans le domaine des nuisances sonores, le Conseil possède une capacité d’expertise reconnue dans tous les domaines de la lutte contre le bruit. Ainsi, il été saisi pour avis sur le dispositif de maîtrise des nuisances sonores de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle à l’occasion de la construction des deux nouvelles pistes, sur le projet de Code de l’Environnement, sur le projet de directive européenne sur le bruit ambiant ainsi que sur l’élaboration et la révision de nombreux décrets : musique amplifiée, établissements de santé, d’enseignement, hôtels, bruits de voisinage... Il propose des mesures propres à réduire les nuisances sonores. Doté d’une capacité d’autosaisine, il a mené une réflexion sur des thèmes non encore réglementés (aviation légère, hôtels...) et sur les moyens d’améliorer la réglementation en vigueur (bruits de voisinage...), il a élaboré des chartes de bonne conduite, des recom- mandations. Il mène actuellement des réflexions sur le bruit des poids lourds et sur le bruit des moyennes surfaces en centre-ville.Il élabore une réglementation sur les établissements sociaux et médico-sociaux,et les établisse- ments de sports. Le CNB informe et sensibilise le public en participant à des colloques ou en organisant des rencontres. Par le biais de plaquettes d’information et d’affichettes, il vise à inciter le public à adopter un com- portement plus citoyen. Enfin, il organise un concours “LE DECIBEL D’OR” récompensant des initiatives remar- quables dans le domaine de la lutte contre les nuisances sonores. Dès sa création, le CNB a mis en place une commission relative au bruit au travail. En 1994, il a contribué à la rédaction d’une brochure de l’INRS sur l’exposition des tra- vailleurs au bruit (méthode de mesurage). Plus récemment, en décembre 2004, il a donné un avis sur la transposition de la directive bruit au travail. Il mène actuelle- ment une réflexion relative à la sous- déclaration éventuelle des surdités profes- sionnelles. R.P. : L’évolution des pratiques en entreprise passe-t-elle par un durcissement de la réglementation (comme dans les mois qui viennent avec la directive européenne) ou par un effort de sensibilisation ? M. R. : Tous les moyens sont bons pour faire reculer les nuisances sonores. • Une réglementation plus rigoureuse Le projet de décret, présenté par le ministère de l'Emploi de la Cohésion Sociale et du Logement, transpose la direc- tive 2003/10/CE du parlement européen et du conseil du 6 février 2003 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l'exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (bruit). Le CNB a constaté avec satisfaction que ce nouveau texte constitue une avancée par rapport aux textes précédents, notam- ment en ce qui concerne l'abaissement des seuils d'action de 5 dB(A) et les précisions apportées sur le contenu de l'évaluation des risques. Le texte donne également des indications sur le contenu du plan de réduction du bruit en citant des exemples d'actions.Ces nouvelles mesures ne peuvent que renforcer la protection des travailleurs soumis au bruit. • Une application effective de la réglemen- tation en vigueur Les contrôles réalisés en entreprise ont permis de constater que, globalement la Assemblée Nationale Réalité Prévention : Jusqu’à présent, on a l’impression que le bruit au travail est mieux toléré que les nuisances sonores environnementales. Quel regard portez- vous sur ce décalage ? Marcelle Ramonet : Il existe en effet une part d’acceptation du bruit de son activité par le salarié. En effet, le bruit est considé- ré comme inhérent à certaines activités et le rapport SUMER 2003 (surveillance médicale des risques professionnels) le confirme, puisque certains secteurs comme l’industrie du bois et du papier, la métallurgie et la transformation des métaux, la construction… exposent au bruit plus de la moitié de leurs salariés… et qu’au total, plus de 3 millions de salariés déclarent aujourd’hui être exposés à un bruit supérieur à 85 dB(A). Les nuisances sonores environnementales sont entièrement subies alors que le bruit au travail correspond à un risque accepté par le salarié qui dépend de son employeur. Il faut donc être très vigilant dans l’application de la réglementation du bruit au travail, notamment en matière de prévention. R.P. : Quel est le rôle du Conseil national du Bruit ? Est-il compétent en matière de bruit au travail ? M. R. : Le CNB est une instance de concertation et de conseil, placée auprès du ministre chargé de l’Environnement, qui rassemble tous les acteurs concernés par la lutte contre le bruit. Renault/INRS Réalité prévention suite page 4 ( ) 3 Avis d’expert Pierre Canetto, Ingénieur acousticien,INRS DR réglementation est bien respectée par les grandes entreprises qui disposent des moyens financiers nécessaires pour mettre en œuvre des mesures plus restrictives. En revanche, les PME ont plus de difficultés pour dégager les disponibilités nécessaires. • Un effort de sensibilisation Cet effort est nécessaire, au niveau des entreprises,des travailleurs et de la médecine du travail. À titre d’exemple, les activités tertiaires ne sont pas encadrées par une quelconque réglementation spécifique de lutte contre les nuisances sonores. Or, le confort acoustique, qui peut se définir comme la possibilité pour un individu d’entendre les sons qui lui sont utiles et de ne pas être gêné par les bruits inutiles ou dérangeants, n’engendre qu’un faible surcoût au regard des résultats obtenus. Une démarche préalable globale et pluri- disciplinaire concernant les ambiances (acoustique, qualité de l’air, éclairage et thermique) ainsi que l’organisation du travail et de l’espace menée avec des professionnels (acousticiens, architectes, contrôleurs techniques et industriels du uploads/Management/ actu-realite-prevention-10.pdf

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  • Publié le Fev 19, 2022
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