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XXIXe Conférence Internationale de Management Stratégique 1 Online, 3-5 juin 20

XXIXe Conférence Internationale de Management Stratégique 1 Online, 3-5 juin 2020 Quels sont les obstacles au développement de l’éco- conception ? Une analyse compréhensive des stratégies et des interactions au sein des écosystèmes Steux, Chloé – Aggeri, Franck MINES ParisTech, Centre de Gestion Scientifique – i3 – PSL Research University chloe.steux@mines-paristech.fr – franck.aggeri@mines-paristech.fr Résumé : L’éco-conception consiste à réduire l’impact environnemental des produits tout au long de leur cycle de vie en agissant dès la conception des produits. Alors qu’elle constitue un levier prometteur pour la transition écologique, sa diffusion demeure aujourd’hui limitée. Le cadrage dominant de l’éco-conception repose sur l’hypothèse que celle-ci est initiée et déployée de façon isolée par les entreprises vis-à-vis des clients et qu’elle relève d’une approche essentiellement technique. Cette approche néglige le rôle des écosystèmes industriels et d'affaire, c’est-à-dire des acteurs susceptibles d’influencer la stratégie d’éco-conception des entreprises, et l’acceptabilité sociale des éco-innovations qui en découlent. En effet, les travaux sur l'innovation responsable nous rappellent que les innovations ne sont pas seulement évaluées en fonction de leurs performances affichées mais également en fonction de leur légitimité perçue par la société, qui dépend de la capacité des entreprises à associer des parties prenantes aux processus et à la gouvernance de l'innovation. Par ailleurs, les travaux en sociologie économique et les théories de la prescription nous enseignent qu’entre les producteurs et les consommateurs, une multitude d'intermédiaires participent à la construction de l’offre et de la demande et à leur mise en relation marchande, par le biais de prescriptions réciproques. Ainsi, à travers une enquête empirique basée sur 24 entretiens réalisés auprès d’entreprises et de différents acteurs de l’écosystème émergent de l’éco-conception, cette communication vise à identifier les conditions permettant aux démarches d’éco-conception de générer des éco- innovations à fort impact, par l’identification des acteurs de l’écosystème à mobiliser, et de leurs moyens d’action. Dans cette perspective, nous mettons en évidence cinq chantiers critiques menés par les entreprises avec différentes parties prenantes pour réaliser une proposition de valeur cohérente, et ainsi participer à la construction de l’écosystème de l’éco-conception, et plus globalement, à l’édification d’un champ d’innovation de l’éco-conception. Mots-clés : éco-conception, éco-responsable, dispositifs, prescripteurs, médiateurs XXIXe Conférence Internationale de Management Stratégique 2 Online, 3-5 juin 2020 Quels sont les obstacles au développement de l’éco- conception ? Une analyse compréhensive des stratégies et des interactions au sein des écosystèmes 1. INTRODUCTION L’éco-conception, qui consiste à intégrer l’environnement dans la conception de produits constitue aujourd’hui un levier prometteur pour la transition écologique (AFNOR, 2004). L’originalité de l’éco-conception face aux démarches environnementales classiques dites « de bout de chaîne » réside dans son caractère préventif, et dans son objectif de réduire significativement les impacts environnementaux du produit tout au long de son cycle de vie, de l’extraction des matières premières nécessaires à sa production à sa fin de vie. Là où les démarches traditionnelles promouvaient la résolution des problèmes environnementaux a posteriori -par des technologies de dépollution par exemple-, l’éco-conception offre une nouvelle perspective sur les impacts environnementaux, par une approche centrée sur le cycle de vie, systémique, visant à mettre en lumière de nombreuses stratégies permettant de diminuer l’impact environnemental des produits (efficacité énergétique, recyclabilité, réparabilité, économie de fonctionnalité…). En effet, l’ensemble des phases du cycle de vie d’un produit sont à l’origine d’émissions dommageables pour l’environnement : 75% des émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation des ménages proviennent de la production et du transport des biens et services qu’ils consomment (SOeS, 2011). La consommation de ressources rares, parfois non renouvelables, ne cesse de croître et nécessite d’être maîtrisée (ONU-Interpol, 2015). Les pouvoirs publics font ainsi jouer à l’éco-conception un rôle clé dans la transition écologique, à travers le développement de législations et de mesures incitatives voire contraignantes, au plan national comme au plan européen (Livre vert en 2001, directive Energy- using Products en 2005 puis directive Energy-related Products en 2009, directive étiquetage environnemental en 2010). Ces avancées ont poussé les entreprises à se saisir du sujet et à aller XXIXe Conférence Internationale de Management Stratégique 3 Online, 3-5 juin 2020 bien souvent au-delà des exigences réglementaires dans le but d’anticiper de futurs développements législatifs (Delmas et Toffel, 2008). Par ailleurs, nombreuses sont les entreprises qui mettent en œuvre une démarche d’éco-conception sur une base volontaire, selon des motivations diverses : bénéfices commerciaux liés à la diminution des coûts de production, à l’augmentation des parts de marché ou à l’amélioration de l’image de marque, (Berneman et al., 2009 ; Johansson et al., 2001 ; ADEME, 2017), différenciation des produits occasionnant un avantage concurrentiel (Porter et Van der Linde, 1995), potentialités de double dividende (Aggeri,1999), logique prosociale en vue d’acquérir une certaine légitimité (Suchman, 1995). Trente ans après leur lancement, la littérature souligne cependant les résultats mitigés obtenus par les entreprises qui se sont lancées dans des démarches d’éco-conception : celles-ci débouchent le plus souvent sur des éco-innovations incrémentales et leur succès commercial auprès des clients demeure limité (Delmas et Colgan, 2018 ; Bey et al., 2013). Pour comprendre les difficultés rencontrées, il faut revenir sur le cadrage dominant de l’éco-conception et les limites des démarches d’éco-innovation orientées client, c’est-à-dire sur la façon dont ces démarches ont été problématisées par les entreprises, ainsi que les dimensions qu’elles ont négligé ou omises. Le cadrage dominant de l’éco-conception repose sur l’hypothèse que cette démarche est le fruit (1) d'initiatives individuelles d'entreprises (2) qui mettent en place de façon volontaire des démarches instrumentées fondées sur des outils d'évaluation environnementale pour guider les concepteurs et (3) informer les clients de la valeur environnementale des produits et services éco-conçus par le biais de l'affichage environnemental. Ce cadrage sous-entend que la démarche, initiée à l’échelle de l’entreprise, se diffuse naturellement par des discours mobilisateurs et des outils adaptés. Surtout, ce cadrage se fonde sur l’hypothèse implicite que l’entreprise est l’échelle pertinente pour penser et déployer une stratégie d’éco-conception. Les démarches d’éco-innovation orientées client ne remettent pas en cause ce prisme firmo-centré. Ces approches reviennent à négliger le rôle des écosystèmes industriels et d'affaire, c'est-à-dire l’ensemble des acteurs qui sont susceptibles d’influencer la façon d’appréhender et de déployer l’éco-conception, et qui jouent parfois un rôle déterminant dans le déploiement et l’acceptabilité des éco-innovations qui découlent de la démarche d’éco-conception. XXIXe Conférence Internationale de Management Stratégique 4 Online, 3-5 juin 2020 L’objectif de cette communication est, à partir d’une enquête empirique auprès de différents acteurs de l’écosystème émergent de l’éco-conception, de comprendre les conditions qui permettent aux démarches d’éco-conception de générer des éco-innovations performantes d’un point de vue environnemental et commercial, en identifiant plus spécifiquement les acteurs de l’écosystème à mobiliser et leurs moyens d’action. À cette aune, nos questions de recherche sont les suivantes : Quelles sont conditions qui permettent de transformer les démarches d’éco-conception en éco-innovations ? En particulier, quel rôle jouent les écosystèmes industriels et d’affaire dans ce processus de transformation ? Quelles sont les parties prenantes qui jouent un rôle clé au sein de ces écosystèmes et comment caractériser leurs relations avec l’entreprise éco-conceptrice ? Pour répondre à ces questions, nous mobilisons deux cadres théoriques qui nous invitent à élargir le champ des acteurs de l’écosystème des entreprises à prendre dans les stratégies d’éco- conception. Le premier cadre théorique issu des travaux en sociologie économique (Callon, 2017 ; Vatin, 2009) et des théories de la prescription (Hatchuel, 1995, 2010) nous invite à considérer le rôle de divers intermédiaires dans la construction du marché des produits éco- conçus. Le second cadre sur l'innovation responsable met l’accent sur les mécanismes de gouvernance qui associent l’entreprise à une variété de parties prenantes en vue de les inclure dans le processus d’innovation, de développer une démarche réflexive, d’être en mesure de répondre à leurs attentes et d’anticiper les risques que l’innovation est susceptible d’engendrer (Stilgoe et al., 2013 ; Scherer et Voegtlin, 2018). Cette communication est organisée selon le plan suivant : - Dans la section 2, nous revenons sur l’histoire des pratiques d’éco-conception et d’éco- innovation en en montrant les limites. Nous mettons en évidence les impensés de ces deux démarches et suggérons des pistes d’exploration pour élargir l’analyse, au-delà de la relation client-entreprise, auprès d’autres parties prenantes clés de l’écosystème de l’éco-conception (distributeurs, consultants, intermédiaires). - Dans la section 3, nous présentons le cadre théorique proposé. - Dans la section 4, nous présentons partie la méthodologie de recherche compréhensive que nous avons mise en œuvre dans notre enquête de terrain. XXIXe Conférence Internationale de Management Stratégique 5 Online, 3-5 juin 2020 - Enfin, dans la section 5 nous présentons nos résultats de recherche. 2. DE L’ECO-CONCEPTION A L’ECO-INNOVATION : LES ENJEUX D’UNE TRANSFORMATION 2.1. Le cadrage dominant de l’éco-conception : une approche technique et firmo-centrée Les premières démarches d’éco-conception ont été déployées au début des années 90 par une communauté ingénierique et scientifique d’experts environnement, essentiellement structurée autour de l’analyse de cycle de vie (ACV) (Abrassart et Aggeri, 2002), méthode quantitative d’évaluation des impacts environnementaux normalisée en 1997 (norme ISO 14040). La figure de l’expert environnement doté de connaissances pointues d’un uploads/Management/ aims2020-5608.pdf