Albert Davoine Diriger autrement 1997 REPRODUCTION INTERDITE. TOUS DROITS RESER
Albert Davoine Diriger autrement 1997 REPRODUCTION INTERDITE. TOUS DROITS RESERVES. Introduction Diriger, c'est la mission du chef. Et la tâche consiste à prévoir, à organiser et à contrôler, dans la joie. En effet, diriger les autres sans être heureux soi- même, cela n'a pas de sens, ce n'est ni raisonnable ni efficace. Celui qui n'offre pas à son équipage l'image intéressante d'une personne accomplie, n'exerce qu'une faible influence sur ses compagnons de route. Au contraire, le père ou la mère, le professeur ou la directrice, dont les personnalités rayonnent par la sérénité, la joie et le sens qui se dégagent de leur vie, ces leaders éduquent, entraînent et motivent par le simple désir de leur ressembler qu'ils suscitent chez les autres. Éduquer ou diriger, c'est donner l'exemple, c'est se donner aux autres, avec plaisir. Le chef doit se mettre au service de la société en mutation, comme un éducateur. On appelait pédagogue, dans l'antiquité, ce serviteur qui avait pour tâche de conduire les enfants à l'école. Éduquer, c'est conduire sur le chemin de l'école de la vie, pour aider un peu, mais du mieux qu'on peut, l'humanité à avancer d'un pas, de génération en génération. Diriger, c'est montrer le chemin, donner la main en route, et puis laisser aller. C'est révéler, aider et libérer. Si la personnalité du chef est accomplie, s'il est heureux, pourquoi rechercherait-il encore le pouvoir ? Le pouvoir est essentiellement la capacité de changer ou d'amener des changements. Quel changement peut-il bien vouloir apporter s'il est déjà heureux ? Plus de bonheur ? Plus de sérénité ? Plus de joie ? Ceux qui en ont fait l'expérience savent que le bonheur ne se compte pas, qu'il ne s'accumule pas, mais qu'il se cultive comme un champ de blé, avec quelques coquelicots apparemment inutiles... Le chef heureux dirige autrement : pour cultiver son champ, 3 pour planter inlassablement des arbres, pour l'avenir. Celui ou celle qui a acquis le pouvoir intime de se changer assez pour vivre heureux dans son entourage n'a plus besoin du pouvoir magique, possessif ou instrumental pour changer le monde. Il ou elle est capable de renoncer à ces formes de pouvoir pour se mettre au service des autres. Paradoxalement, comme c'est le cas bien souvent en philosophie, celui qui renonce ainsi à ces pouvoirs traditionnels, pour exercer un pouvoir libérateur, révélateur et médiateur, exerce en fait une influence considérable pour amener des changements profonds. Il devient véritablement puissant car il génère le sens. Il donne le signal du départ de la société sur le chemin de l'école du bonheur. Prévoir, organiser et contrôler, ce sont trois tâches pour diriger et trois conditions pour réussir. Les philosophes anciens et les psychologues modernes relient la réussite d'une vie humaine à trois éléments essentiels : la vision, la connaissance et la maîtrise de soi. En effet, pour être heureux, il faut avant tout se voir heureux. Pour conduire la troupe vers un idéal, il faut voir cet idéal d'avance, il faut donc prévoir. Ensuite, pour organiser, c'est-à-dire pour repé- rer, rassembler et coordonner les ressources en vue de la mission à remplir, il faut avant tout connaître intimement ses propres compétences et celles de son entreprise et allier tous ces talents dans la liberté créatrice. Enfin, pour agir avec discernement face aux cir- constances toujours changeantes, il faut être maître de soi et contrôler son pouvoir, en distribuant équita- blement les ressources, les responsabilités et les profits avec le souci de servir la justice, le fondement vital de la société. 4 La société contemporaine a un urgent besoin de chefs visionnaires, humanistes et rebelles face à l'envahissement de la bureaucratie, du dogmatisme économique et du mensonge politique. Que ce soit dans la petite entreprise ou au gouvernement, quand la mode actuelle aura terminé ses ravages, il faudra bien diriger autrement et accepter pour mission de redonner du sens à l'entreprise et à la société. J'écris donc pour les chefs résistants et pour ceux et celles qui se préparent à prendre la relève. En suivant l'exemple de tant de gens qui soignent et qui aident leur prochain humblement et quotidienne- ment, j'ai écrit avec un brin d'humour et une touche de poésie, les mots qui me viennent à l'esprit en remontant par le coeur, pour aider à être vrai, à accepter la mission et à rester fidèle. J'ai écrit ce que j'entends, ce que j'écoute, et ce que je dis à mes élèves et à mes amis, les dirigeants d'entreprises qui viennent se raconter et chercher un peu de fraternité. J'ai écrit pour aider les chefs à être heureux et à diriger autrement. P R É V O I R Prévoir, c'est un mot que j'écris souvent avec un trait d'union : pré-voir. C'est voir d'avance. C'est la première tâche de la mission du chef. On dit que gou- verner, c'est prévoir. Pour diriger, donner un sens, il faut prendre le temps de regarder en avant. Les ges- tionnaires technocrates se précipitent malheureuse- ment tout de suite dans la planification. Obnubilés par la poursuite de leur curriculum vitae, ils ne savent même pas où ils vont dans leur vie personnelle. Ils nous font de merveilleuses planifications stratégi- ques, de splendides plans d'affaires mais, comme le dit si bien le proverbe : « lorsque tu ne sais pas vers quel port tu te diriges, aucun vent n'est bon. » J'ai appris le métier d'ingénieur sur les bancs d'école et le métier d'administrateur en enseignant l'administration, tout en mettant la main à la pâte comme conseiller et comme dirigeant de diverses entreprises commerciales et organisations communautaires. Mais j'ai commencé à comprendre vraiment ce qu'est la direction quand j'ai suivi mon premier cours de voile, passé l'âge de quarante ans. Je me suis mis à l'école d'un maître instructeur de voile. Le maître m'a appris que, pour traverser la rivière des Outaouais sur mon dériveur, il me faut, avant tout, fixer des yeux un point de repère à l'horizon. Le clocher de l'église du village sur la rive opposée fait très bien l'affaire si c'est là que je veux aller. Ensuite, il me faut garder les yeux rivés sur lui. Bien sûr, je ne suis maître ni du vent, ni du courant, ni des autres embarcations qui naviguent sur cette rivière mais, même en louvoyant, je finirai bien par arriver à destination, à suivre le destin que j'aurai aperçu et décidé de poursuivre, sans lâcher le gouvernail. Diriger signifie mener en ligne, faire aller dans un certain sens. Comment décider du sens que l'on va 6 prendre ? Quelle est la bonne direction ? Comment enfin amener l'équipage sur cette voie ? Trois questions auxquelles je tenterai, dans cette première partie du livre, non pas de répondre, mais bien de dégager des pistes, d'apporter un peu de lumière, de donner un coup de main, pour que vous puissiez découvrir vous-même votre itinéraire. 7 Trois obstacles à la vision Avant de parler de la vision, je voudrais vous mettre en garde contre les trois obstacles qui la bloquent : la technocratie, le mensonge et la démission. Le premier obstacle : la technocratie. Les technocrates se servent de statistiques pour faire leurs prévisions. Benjamin Disraeli, ministre de la reine Victoria, aurait dit en boutade qu'il y avait trois sortes de mensonges, les unes plus dangereuses que les autres, à savoir, les mensonges par omission, les mensonges délibérés et les statistiques... Ne peut-on pas en effet dire, avec un humour simplificateur, que le statisticien est celui qui peut vous affirmer, et parfois même vous convaincre que, lorsque vous avez les pieds dans le congélateur et la tête dans le fourneau, en moyenne, vous êtes à la bonne température ? Les imbéciles, les esprits brouillons et les men- teurs, se fient sur des statistiques, parfois volontaire- ment falsifiées, pour faire leurs prévisions. La statisti- que est une science rigoureuse et les statisticiens sont des gens prudents, honnêtes et bien utiles pour décrire les phénomènes innombrables de l'univers observable. Mais cet outil merveilleux, laissé aux mains des apprentis-sorciers, fait plus de ravages chez ceux qui l'utilisent que s'ils avaient gardé les yeux fermés pour marcher. Ils se bercent d'illusions, ils se trompent en croyant reconnaître dans la description sommaire de la réalité passée, les prémisses de l'avenir. Ils extrapolent, tirent des conclusions hâtives ou biaisées, à partir d'une moyenne, d'une tendance. 8 Quand bien même on démontrerait que le corps social se trouve en moyenne à la bonne température, que le revenu moyen des ménages suit une tendance à la hausse, que les ventes moyennes par client de l'entreprise ne font que progresser, peut-on en conclure que l'homme, que l'entreprise et que la société sont en bonne santé et qu'ils se rapprochent d'année en année du bonheur ? La société n'est pas constituée de ménages moyens. Elle se compose aussi de gens miséreux, de malades, de voleurs et de profiteurs. Notre client moyen est satisfait. Mais le chiffre d'affaires de notre entreprise est constitué d'une multitude de petites transactions dispersées dans le temps et uploads/Management/ albert-davoine-diriger-autrement-1997 1 .pdf
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- Publié le Jan 29, 2022
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