ENSEIGNER EST UN MÉTIER QUI S’APPREND. COLLECTIVEMENT Philippe Watrelot Fondati

ENSEIGNER EST UN MÉTIER QUI S’APPREND. COLLECTIVEMENT Philippe Watrelot Fondation Seligmann | « Après-demain » 2012/1 N ° 21, NF | pages 18 à 20 ISSN 0003-7176 DOI 10.3917/apdem.021.0018 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-apres-demain-2012-1-page-18.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Fondation Seligmann. © Fondation Seligmann. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Nous essaierons d’en traiter deux ici : - celui du rôle de l’enseignant dans les apprentis- sages (ce qui nous amènera aussi à évoquer la ques- tion de la formation) ; - celui de la manière dont peut se faire l’évolution de l’École et comment les enseignants peuvent jouer un rôle (ou non) dans cette nécessaire transformation. Le débat sur le rôle de l’enseignant dans les appren- tissages n’est pas neuf. On peut même dire qu’il ali- mente les médias et les rayons des librairies depuis de nombreuses années. Car c’est d’abord sur cette question que se focalise le plus souvent le « faux » débat opposant pédagogues et anti-pédagogues. L’ACTE IRREMPLAÇABLE D’APPRENDRE Pour le camp « républicain » (comme si le camp d’en face ne l’était pas), l’école relève de l’instruction, à l’exclusion de toute finalité éducative, ce qui est d’ailleurs tout à fait en contradiction avec ce qu’a été l’école de Jules Ferry et de la Troisième République, éminemment « éducatrice ». Pour l’anti-pédagogue, il suffirait d’enseigner pour que le savoir soit trans- mis. Pour le pédagogue, c’est une illusion. La fonc- tion de l’enseignant est de « faire apprendre ». Il ne suffit pas de professer le savoir pour que les élèves sachent. Et c’était déjà le cas avant, dans ce passé mythifié de l’école réservée aux « héritiers », qui sert de référence à ceux qui font des succès d’édition sur ce thème inépuisable. Si l’on veut transmettre, il faut aussi se préoccuper du « récepteur », c’est ce que disent les pédagogues, et c’est sans doute plus vrai que jamais dans une école de masse. Comment puis-je faire pour créer les conditions d’un réel apprentissage des élèves ? Organiser le cadre qui permet de faire des jeunes des élèves, créer et alimenter la motivation, l’intérêt pour ce qui est enseigné, donner du sens aux savoirs, fixer des objectifs clairs et explicites aux élèves, identifier leurs difficultés et proposer des aides pour les résoudre, évaluer leurs progrès et leurs compé- tences ? Telles sont les questions que se posent les enseignants aujourd’hui, s’ils veulent être des pro- fessionnels de l’acte d’apprendre. La pédagogie est en effet porteuse de valeurs, il y a des dispositifs qui vont dans le sens de la démocratie et de la citoyenne- té à construire, des modes de travail qui développent la coopération et le « vivre ensemble ». LA « MALADIE NOSOCOMIALE » DE L’ÉCOLE Répétons-le, le débat qui voudrait opposer les connaissances disciplinaires à la pédagogie est vain1. Il ne s’agit pas de « brader les savoirs » comme il est souvent dit dans ces pamphlets. Au contraire, il s’agit de les prendre au sérieux. La piste du « travail par compétences » peut être une voie féconde pour rendre la pédagogie plus explicite et mettre les élèves en capacité de mobiliser les res- sources acquises (savoirs, savoir-faire, attitudes...) dans des situations inédites et complexes et non pas dans la récitation et la répétition. Mais cela soulève aussi la question de la finalité de l’enseignement. Si l’on pose qu’il n’y a pas de pro- blème pédagogique, les anti-pédagogues renvoient alors la responsabilité de la difficulté scolaire à l’élè- ve lui-même2. S’il n’apprend pas, c’est de sa faute et « à chacun selon ses mérites ». Et le caractère sélec- tif de l’enseignement se trouve justifié, l’échec deve- nant alors une sorte de maladie nosocomiale de l’École3. En revanche, si l’on se donne comme ambi- tion de « faire apprendre » tous les élèves, il faut alors mettre en œuvre une pédagogie qui permette Philippe WATRELOT ENSEIGNER EST UN MÉTIER QUI S’APPREND. COLLECTIVEMENT © Fondation Seligmann | Téléchargé le 19/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 41.158.187.244) © Fondation Seligmann | Téléchargé le 19/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 41.158.187.244) N° 21 (NF) • Janvier 2012 L’ÉCOLE DANS LA SOCIÉTÉ 19 de lutter contre les inégalités sociales et scolaires. Cela passe par une pédagogie différenciée et une véritable prise en compte de la difficulté scolaire. Cela donne aussi à l’enseignant un rôle de « passeur culturel » pour que les savoirs rencontrent le vécu de l’élève et lui permettent de le dépasser. Ce long plaidoyer pour la réflexion pédagogique, en préambule d’une réflexion sur le rôle de l’ensei- gnant, me semble justifié car il est porteur d’enjeux ; notamment sur la formation et sur les missions de l’enseignant. UN ENJEU MAJEUR : LA FORMATION DES ENSEIGNANTS Il ne suffit pas de maîtriser des « savoirs savants » pour être un bon professeur. Et la référence à une supposée « vocation » ne suffit pas à justifier l’ab- sence de formation. Comme tout métier de la rela- tion humaine, le métier d’enseignant ne peut se construire que dans l’analyse de sa propre pratique. S’il y avait une proposition à retenir de cet article, ce serait de reconstruire la formation des enseignants. La masterisation a eu pour effet pervers de donner la primauté à une formation universitaire basée sur la maîtrise des savoirs savants, au détriment d’une véritable formation pédagogique - portant sur les différentes dimensions, évoquées plus haut, de l’ac- te d’apprendre - celle-ci ne pouvant se limiter à la simple observation d’un conseiller pédagogique. Alors qu’on demande aux enseignants d’évoluer, comment peut-on fonder la formation sur une réfé- rence au « compagnonnage », qui fut un modèle de conservation des traditions et des routines ? Mais plus que tout, la formation demande du temps. Or, la situation actuelle, créée essentiellement pour des raisons budgétaires, ne donne aucun répit aux enseignants stagiaires. Comment prendre du recul, comment chercher à innover lorsqu’on est dans l’urgence ? La formation doit permettre aussi aux nouveaux enseignants de se retrouver pour partager et analy- ser leurs pratiques, entre pairs. Car s’il faut réaffir- mer qu’ « enseigner est un métier qui s’apprend », il faut dire aussi qu’il s’apprend collectivement. AGIR ENSEMBLE, DANS ET HORS DE LA CLASSE La dimension collective du métier est en effet, me semble t-il, un autre enjeu majeur de sa définition et de son évolution. Nous sommes encore confrontés à une vision très « libérale » de l’exercice du métier d’enseignant, qui a du mal à se définir autrement que dans l’espace intime de la classe. Or, si l’on veut être efficace, si l’on veut aider les élèves à apprendre et à résoudre les difficultés, si l’on veut aussi donner de la cohérence éducative, il est nécessaire de travailler en équipe. Même si les pratiques évoluent et en particulier dans les établis- sements les plus difficiles, il reste encore un gros travail à faire pour construire des collectifs efficaces et coopératifs. Là aussi, cela passe par la formation initiale et continue. Cela suppose de prendre acte de ce que le métier ne se réduit pas à la seule dimension de la transmis- sion. Les dispositifs d’aide et de soutien aux élèves, les réunions de concertation entre enseignants et avec les autres personnels de l’école, tout cela fait partie intégrante du travail des enseignants au- jourd’hui. On sait que la question du statut des enseignants est un sujet sensible, mais plutôt que de parler de réforme du métier, ne serait-il pas plus pertinent, stratégiquement, de reconnaître que le métier a déjà changé ? Qu’il s’agit plutôt d’intégrer ces missions déjà effectuées aujourd’hui, plutôt que de laisser croire qu’il s’agit encore de charger la barque des enseignants, et des les culpabiliser ? Donner du sens aux apprentissages, lutter contre la difficulté scolaire, suppose aussi un réel partenariat avec les autres acteurs de l’École et en particulier les parents. La relation avec eux a trop longtemps été marquée par une méfiance réciproque. Les disposi- tifs de lutte contre l’échec scolaire et le décrochage, mis en uploads/Management/ apdem-021-0018.pdf

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  • Publié le Dec 18, 2021
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