Jacqueline BARUS-MICHEL Professeur émérite - Université PARIS 7 APPROCHE CLINIQ

Jacqueline BARUS-MICHEL Professeur émérite - Université PARIS 7 APPROCHE CLINIQUE EN SCIENCES SOCIALES, PSYCHOLOGIE SOCIALE ET SOCIOLOGIE CLINIQUES Cette conférence a été presentée lors des journées d’étude de CARS1 les 28 et 29 janvier 1999. Mots clés : clinique - sociologie - généralités - deP sychologie sociale - inition - philosophie. PSYCHOLOGIQUE ET SOCIAL Si la psychologie sociale s’affirme comme une psy- chologie, elle ne peut guère se passer de faire réfé- rence à la psychanalyse, elle ne peut faire l’impasse de la seule véritable conceptualisation du psychisme considéré dans sa dynamique, sa structure et sa com- plexité. Psychologie, elle devra tenir compte de ce que la psychanalyse a découvert qui concerne essen- tiellement I’intrapsychique, soit l’incontournable inconscient, la division du sujet révélé comme un être de manque, désirant, en appétit de jouissance comme en proie à l’angoisse, parlant (demande), refoulant, recourant à des mécanismes de défense plus ou moins douloureux ou acceptables. Reste à savoir ce qu’introduit la dimension sociale et si une approche théorique qui concerne d’abord I’intrapsy- chique suffit à tout en dire. Social, qualificatif ou substantif (le social) ne co’inci- de pas ici avec le sociologique compris comme ce qui relève des sociétés et de la vie en société à un niveau général et dans une perspective objectivante. Par social il faut entendre essentiellement les situa- tions et phénomènes liés à, ou suscités par, des relations (échanges et pratiques) d’individus en nombre, dans l’espace (culturel) et dans le temps (historique), ce qui engage des représentations (ima- ginaire), des investissements (énergies), des disposi- tions (stratégies), leurs évolutions. Ces situations sont plus ou moins structurées, et les phénomènes plus ou moins subjectifs. Ces situations sont mises en tension par : - la pluralité (ce ne sont pas des relations duelles qui ne peuvent être dites sociales, et les relations se constituent en fonction de la diversité des récipro- cités et complémentarités possibles, on passe de la coalescence au combinatoire) - l’unité, tension pour constituer un ensemble identitaire sur des modes rationnels, imaginaires, émotionnels, pulsionnels et pratiques. Selon que ce sont des groupes, des collectifs, des organisations, des sociétés, ou des « institutions », la part de l’un ou de l’autre de ces modes y est plus ou moins forte ou tolérée. On peut distinguer des unités de référence, d’appartenance, et des unités signi- fiantes, celles où le lien est plus tangible, où les membres y satisfont mieux leur demande de recon- naissance, de sens et de coopération (efficience). Ceci permet alors de poser comme problématique spé- cifique du social la question sans cesse résurgente des positions réciproques et des places respectives qui se condense en celle du pouvoir : la gestion des préémi- nences (qui tient le discours?), leur légitimité, les modes d’attribution, la question des limites et de la durée, les formes, les figures d’autorité et de subordi- nation. II s’agit bien là du politique qui est sans doute une dimension du social qu’il faut prendre en compte dans une psychologie qui se dit sociale. LA PSYCHOLOGIE SOCIALE Une psychologie qui se dit sociale suppose donc et se donne pour objet de comprendre la spécificité introduite par le social - présence plurielle - dans la dynamique de l’expérience. Contrairement à ce que dit Freud (1921) psychologie collective et psychologie du moi ne sont pas rigoureusement assimilables, le nombre, la diversité des positions et les enjeux de la coopération et de la praxis, transforment probléma- tique et dynamique psychiques, qui ne sont plus ou pas seulement sexuelles, lisibles et rapportées en termes sexuels (par exemple au nœud œdipien). La dimension politique ne se ramène définitivement ni ne se réduit à la dimension sexuelle. 4 Recherche en soins infirmiers N” 59 Décembre 1999 ENCONTRE APPROCHE CLINIQUE EN SCIENCES SOCIALES, PSYCHOLOGIE SOCIALE ET SOCIOLOGIE CLINIQUES L’interpsychique, s’il est infiltré dans ses moments régressifs (et en est-on jamais indemne?) par I’intrapsy- chique des motions inconscientes, œdipiennes et préœdipiennes, mettant aux prises fantasmatiquement avec les figures paternelles, maternelles, sinon avec les objets partiels, ne s’y réduit pas. La pulsion sociale (J. Barus-Michel, 1991) que l’on pourrait définir comme le transport énergétique et émotionnel (une sorte de corporéité affective) pousse vers les autres avec effet ou recherche de reconnaissance, coopéra- tion, solidarité, complémentarité (parce que les vivants sont confrontés à la réalité-obstacle, que le risque de solitude est synonyme d’incapacité mortelle). Bien entendu la pulsion a son verso : la peur, la rivalité qui entraînent exclusion, agression, destruction. C’est là qu’il faut voir le fondement du lien social et la cause de la déliaison concomitante. À un pôle, la fusion régressive, à l’autre la violence destructrice. Entre les deux toutes les élaborations et les aménagements conflictuels, mouvants, instables, les luttes, les conflits c’est à dire les formes d’organisa- tion des échanges et des pratiques plus ou moins stables, plus ou moins rigides, dont le pouvoir est à la fois la clef et l’issue dans ses enjeux et dans ses figures. Ceci pose aussi la question de la loi, clef de voûte du social (qu’est-ce qui vient réguler la violence et I’am- bivalente pulsionnelle?) où l’exigence organique du groupe d’une unité cohésive vient remplacer le père, et où l’interdit anthropophagique (ne pas tuer son sem- blable) relaye l’interdit de l’inceste qui prévaut dans l’institution du sujet sexué, pour instituer le sujet social. Là encore la problématique de la psychologie sociale se pose en termes de semblables, débat des modes de réciprocité et non de dépendance filiale, entre membres-pairs et non de fils à pères, elle n’en est pas moins douloureuse. LE SUJET SOCIAL La psychologie sociale peut se définir comme l’étude et l’analyse des processus psychiques et sociaux, sub- jectifs et collectifs par lesquels le sujet en situation sociale donne sens à son expérience. Cette psycholo- gie sociale tente d’analyser à partir du jeu de la pulsion sociale (dans son ambivalence) l’expérience du sujet social. Si le sujet, certes divisé, être de désir, être de langage, dans une tension continuelle pour s’énoncer (dire je), se construire significativement, est celui que nous a révélé la psychanalyse, on peut le penser aussi comme l’objet privilégié de la psychologie clinique. Et l’objet de la psychologie sociale clinique est le sujet social. Le sujet social est individuel ou collectif (il pré- tend au « je » ou au « nous D), considéré isolément (individu) ou dans un lien solidaire (groupe, unité col- lective), énonciateur d’un projet parmi et avec les autres - projet identitaire, (expression, réalisation, reconnaissance) et projet de transformation de la réali- té (coopération, production, profit). Ce à quoi tend le sujet social : sens (soi), reconnaissance (les autres), effi- cience (la chose), jouissance. Engagé dans les relations plurielles, tâchant d’y prendre parole, pouvoir et plai- sir, il y achoppe aussi constamment, c’est pourquoi on peut parler là aussi de souffrance (souffrance au travail, souffrance sociale comme l’exclusion). Sujet en ten- sion, en risque d’une autre forme d’aliénation que celle de la folie : l’asservissement, le sujet social est aussi en demande de sens. Ce qui nous introduit à la dimension clinique. SOCIOLOGIE CLINIQUE Auparavant, quelle distinction faire entre la sociologie clinique et la psychologie sociale clinique? La sociologie clinique s’est distinguée des courants classiques de la sociologie (récemment, sous I’influen- ce d’Eugène Enriquez, Vincent de Gaulejac, en France) en prétendant appréhender les dynamiques sociales (micro ou macro) à partir d’une sociologie compréhen- sive (Weber) retenant la complexité du fait social et sur- tout son épaisseur humaine, la participation active des sujets (à la fois produits et producteurs) qui pétrit le fait social selon, aussi, les processus inconscients pour les- quels la référence à la psychanalyse est indispensable. S’il y a de la différence c’est dans la préoccupation cen- trale du sujet (à ce propos, qu’il parle n’est pas une malédiction, comme l’avait avancé Bourdieu, mais sa spécificité : il parle aux autres et il parle pour transfor- mer, échanger, changer, et c’est à travers le langage que se dévoile le sens et le non sens de son expérience, celui dans lequel il est pris comme celui qu’il produit). Pour la sociologie clinique ce sont les mécanismes sociaux qui sont appréhendés à travers la traduction qui peut en être faite en termes subjectifs et en référence à la psychanalyse. La psychologie sociale vise à l’inverse le sujet et ses modes d’appréhension du social. La définition du social donnée plus haut ne recoupe pas exactement celle de la sociologie. Le social est plus constitué des relations alors que le sociologique concerne les phénomènes plus globaux. 5 Recherche en soins infirmiers N” 59 Décembre 1999 Les sociologues sont partis d’une insatisfaction des approches objectivantes des faits sociaux pour vouloir comprendre ceux-ci à partir de l’expérience des acteurs, ils ont alors recours eux aussi au recueil du discours et aux références psychanalytiques. Autre différence : la psychologie sociale ne s’intéresse aux faits sociaux et à leurs mécanismes que selon les modes par lesquels ils sont appréhendés ou suscités par les sujets sociaux. QUAND ON DIT CLINIQUE Alors parler de clinique à propos des sciences sociales, psychologie sociale ou sociologie uploads/Management/ approche-clinique-en-sciences-sociales-barrus-michel.pdf

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  • Publié le Fev 11, 2021
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