Les Cahiers de l’ASDIFLE, n° 2 « Les auto-apprentissages » (Rencontres de septe
Les Cahiers de l’ASDIFLE, n° 2 « Les auto-apprentissages » (Rencontres de septembre 1990) Le n° 2 des Cahiers de l'ASDIFLE a publié cet article sur l’autonomie qui est de nature à nous faire réfléchir aujourd’hui encore. Il s’agit d’un texte qui fut originellement une conférence donnée lors des Rencontres de septembre 1990. Près de vingt ans après, la lecture de ce texte peut nous éclairer sur les enjeux de l’autonomie, liés aux représentations des apprenants et aux tâches qui en découlent pour l’enseignant, le concepteur de matériel et aussi, aujourd’hui, le responsable de centre de ressources multimédia et le conseiller à l’apprentissage. Cet article intéressera aussi les étudiants et les jeunes entrant dans la ou plutôt les carrières du FLE/S, par exemple avec le paradoxe mis en lumière par l’auteur, du matériel adapté… qui, justement pour cela, n’est plus adaptable, ou avec d’autres considérations du même ordre. AUTONOMIE ET APPRENTISSAGE AUTODIRIGÉ Quelques sujets de réflexion HENRI HOLEC Je voudrais, dans cet exposé, aborder le problème de l’autonomie sous trois angles différents : D’abord, je rappellerai rapidement quel est l’enjeu véritable de la démarche. Ensuite, je voudrais attirer votre attention sur un aspect très spécifique de la formation des apprenants à l’autonomie, celui de leurs représentations. Enfin, j’essayerai de montrer que, dans une démarche qui se donne pour but de développer la responsabilité des apprenants, la notion de matériel didactique adapté est à reconsidérer. Les enjeux de l’autonomie Comme cela a été rappelé par Jean-Louis Malandain, le terme d’autonomie peut à la fois faire penser à une modalité d’apprentissage ou à un objectif d’apprentissage. Pour de nombreuses raisons, bien connues maintenant, mieux vaut considérer que notre préoccupation pédagogique doit être de donner aux apprenants les moyens de leur autonomie, et non pas de leur donner l’autonomie. Penser en termes de donner l’autonomie risquerait, en fait, d’entraîner vers toutes les dérives du type « débrouillez-vous », « apprenez à nager dans la partie profonde de piscine », etc. Ce dont il est question, donc, c’est de donner aux apprenants les moyens de leur autonomie. Prenons, à titre d’exemple concret, la situation particulière d’apprentissage que représente le travail personnel. Le travail personnel que les enseignants demandent à leurs apprenants de faire est : - soit un simple travail de reprise de ce qui a pu être fait en cours (simple travail ne signifie pas travail inutile) : ce sont les traditionnels devoirs à la maison du système scolaire ; - soit un véritable travail complémentaire personnalisé : c’est ce qui est souvent conseillé aux adultes. Mais que l’on dise « Faites les exercices 3 et 4 page 25 pour demain », ou que l’on dise « Il est important de travailler entre les cours », je ne crois pas que, finalement, l’on soit de bon conseil pour les apprenants. En effet, la condition fondamentale pour qu’un travail personnel porte ses fruits, c’est, bien entendu, que celui qui va le faire sache le faire. Sommes-nous sûrs que nos apprenants sont dans ce cas ? La première chose que nous ayons à faire, par conséquent, c’est d’aider les apprenants à travailler seuls, c’est-à-dire les aider à répondre à des questions telles que : « Sur quoi vais-je travailler ? Qu’est-ce que j’ai besoin d’apprendre, moi personnellement, en dehors des cours ? Comment vais-je m’y prendre ? De quels matériels puis-je me servir ? Ce que j’ai fait est-il suffisant ? Cela correspondait-il à ce que je devais faire ? », etc. Lorsqu’on demande aux apprenants de faire du travail personnel, si l’on ne prend pas la précaution de leur donner les moyens de le réaliser de manière raisonnée, on leur demande en fait de se débrouiller, on les jette dans la partie profonde de la piscine. Certes, certains surnagent et apprennent. Mais ceux qui ne savent pas apprendre ? Pour eux, cet investissement a très peu de chances de porter ses fruits. Ceci aura pour conséquence que, très rapidement, ils ne vont plus faire de travail personnel, et l’on aura détruit ce qui est pour eux un outil d’apprentissage important, simplement parce que l’on n’aura pas pris la précaution de leur donner les moyens de maîtriser cet outil. Pour conclure sur ce premier point destiné simplement à préciser ce qui est vraiment en jeu pédagogiquement, je voudrais également rappeler que ce que l’apprenant fait ou fera des moyens ainsi mis à sa disposition lorsqu’il se définira des modalités d’apprentissage est entièrement de son ressort, de son domaine de décision. Nous n’avons pas, en particulier, à lui imposer d’utiliser les capacités que nous l’aurons aidé à acquérir. La formation de l’apprenant Si l’apprenant doit acquérir les moyens de son autonomie, cela suppose une formation appropriée. Laquelle ? D’une manière générale, il y a trois grands domaines dans lesquels l’apprenant a besoin de se former. Le premier domaine de la formation, celui qui vient le plus immédiatement à l’esprit, est le domaine proprement méthodologique. L’apprenant doit vraisemblablement apprendre (ou compléter son apprentissage) à se définir un objectif, en apprenant, par exemple, à analyser les situations dans lesquelles il aura envie de fonctionner en langue étrangère et à se servir de cette analyse pour déterminer ce qu’il doit apprendre ; apprendre également à sélectionner des supports et à déterminer les techniques d’utilisation de ces supports, secteur dans lequel sa responsabilité est grande, dans la mesure où supports et techniques sont en liaison étroite avec le genre d’apprenant qu’il est, ce qu’il sait bien faire, ce qu’il aime faire, ce qui est utile et efficace pour lui, etc. Il lui faut également apprendre à déterminer les modalités selon lesquelles il va réaliser l’apprentissage, faire le programme qu’il s’est défini. Ceci commence par des choses toutes simples comme savoir que l’on apprend mieux à certains moments qu’à d’autres, dans certaines situations plutôt que dans d’autres, ce qui implique un minimum d’auto-observation pour se rendre compte comment se place son efficacité personnelle dans le temps et dans l’espace. Il lui faut apprendre, enfin, à évaluer ses résultats. Ceci implique l’acquisition de techniques d’évaluation mais aussi d’informations situées en amont de ces techniques : qu’est-ce que l’évaluation, qu’est-ce qu’une évaluation interne ? Le second domaine, c’est le domaine linguistique, ou, plus largement, langagier. Il est nécessaire, en effet, non pas que l’apprenant devienne un linguiste de haute volée, mais qu’il développe et modifie éventuellement sa conscience langagière. Dans le secteur de ses représentations de ce qu’est une langue, par exemple, il lui faudra enrichir ou modifier ce qu’il pense qu’est le lexique (sac de mots ?), qu’est le rôle de la grammaire (règles de construction de phrases, simplement ?), qu’est la différence entre langue orale et langue écrite, etc. De la même manière, dans le secteur de la dimension pragmatique du fonctionnement du langage, il a vraisemblablement à prendre conscience du fait que le fonctionnement langagier a une dimension culturelle (mais sur quoi porte-t-elle, comment intervient-elle dans le parler, l’écrire, l’écouter, le lire ?), que parler, ce n’est pas faire des phrases, qu’il n’y a pas qu’une seule façon de lire un document et que comprendre ce n’est pas s’imbiber de l’information contenue dans le texte. L’apprenant a, sur ces sujets, un certain nombre de représentations, d’idées reçues, qu’il lui faudra réexaminer à la lumière de ce que l’on sait actuellement. Enfin, dans le secteur plus psycholinguistique du fonctionnement langagier, il lui faudra certainement revoir ce que c’est que le processus de compréhension, d’expression : la compréhension orale, par exemple, suppose-t-elle vraiment une discrimination parfaite du texte écouté ? Le troisième domaine de formation est celui de la culture d’apprentissage de l’apprenant. Pour être en mesure de se donner les moyens de son autonomie, l’apprenant doit analyser les représentations qui constituent sa culture d’apprentissage, représentations construites au fil de ses expériences passées d’apprentissage. Sont concernées ici toutes les représentations sur l’acquisition, par exemple : qu’est-ce pour lui qu’acquérir ? Est-ce simplement apprendre par cœur, retenir des mots et des règles ? Est-ce remonter des mécanismes, des réflexes ? etc. Mais aussi qu’est-ce qu’apprendre (est-ce se faire enseigner ?) et qu’est-ce qu’enseigner (est-ce faire apprendre ?) ; qu’est-ce qu’évaluer et qui peut évaluer ? C’est en fait toute la situation d’apprenant qui est à réexaminer. Ce troisième domaine est beaucoup plus délicat que les deux précédents : la culture d’apprentissage, acquise intuitivement, inconsciemment, reste inexplicitée pour l’apprenant et donc beaucoup plus difficile à réexaminer. Mais c’est un domaine crucial, pré-requis d’une certaine manière, dans la mesure où certaines de ces représentations peuvent empêcher l’apprenant de s’autonomiser. Trois exemples permettent d’illustrer ce point. Exemple 1 : les apprenant pensent souvent que la définition des objectifs est en dehors de leurs compétences : « Je ne pourrais dire ce qu’il faut que j’apprenne que si je savais déjà la langue ». S’ils ont ce type de représentation, qui va nécessairement fonctionner comme un frein sinon comme un blocage à l’acquisition, comment pourraient-ils apprendre à se définir un objectif ? Or ce type de représentation repose sur le fait qu’ils confondent compétence langagière et code uploads/Management/ asdifle-cahier2-holec.pdf
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- Publié le Sep 10, 2022
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