Lire l’espace public pour mieux l’écrire 2 Études de communication, 31 | 2008 H
Lire l’espace public pour mieux l’écrire 2 Études de communication, 31 | 2008 Hafida Boulekbache-Mazouz Lire l’espace public pour mieux l’écrire Pagination de l'édition papier : p. 93-110 C’est le lecteur qui apporte le sens à la lisibilité, à la possibilité de lisibilité [...]. Je tiens toujours à ce rôle créateur dans la lisibilité : il vient de celui qui regarde, plus que de l’objet regardé 1. RONCAYOLO M., entretien avec SANSON P. Introduction 1 L’espace public est une notion très utilisée en sciences humaines et sociales. Défini en premier lieu par Kant, le concept connaît un grand engouement depuis les années 1960 et la parution de la thèse de J. Habermas. 2 Dans la théorie urbaine, la notion d’« espace public » et son usage sont problématiques. Ceci implique un préalable nécessaire dans la première partie de cet article. Avant même de parler d’« espace public » : se familiariser avec l’évolution du terme « espace » dans le discours sur l’urbanisme. 3 Par ailleurs, l’espace public constitue un puissant symptôme de la médiatisation d’une culture et d’une société (étudié, jusqu’à maintenant, par les différentes disciplines, d’une façon spécialisée) : des phénomènes de communication, en tant qu’interactions, ont lieu dans la ville entre les individus et les espaces publics, et leur compréhension se révèle importante pour garantir la qualité de toute intervention. 4 Il est donc nécessaire de s’attacher d’abord à l’aspect visible et objectivable de l’espace public, puis à la perception subjective et sensible que nous en avons. C’est en fait, tenter d’analyser comment les objets de l’espace public se transforment en images, en sensations, en rêves, en émotions. Ces approches qui guident l’analyse permettent la prise en compte de l’évolution des modalités de lecture de l’espace public et contribuent ainsi à dégager des indicateurs utiles aux professionnels en matière de politiques urbaines. Lectures de l’espace public 5 Dans le langage architectural, les espaces publics sont les signifiés créés par le bâti. La représentation des espaces publics est celle de leur signifiant et la morphologie des espaces, appréhendée par les sens, découle très directement de celle du bâti dont les caractéristiques sont plus objectives. Les relations entre l’espace public et le reste de la ville doivent alors être organisées par une composition. Celle-ci définit comment les figures urbaines doivent s’enchaîner et se succéder pour former l’espace urbain dit « espace public ». Car, comme l’écrit Boudon « l’architecture harmonise de multiples espaces » 2, ou elle est « espaces divers de vision » 3. L’architecture est donc un « art de l’espace », et l’une des principales tâches de l’architecte réside dans la définition et l’agencement (selon des critères non seulement physiques mais aussi fonctionnels, symboliques, esthétiques...) d’un ensemble « d’objets spatiaux » : des éléments matériels (qui génèrent la forme) et immatériels (qui génèrent des espaces de vie et renferment un message). L’espace public est de ce fait interprétation, signification et expression d’une intentionnalité ; c’est-à-dire espace de représentations mentales. Lecture de l’architecte 6 Les méthodologies d’analyse utilisées par les architectes (morphologique, historique, fonctionnelle) s’intéressent à étudier la forme, la structure, les fonctions de l’espace public. Lire l’espace public pour mieux l’écrire 3 Études de communication, 31 | 2008 Or, « on ne peut pas prétendre que la ville ait échappé aux recherches des historiens, des économistes, des démographes, des sociologues. Chacune de ces spécialités apporte sa contribution à une science de la ville » 4. 7 Toutes ces sciences parcellaires, auxquelles la science de la ville (l’urbanisme) emprunte les méthodes de lecture, fragmentent l’espace public pour l’analyser, chacune ayant son secteur ou son domaine. En effet, l’espace public a été, jusqu’à aujourd’hui, objet d’étude de plusieurs disciplines, qui l’ont lu et vécu d’une façon parcellaire et fragmentée. L’urbanisme a essayé de recomposer toutes ces disciplines différentes, en proposant des méthodes de lecture désormais devenues classiques pour les étudiants d’architecture et pour tous ceux qui s’apprêtent à intervenir sur la ville. 8 En général, tout niveau de lecture se concrétise par des investigations iconographiques liées à une analyse in situ. Le plan de la ville ou d’une de ses parties, les façades des bâtiments, les coupes, les volumétries (axonométries et maquettes en trois dimensions)..., tous ces éléments sont représentés, à l’échelle désirée, par des techniques différenciées (hachures, pointillé...) pour mettre en évidence tel ou tel espace public. 9 Cette analyse s’effectue fréquemment en l’absence d’une démarche à caractère scientifique, c’est-à-dire que l’espace public est souvent abordé par parties (échelle d’étude, zones privilégiées), ou à partir de ses composants (le bâti, le parcellaire...), ou bien à l’éclairage d’un thème ou d’une période historique particulière. Ces niveaux se déclinent en trois niveaux d’analyse : morphologique, fonctionnelle, historique (cf. Figure 1). 10 Par ailleurs, les outils de lecture de l’espace public ne sont pas à inventer ; ils existent pour l’essentiel. Il s’agit à la fois : • des éléments urbains mêmes qui constituent les matériaux de l’observation ; • des données et études statistiques ; • des fonds documentaires. Ces fonds anciens sont d’une très grande diversité, liée aux époques de production des documents et à l’évolution dans la perception et la représentation de l’espace public. La documentation historique relève, à son tour, de trois catégories : o les documents figurés (cartes, plans, maquettes, cartes postales, gravures...) ; o les documents manuscrits (dépôts d’archives...) ; o la bibliographie (études historiques, dictionnaires des communes...). 11 Or, dans notre étude, les méthodes classiques de lecture urbaine deviennent elles-mêmes des outils d’analyse, dans le sens où elles sont utilisées non pas comme une finalité en soi (connaître les formes, la structure, les fonctions de la ville...), mais comme dispositifs pour dégager les éléments qui déterminent la lisibilité de l’espace public. Lecture de l’usager 12 Il existe un autre niveau de la réalité de l’espace public qui ne transparaît pas par définition et qui n’est donc pas lisible par les analyses classiques. Dans le passé, il a été l’objet de lectures essentiellement philosophiques : celles-ci se sont intéressées à l’essence de l’espace public, ou à l’espace public comme esprit, comme être ou « tout organique », c’est-à-dire tantôt comme sujet, tantôt comme système abstrait. L’intégration des différents points de vue sur l’espace public s’accomplit par la participation des habitants, par l’usage des lieux et par les sens dont ceux-ci sont pourvus. 13 Par ailleurs, la lecture de l’espace public d’aujourd’hui n’est plus immédiate à cause de ses discontinuités et superpositions spatiales – manque d’une claire hiérarchisation des espaces – et temporelles – superpositions de différentes époques de l’histoire de la ville, mais aussi à cause des différentes interprétations des usagers. De là l’importance de trouver une manière nouvelle de lire l’espace public et d’en donner des clefs de lecture à la fois aux usagers (habitants et visiteurs) et aux intervenants (architectes, urbanistes, élus...). Cela signifie : Lire l’espace public pour mieux l’écrire 4 Études de communication, 31 | 2008 • d’un côté orienter le regard des observateurs en leur facilitant la (re)découverte de l’identité de l’espace public et en leur permettant de se (re)positionner par rapport à celui-ci et à eux-mêmes ; • de l’autre côté donner aux intervenants les moyens et outils pour pouvoir établir des hiérarchies et des priorités d’intervention, une sorte de cahier des charges de définition des problèmes qui affectent l’espace public. 14 Pendant leur formation, les futurs architectes étudient essentiellement la méthodologie proposée dans l’ouvrage de Lynch 5. Mais celle-ci se limitait volontairement « aux effets des objets physiquement perceptibles » 6, à l’exclusion des « facteurs de l’imagibilité comme la signification sociale d’un quartier, ses fonctions, son histoire et même son nom » 7. Pourtant, ce sont des facteurs intéressants ; l’imaginaire pour n’être pas un objet physique, n’en est pas moins un principe actif de la réalité. De ce fait, il faut prendre en considération tous les paramètres influents. Il ne s’agit pas pour autant d’opposer le réel à l’imaginaire, mais plutôt une réalité objective, et une réalité subjective. Pour s’en faire une idée juste, il faut embrasser l’espace public et son image, l’espace public et son double 8, l’objet et son ombre. 15 Le va-et-vient permanent effectué dans les deux réalités constituant l’espace public avec ses deux composants : cotexte (composants internes de l’espace public) et contexte (composants externes de l’espace public). Cela nécessite une méthodologie qui croise les résultats d’analyses et les interprète sans négliger aucun paramètre. Car cotexte et contexte se conditionnent mutuellement. Au lieu de considérer séparément l’un et l’autre, nous considérons le couple cotexte/contexte et ses manifestations provoquées par qui, pour quoi. Ce sont là les questions auxquelles il faut essayer de répondre par le biais de l’analyse sémantique. Analyse sémantique 16 La lecture sémantique est une démarche nécessaire car ...pour analyser un message, il faut commencer par se placer délibérément du côté [...] de la réception (donc du côté de l’observateur) ; analyser un message ne consiste certainement pas à essayer de retrouver au plus près un message préexistant, mais à comprendre ce que ce message- là, dans ces circonstances-là, uploads/Management/ boulekbache-mazouz-2008-lire-l-espace-public-pour-mieux-l-ecrire-ok.pdf
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- Publié le Mar 28, 2022
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