1 QUELLES RECHERCHES EN STRATEGIE POUR LES CADRES ET DIRIGEANTS D’ENTREPRISE ?

1 QUELLES RECHERCHES EN STRATEGIE POUR LES CADRES ET DIRIGEANTS D’ENTREPRISE ? BRECHET J. Pierre professeur agrégé des universités, directeur de l’IAE de Nantes SCHIEB-BIENFAIT Nathalie maître de conférences URBAIN Caroline professeur agrégé d’économie et de gestion IAE - Université de NANTES Rue de la Sensive du Tertre BP 62232 44322 Nantes Cedex 3 tel. : 02 40 14 12 20 fax : 02 40 74 61 83 e-mail : Brechet.@iae.univ-nantes.fr ,Schieb-bienfait@iae.univ-nantes.fr, Urbain@iae.univ-nantes.fr Introduction Les gestionnaires s’interrogent, à juste titre d’ailleurs, sur l’utilité pratique de leurs travaux de recherche. Cette utilité fonderait même la spécificité des sciences de gestion dans l’univers des disciplines qui s’intéressent à l’entreprise en tant qu’objet d’étude1. Il faut, toutefois, rappeler que certains courants dans le champ de la sociologie des organisations (notamment les travaux du Centre de Sociologie des Organisations) nourrissent des finalités parfois comparables. C’est cette utilité pratique que nous voudrions interroger, pour ce qui concerne le management stratégique, en ayant comme objectif d’identifier les attentes des professionnels à l’égard de cette discipline, si attente il y a et si nous sommes en mesure de faire le lien entre des attentes et des voies de recherche. Cette interrogation sur l’existence même d’attentes et sur la capacité que nous aurions d’établir la correspondance souhaitée entre deux univers, ne constitue nullement une interrogation de principe. Elle est au coeur d’un sujet qui finalement réserve de nombreuses difficultés : • Comment faire ressortir des attentes en management stratégique sans induire immédiatement chez l’interlocuteur des thèmes et définir a priori ce qu’il faut entendre par management stratégique ? Le risque est ici de participer largement à la construction des 1 La réponse à une demande sociale exprimée pourrait même être considérée comme un critère incontournable de légitimité (cf. MARCHESNAY (1991), BRECHET (1996)). 2 attentes suivant nos propres grilles de lecture du champ. Ne pas préciser du tout ce que l’on peut entendre de façon large par management stratégique risque d’évincer des aspects importants pour les praticiens s’il se trouve qu’ils ne les rangent pas sous la bannière stratégique a priori, sans qu’il faille voir dans leur acception restreinte du champ une position affirmée. • Les attentes des professionnels s’expriment-elles dans le champ du management stratégique ? En d’autres termes, repère-t-on des attentes appartenant à la discipline, d’une certaine autonomie disciplinaire ? Ou bien au contraire, les attentes chevauchent-elles des champs disciplinaires qui ne prennent donc leur autonomie qu’au travers d’un recul théorique qui fonde cette dernière ? • L’expression des attentes, reflet des préoccupations du moment dans bien des cas, au moins au début des entretiens, permet-elle de faire le lien avec les recherches ? Sur cette capacité de transcription deux écueils se font jour : - Les attentes des acteurs expriment-elles de façon pertinente les problèmes qu’ils rencontrent ou bien au contraire ne risque-t-on pas dans certains cas, de se trouver face à des problèmes mal posés, et face donc à des attentes d’une moindre pertinence ? - Les attentes exprimées par les praticiens ne permettent pas de faire automatiquement le lien avec des thématiques de recherche. D’une part, plusieurs orientations de recherche peuvent prétendre apporter des réponses aux problèmes posés, auquel cas le risque est grand de légitimer toutes les recherches en management stratégique dès lors que les thèmes sont classiques. D’autre part, la possibilité d’un détour théorique important, d’une recherche fondamentale porteuse à terme de nouvelles façons de poser les problèmes par exemple, exclut que la légitimation de certaines recherches puisse trouver son origine directement dans l’expression des attentes des entreprises. • L’expression des attentes est-elle essentiellement contingente aux positions et aux dispositions des personnes et des entreprises ? Cette question aux multiples facettes paraît inévitable dès l’abord. Le risque nous semble a priori grand de tout légitimer si l’on tient compte de toutes ses remarques. L’objectif de ce modeste travail d’interrogation sur la recherche et sa légitimité 3 « externe » est bien sûr de tenter d’introduire de la lucidité, sans malheureusement sans doute éviter tous les pièges que suggéraient les remarques. Il ne s’agit pas non plus de nourrir une réflexion épistémologique approfondie. Certaines conclusions se sont imposées ; elles ne nous étaient pas inconnues, mais leur mise en exergue invite malgré tout à s’interroger. On peut considérer que la réflexion que ce papier de recherche propose est sous-tendue par les hypothèses larges suivantes : H1 : la perception du champ du management stratégique est conforme aux acceptions qu’en retiennent les chercheurs. H2 : les thèmes qui intéressent les praticiens correspondent à ceux traités en recherche. H3 : la dispersion des attentes est forte aux regard des profils des entreprises et des conditions concurrentielles. H4 : la dispersion des attentes est forte au regard des profils des personnes et de leur place dans l’entreprise et dans le processus de formation de la stratégie. Les réflexions préalables et la démarche d’investigation Les réflexions préalables qui ont animé nos premiers débats avaient naturellement trait aux modalités pratiques par lesquelles nous amènerions nos interlocuteurs à parler de leurs préoccupations dites stratégiques, sans qu’ils nous parlent de toute autre chose, et sans pour autant circonscrire abusivement le champ des réponses possibles. Puisqu’en effet, il s’agit de repérer ce que les cadres et dirigeants placent sous la bannière stratégique afin ensuite d’identifier leurs attentes en matière de réflexion et de recherche. Si l’on poursuit sur ces réflexions préalables, elles s’articulent autour de deux interrogations sous-jacentes complémentaires : celle portant sur la délimitation du champ du management stratégique de façon générale ; celle devant conduire au regard des réponses apportées à envisager la démarche d’investigation. Notre position sur ces deux points nous a conduit à ne pas circonscrire notre investigation et à adopter une démarche la plus ouverte possible au départ des entretiens pour ensuite resserrer progressivement le propos. 4 Le problème de la délimitation du champ du management stratégique Quelle délimitation retenir du champ stratégique ? On pourrait reprendre les débats déjà anciens sur la base des classifications des catégories de décision (ANSOFF 68, MUSSCHE 74). On retrouverait alors des éléments connus de réflexion, sans pour autant qu’ils soient dépassés voire inutiles au regard des perceptions actuelles des cadres et dirigeants interrogés. Les acceptions qui sont les nôtres au sein de la communauté scientifique ne sont pas encore complètement partagées dans le monde des entreprises ; notre travail prouve au moins cela. La délimitation du domaine (MATHE 95; LAURIOL 96; CASTAGNOS, BOISSIN, GUIEU 96) pose problème ; ce point sera discuté. Notre souci étant a priori de ne pas restreindre le champ, nous retiendrons, à l’instar de nombreux auteurs, que le management stratégique se préoccupe de concevoir, préparer et conduire l’action collective (POIRIER 87, MARTINET 90, BRECHET 96), donc de l’interne et de l’externe, des aspects de positionnement, de processus de formation de la stratégie et de mise en oeuvre. Non pas que cette acception ne soit pas discutable si l’on considère que nombre de professionnels perçoivent a priori le champ du management stratégique ou de la stratégie2 comme préoccupé principalement du long terme et de l’externe (cf. les perceptions premières des problèmes de management stratégique et les définitions proposées en annexe 2)) ; les aspects de processus étant plutôt considérés comme relevant du management en général (aspects organisationnels et de mobilisation des personnes). 2 Il faut observer que la distinction entre le management stratégique (en tant que pratique) et la stratégie (en tant que choix ou règles de choix) n’est pas percue immédiatement. 5 Une exploration en plusieurs étapes La méthodologie d’investigation repose sur un entretien sur la base d’un questionnaire (cf. annexe 3) visant premièrement à saisir les perceptions premières de l’interlocuteur puis progressivement à préciser le champ puis les thèmes. Si l’on peut envisager à terme d’administrer les questionnaires sur un échantillon suffisamment important pour des traitements statistiques plus ambitieux, nous nous sommes limités ici, dans cette première étape exploratoire, à l’exploitation de 7 entretiens de façon approfondie, et à des traitements simples sur 31 questionnaires (les 7 précédents, 5 autres entretiens et 19 questionnaires administrés à des cadres intégrant des cycles de formation permanente de 3ème cycle). Les entretiens directs approfondis ont été réalisés sur le lieu de travail et la durée moyenne d’un entretien a été environ de deux heures. La nature progressive du questionnaire et de l’entretien Nous avons essayé d’être très vigilants au point de vue de la progression du questionnaire, dans l’élaboration du questionnaire lui-même et lors de l’administration. Il est en effet primordial de ne pas suggérer dès le départ des attentes au travers de l’énoncé de thèmes ou d’une définition du management stratégique. • Les premières questions permettent d’identifier l’entreprise et ses pratiques de management stratégique au travers de questions portant sur l’existence d’un processus de formation de la stratégie et d’une cellule de réflexion et d’animation (questions 1 à 6) (sans pour autant les questionner sur les outils et les modèles employés par cette cellule). • La première étape visant à cerner les attentes correspond à une démarche très ouverte, la question suggérant simplement que l’on s’intéresse uploads/Management/ breche-te.pdf

  • 50
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Mai 13, 2021
  • Catégorie Management
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1028MB