BULLETIN DE L’ISPAN • No 22 • 1er mars 2011 • 1 BULLETIN DE L’ISPAN numéro 22,

BULLETIN DE L’ISPAN • No 22 • 1er mars 2011 • 1 BULLETIN DE L’ISPAN numéro 22, 1er mars 2011 BULLETIN DE L’ISPAN est une publication mensuelle de l’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National destinée à vulgariser la connaissance des biens immobiliers à valeur culturelle et historique de la République d’Haïti, à promouvoir leur protection et leur mise en valeur. Communiquez votre adresse électronique à ispan.bulletin@gmail.com pour recevoir régulièrement le BULLETIN DE L’ISPAN. Vos critiques et suggestions seront grandement appréciées. Merci. La Crête-à-Pierrot, site de hauts faits d’armes BULLETIN DE L’ISPAN, No 22, 12 pages Rien n’indique, à première vue, que cette simple muraille à embrasures posée au-dessus d’un mon- ticule surplombant la plaine de l’Artibonite fut témoin d’un fait d’armes exceptionnel durant la guerre de l’Indépendance d’Haïti. Formé d’un pa- rapet épais de 90 cm, en moyenne, 370 cm sur sa plus haute élévation, le fort de la Crête-à-Pierrot, trace sur le sol un quadrilatère irréguliers pourvu de quatre bastions d’angles destinés à «battre ses flancs». Bien avant la guerre, cette position stratégique avait été remarquée. Elle fut mis en valeur par des aménagements militaires exécutés par Laplaine Sterling et Guy L’Ainé, «hommes de couleurs» à la suite de conflits internes entre les Affranchis de l’Artibonite et des saliniers des Gonaïves. Ils don- nèrent tout naturellement à leur ouvrage fortifié le nom de la Crête-à-Pierrot, celui de la colline. Cependant, plusieurs historiens s’accordent à pen- ser que le fort de la Crête-à-Pierrot serait l’œuvre des Anglais qui occupèrent la colonie de Saint- Domingue de 1794 à 1798. En effet, sa position, à portée de tirs de bouches à feu du bourg de la Petite-Rivière, le place d’emblée dans la typo- Sommaire • La Crête-à-Pierrot, site de hauts faits d’armes • Sauvetage d’œuvres d’art • Chroniques des monuments et sites historiques d’Haïti • Le bastion sud-ouest du fort de la Crête-à-Pierrot • Louis-Daure Lamartinière Photo : ISPAN • 2010 logie des constructions militaires adoptées par les Britanniques : des «fortifications d’occupation» construite pour contrôler des villes desquelles, à tout moment, pouvait partir une révolte. Le fort La Loy et le fort Diamant de Saint-Marc ou le fort National à Port-au-Prince illustrent ce type de for- tification, qui correspond, en ce point, à la défini- tion classique du terme de «citadelle». La topographie singulière de la colline de la Crête- à-Pierrot, permettant de découvrir à quelque 24 m de surélévation une vue imprenable sur la vallée et le fleuve de l’Artibonite coulant à ses pieds et l’accès vers l’Est aux gorges des Cahos et à la ré- gion frontalière du Mirebalais, font d’elle une vigie unique. L’expédition Au début du mois de février 1802, la flotte de l’ex- pédition française, commandée par le Capitaine- Photo : ISPAN • 2010  • BULLETIN DE L’ISPAN • No 22 • 1er mars 2011 BULLETIN DE L’ISPAN • No 22 • 1er mars 2011 • 3 général Victor-Emmanuel Leclerc, débarque dans la colonie de Saint-Domingue avec pour mission de rétablir l’esclavage et de faire revenir la colonie, émancipée de sa métropole par la Constitution autonomiste de Toussaint-Louverture (1801), sous le contrôle de la France. Forte de 12.000 hom- mes de troupes, le corps expéditionnaire malgré quelques résistances de l’Armée coloniale, ren- contrée notamment à Fort-Liberté et surtout au Cap-Français, parvient à contrôler toutes les villes côtières qui tombèrent les unes après les autres, à l’exception de Saint-Marc encore sous le contrôle de Jean-Jacques Dessalines. Les lieutenants de Toussaint se soumettent et passent au corps ex- péditionnaire. Ceux qui ne se sont pas rendues se replient autour de leur chef dans les montagnes des Cahos, celles des Gonaïves, à la vallée de l’Ar- tibonite et au canton du Mirebalais, ou ils dispo- sent d’importantes réserves d’armes «de guerre et de bouches». Leur espace d’opération couvre environ 2 500 kilomètres carrés. Un vaste périmè- tre borné au nord par les Montagnes Noires, au Sud, la chaine des Matheux et celle du Trou-d‘Eau se rétrécissant vers l’Est au quartier du Mirebalais. Leclerc décide d’en finir avec les troupes de Tous- saint et entreprend une vaste opération militaire visant à prendre en tenaille à partir du Nord et du Sud, les quelques 12 000 mille hommes de troupe de l’armée de Toussaint-Louverture. L’étau Le 17 février 1802, les divisions françaises du Nord débutent les opérations et marchent vers l’Artibo- nite. Leclerc. La division Hardy se dirige vers l’Ar- tibonite par Marmelade puis Ennery. La division Desfourneaux, franchissant le Limbé, rejoint celle de Hardy à Ennery. La division Rochambeau, par- tant de Fort-Liberté, longeant la ligne frontalière à la partie espagnole par le Trou-du-Nord, Valliè- res, Saint-Raphaël et Saint-Michel de l’Attalaye et se dirige vers la Ravines-à-Couleuvres à la basse plaine des Gonaïves, en plein coeur de la région où se sont concentrés environ 10.000 hommes sous le commandement de Toussaint, secondé par Christophe. La division Boudet, basée à Port-au-Prince, au Sud de l’Artibonite, devra les rejoindre plus tard. Après de violents affrontements à la Ravine-à- Couleuvres, les troupes de Toussaint cédèrent non sans résister farouchement face à la rapidité et l’in- trépidité des troupes de Donatien Rochambeau. Mais Toussaint parvient à se replier dans le réduit des Cahos. Le 1er mars, les divisions Rochambeau et Hardy marchent vers les Cahos, par la plaine de l’Arti- bonite et le 4 mars, de retour de Port-de-Paix, la division Debelle, imprudent et sans artillerie, pour- suit les troupes sous les ordres de Jean-Jacques Dessalines qu’elle rencontre en chemin. Celles-ci se réfugient à la Crête-à-Pierrot et organise sa dé- fense. Debelle est contré par une résistance farou- che. Les assaillants essuient de lourdes pertes : 300 hommes restent sur le champ de bataille suite à un engagement au corps à corps. La Crête-à-Pierrot, constituant de fait un poste avancé commandant l’entrée des Cahos, en une position stratégique puissante, est organisé com- de grenadiers de s’élancer vers le Nord frapper les lignes arrières de l’armée française. Leclerc pris au jeu concentra toutes les forces dont il disposait sur la Crête-à-Pierrot, transformée en parfait leurre. Les attaques frontales Convaincu que Toussaint ne pouvait plus lui échapper, Leclerc dévolue sur la Crête-à-Pier- rot un rôle incommensurable. Il décide Photo : ISPAN • 2011 • La rue du Commerce à Jacmel me une base essentielle de résistance. En effet, Toussaint ayant rejoint Des- salines y fait, dans un coup de génie, transporter 15 pièces d’artillerie, des armes et des provi- sions. Il confie à Dessalines la moitié de sa garde d’honneur, commandé par Magny à laquelle s’était joint le chef d’es- cadron Louis-Daure Lamartinière et deux escadrons dirigés par des officiers supérieurs. Pour Toussaint, il fallait persuader coûte que coû- te l’ennemi que toute son armée se trouvaient confiné dans cette zone et que la Crête-à-Pierrot représentait le dernier obstacle à conquérir. Cette diversion lui permit, à la tête de six compagnies Document : ISPAN • 2011 • Vue panoramique de la place d’armes du fort de la Crête-à-Pierrot • Perspective aérienne du fort de la Crête-à-Pierrot (état actuel) Photo : ISPAN • 2011 Photo : ISPAN • 2011 • Le bastion nord-ouest et la coutine nord • Le magasin à poudre 4 • BULLETIN DE L’ISPAN • No 22 • 1er mars 2011 BULLETIN DE L’ISPAN • No 22 • 1er mars 2011 • 5 s’installe sur le pic de la Crête-à-Pierrot dominant à l’Est le fort à une portée de tir de canon. Le 22 mars, les divisions du corps expéditionnaires terminent la mise en place du siège. La Crête-à- Pierrot est verrouillée. Dessalines tente désespé- rément une sortie. Il est repoussé par Hardy qui lui fait perdre une centaine d’hommes. Il abandonne la place et en confie le commandement à Lamar- tinière. Le même jour Rochambeau tente une nouvelle attaque à partir du front est et essuie un nouvel échec pour avoir sous-estimé la configura- tion des fossés profonds entourant la fortification et les dispositifs mis en place par les assiégés : pi- ques affûtées en bois de campêche, haies d’épines, servant de chevaux de frises, etc. Du 22 au 24, de jour comme de nuit, le fort de la Crête-à-Pierrot subit un bombardement in- tense en règle, auquel s’illustra l’adjudant-général Alexandre Pétion, artilleur de son état, rentré à Saint-Domingue avec le corps expéditionnaire de Document : Archives ISPAN • Le flanc du bastion nord-est de la Crête-à-Pierrot LEGENDE 1. Le fort de la Crête-à-Pierrot, 2. La division Boudet, commandée par P. Delacroix 3. La division Hardy 4. La division Bourke 5. La division Rochambeau 6. Le bourg de la Petite-Rivière de l’Artibonite 7. Ancien cours de l’Artibonite 8. Cours actuel de l’Artibonite 9. La colline de la Crête-à-Pierrot 10 Localisation actuelle du bourg de Liancourt late dans ses Mémoires : «Il est évident que nous n’inspirions plus de terreur morale, et c’est le plus grand malheur qui puissent arriver à une armée». Les assauts successifs de la Crête-à-Pierrot avait, à date, déjà couté au Français plus de 1 500 morts, alors que dans le fort ne résistaient que 1 000 à 1 uploads/Management/ bulletin-de-l-x27-ispan-no-22-web.pdf

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  • Publié le Dec 03, 2022
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