1/15 Colloque de l'ASRDLF (Association de science régionale de langue française

1/15 Colloque de l'ASRDLF (Association de science régionale de langue française) 25, 26 et 27 août 2008 - UQAR, Rimouski (Québec, Canada) La langue comme facteur de développement régional Une lecture économico-institutionnlle de la territorialité et du multilinguisme dans l’évolution du secteur financier en Suisse Till J. A. Burckhardt* Résumé La communication veut démontrer l’importance des variables linguistiques et institutionnelles dans la dynamique de la polarisation territoriale du secteur financier suisse. L’étude aborde les principales questions méthodologiques posées par l’introduction de variables linguistiques dans un contexte économico-institutionnel et présente la littérature couvrant ce domaine d’analyse. L’émergence de la place possible a été rendue possible par la coïncidence de plusieurs variables politiques, linguistiques, territoriales et juridiques. Dans les dernières années ce cadre institutionnel a changé radicalement en lançant des nouveaux défis pour garantir la compétitivité de la place financière suisse. La plupart des études et des recommandations se limitent à la discussion du cadre politique et juridique. Cependant, une meilleure compréhension des enjeux liés aux implications linguistiques de la gouvernance d’entreprise et de la gouvernance territoriale pourrait résulter très utile pour l’adoption de politiques publiques efficaces. Observatoire Économie-Langues-Formation Université de Genève 40, boulevard du Pont d’Arve 1211 Genève 4 Suisse Courriel : till.burckhardt@eti.unige.ch Mots-clés : institutions, langue, territoire, Suisse, secteur financier. Classification JEL : B52, G30, R11. * Observatoire « Economie-Langues-Formation », Université de Genève, Suisse. L’auteur remercie Michele Gazzola, François Grin, Fiorenza Ratti, Remigio Ratti, Claudio Sfreddo et François Vaillancourt pour les commentaires très utiles. L’auteur assume toute la responsabilité en cas d’erreurs ou lacunes. 2/15 Introduction D’après un mythe très répandu, les Suisses parleraient tous quatre langues et travailleraient tous dans des banques. Derrière ces mythes se cachent deux éléments institutionnels caractéristiques de la réalité suisse contemporaine : le multilinguisme et la performance de la place financière. L’aspect exceptionnel du paysage linguistique suisse est de rassembler quatre langues officielles, dont trois sont parlées en tant que langue maternelle par environ 240 millions de locuteurs natif dans le monde, dont la grande majorité réside dans les pays européens avoisinants. Ces langues ainsi que le romanche ne sont pas parlées indistinctement dans l’ensemble du pays mais dans des territoires bien définis. La place financière suisse doit faire face à une compétition accrue au niveau mondiale et à une mutation profonde du secteur d’activité. Tout d’abord, les institutions suisses doivent réagir à la forte compétition déclenchée par l’émergence de nouvelles places comme Dublin, Luxembourg ou, au niveau mondial, Singapour. En outre, la mondialisation des marchés financiers présente des nouveaux défis comme l’apparition de nouvelles branches de la finance et l’émergence de nouvelles puissances économiques géographiquement, culturellement et linguistiquement très lointaines de la réalité helvétique. Compte tenu de ces évolutions il est possible de s’interroger sur le rôle joué par la gouvernance linguistique dans la promotion de la place financière en se focalisant sur le caractère spécial des institutions territoriales de la Confédération. Après avoir proposé un cadre méthodologique pour aborder le sujet (1) il sera possible de discuter quelques hypothèses par la présentation de la littérature scientifique dans le domaine de l’économie des langues (2) pour présenter enfin quelques hypothèses sur le rôle de la gouvernance linguistique dans la promotion économique du pays (3). 1. Méthodologie de recherche Contrairement aux principaux indicateurs utilisés dans l’économie nationale, il n’existe aucun indice internationalement reconnu pour restituer quantitativement et qualitativement les attributs linguistiques d’une population. Cette section s’intéresse aux implications méthodologiques liées à l’introduction de variables linguistiques dans le contexte de l’économie institutionnelle. Après avoir identifié et défini les domaines d’analyse et présenté le contexte économique étudié il sera possible de présenter la démarche d’analyse qui caractérisera la suite de ce travail. 1.1 Les variables linguistiques dans un contexte économico-institutionnel territorial En se fondant sur la définition de North (1990, p. 3) qui définit les institutions comme « les règles du jeu dans une société ou, plus formellement, les contraintes inventées par l’homme qui donnent forme aux interactions humaines », il est possible d’interpréter la langue comme une variable institutionnelle. Dans le cadre de la théorie de la nouvelle économie institutionnelle, les institutions ont comme objectif d’assurer des constitutions cadres dans l’interaction entre les individus. Les organisations sont des rassemblements d’individus poursuivant un même but qui peuvent vouloir changer le fonctionnement des institutions 3/15 pour les rendre plus avantageuses (North 1990, p. 5). Dans un contexte de diversité linguistique, la réglementation sur l’usage des langues peut être considérée comme un élément de gouvernance territoriale (cf. Grin 2005). Par ailleurs, l’approche institutionnelle de l’économie peut fournir un cadre d’analyse cohérent pour l’étude des variables linguistiques. Trouvant ses origines dans la théorie des coûts de transactions de Coase (1937), l’intérêt pour le rôle des institutions s’est développé pour répondre aux implications des principales théories économiques fondées sur l’asymétrie d’information dont Stigler (1961), Akerlof (1970), Spence (1973) et Stiglitz (1979) ont été les principaux promoteurs. En tant que principal outil de communication, la langue peut être un facteur explicatif de certaines imperfections du marché et du développement économique territorial (Burckhardt 2007). Or, l’étude de variables linguistiques dans l’analyse économique reste un phénomène relativement marginal. D’après une définition de Grin (2003, p.16), l’économie des langues « utilise des concepts et des instruments propres à la science économique dans l’étude de relations qui comportent des variables linguistiques ». Plus qu’une discipline elle représente un domaine d’intérêt rassemblant une grande variété d’approches et de méthodologies. 1.2 Les finances internationales : un marché déterritorialisé ? La « fin des territoires » (Badie 1995) est une métaphore pour décrire les effets déclenchés par les évolutions politiques et institutionnelles ainsi que par les avancées dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication. La finance est l’un des secteurs économiques où les effets de cette mutation ont été les plus évidents. La fin du système des changes fixes Bretton Woods en 1973, le nombre croissant de traités de libre échange, la création de l’union économique et monétaire européenne, l’intégration dans les marchés financiers internationaux de pays d’Europe centrale et orientale et le décollage économique de nombreux pays en développement ont contribué à créer de nouveaux marchés pour les investissements de capitaux à l’étranger. Ce processus a été facilité par les nouvelles technologies de l’information et de la communication qui ont contribué à une baisse considérable des 1.3 Démarche d’analyse L’objectif de la présente étude est celui de suggérer comment des variables linguistiques peuvent expliquer le succès de la place financière suisse au niveau européen et de proposer des méthodologies pour fournir une démonstration empirique des hypothèses. La littérature traitant de variables linguistiques dans des modèles économiques sera passée en revue en mettant en évidence les implications du lien entre langue et territoire. Sur la base de ces résultats il sera possible de commenter le paysage linguistique de la Suisse et son encadrement institutionnel et de formuler des hypothèses qui permettraient d’évoquer l’incidence des déterminants linguistiques sur l’organisation territoriale du système bancaire suisse et préconiser quelles politiques publiques d’aménagement linguistique pourraient créer des incitations pour le développement de la place financière suisse. La réalisation d’une étude empirique sur ce sujet implique la création d’une base de données par des enquêtes quantitatives et qualitatives auprès des acteurs économiques concernés. 4/15 2. Revue de littérature De manière générale les politiques linguistiques font l’objet de débats de nature juridique, culturelle ou éducative, mais rarement de considérations de type économique (Grin 2005). Cette section étudie d’abord les approches qui permettent d’intégrer des variables linguistiques dans le raisonnement économique. Ensuite, elle s’intéresse aux rémunérations des compétences linguistiques dans le marché du travail. Enfin, elle présente le rôle que la langue peut exercer dans la définition de politiques publiques. 2.1 Indicateurs quantitatifs et qualitatifs de la diversité linguistique Le problème principal relatif à la restitution de variables linguistiques dans la science économique est lié à la complexité de traduire en chiffe les compétences linguistiques, notamment en langues étrangères et à l’absence de bases de données fiables et comparables pour réaliser des enquêtes quantitatives et qualitatives sur l’offre et la demande pour des compétences linguistiques dans un système économique. Le premier modèle connu pour calculer la diversité linguistique et ses implications est a été développé par Greenberg en 1956. Il se fonde sur un indice de diversité mesurant la probabilité que deux individus ne parlent pas la même langue qui peut être corrigé par un facteur de ressemblance qui tient compte de l’intelligibilité d’une langue pour des locuteurs d’un idiome ayant une forte ressemblance. N’ayant pas trouvé des domaines d’application dans l’immédiat, le modèle de Greenwald a été adapté pour étudier les conflits ethniques dans des territoires contestés à travers l’indice de fractionnalisation ethnolinguistique (ELF) de Taylor et Hudson (1972). Il est intéressant de constater comment un indice qui à l’origine était conçu pour mesurer les capacités communicationnelles dans une communauté multilingue a été appliqué pour mesurer les différences ethniques. Ceci peut s’expliquer par le contexte historique et politique de l’époque : en pleine période d’émancipation de la communauté afro-américaine l’attention était complètement tournée vers les discriminations ethniques qui uploads/Management/ burckhardt-till-texte-asrdlf-2008.pdf

  • 19
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Oct 04, 2021
  • Catégorie Management
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1041MB