70 LE MONITEUR _ 16 septembre 2011 Management & Prévention ENQUÊTE FORMATION Lu

70 LE MONITEUR _ 16 septembre 2011 Management & Prévention ENQUÊTE FORMATION Lutte contre l’illettrisme : un sans-faute pour le BTP Respect des consignes de sécurité, image de marque de l’entreprise… On ne compte plus les enjeux du combat contre l’illettrisme. Les employeurs du BTP l’ont bien compris. «L’ illettrisme est moins un sujet tabou dans le BTP, observe Véronique Chau­ vin, chargée de mission au service Recherche et Déve­ loppement du GFC-BTP. Les entreprises prennent de plus en plus conscience des enjeux de la maîtrise des savoirs de base pour les salariés. » Et non des moindres. Compréhension des process de travail et des consignes de sécurité, montée en compétence des salariés, accès à l’encadrement… « Le BTP reste un secteur de pre­ mière insertion : il accueille des salariés qui n’ont pas tou­ jours de qualifications impor­ tantes », poursuit Véronique Chauvin. Le développement des compétences métier passe ainsi parfois par une remise à niveau des savoirs de base. « Mais les stagiaires sont en général de très bons pro­ fessionnels sur lesquels l’en­ treprise mise. » Et d’ajouter : « La lutte contre l’illettrisme répond aussi à des besoins d’adaptation aux évolutions du secteur : exigences régle­ mentaires liées aux modes constructifs, compétences nouvelles liées au développe­ ment durable et polyvalence des salariés. » Il en va aussi de l’image de marque de l’en­ treprise. « Ces actions rendent les salariés plus autonomes, et facilitent ainsi les relations avec la clientèle », se félicite Raphaël Reverdy, responsable de Limeul SAS (charpente et couverture). De quoi éviter au dirigeant, plus confiant, de se rendre systématiquement sur des chantiers lointains. Mais aussi se démarquer de la concurrence. En 2010, pas moins de 911 salariés du BTP ont suivi une formation sur la maîtrise des savoirs de base, financée par les Aref- BTP, pour une durée moyenne de 85 heures. Eviter de stigmatiser les salariés Les clés d’une démarche réus­ sie ? Une implication de tous les niveaux de l’entreprise, de la direction générale au chef d’équipe, répond Hervé Fernandez, secrétaire général de l’Anlci (1). « L’action doit en outre être englobée dans le projet de développement des compétences des sala­ riés, sans les stigmatiser. » Le secteur bénéficie, à cet effet, de méthodes pédagogiques mises au point par le groupe OPCA-GFC-Aref, qui propose une « entrée par les situations professionnelles. » « Nous évitons un discours frontal en partant d’écarts en termes d’attentes professionnelles pour proposer des formations, illustre Fabrice Anguenot, di­ recteur des relations sociales de Cardinal SAS (gros œuvre). Ces actions doivent aussi valoriser les métiers du BTP, et éluder les lieux communs qui font du secteur un choix par défaut. » n Caroline Gitton (1) Agence nationale de lutte contre l’illettrisme. MANAGEMENT Soutenir le stagiaire dans sa démarche ■« Le management dans le bâtiment, c’est la partie la plus difficile, mais aussi la plus valorisante ! », estime Wilfried Harel, directeur travaux chez Legendre Ouest. Depuis plusieurs années, l’entreprise propose à certains salariés, en lien étroit avec l’Aref-BTP, des sessions de remise à niveau sur les savoirs de base, assurées par un orga­ nisme extérieur. « Cette démarche implique un accompagnement du conducteur de travaux, du chef de chantier et du directeur travaux. » Mais aussi d’un tuteur, chargé de faire le lien entre la forma­ tion et le chef de chantier. « Car le salarié doit se sentir soutenu dans sa démarche. » De son côté, le directeur travaux fait un point régulier avec le chef de chantier pour s’assurer que le stage a porté ses fruits. Autre acteur incontour­ nable : le formateur. « Il représente à lui seul 50 % de la réussite de la formation, évalue Wilfried Harel. Il doit être moteur et connaître le terrain. » En milieu de session, le formateur se rend sur le chan­ tier pour échanger avec le manager de proximité. « En somme, ces actions de formation demandent de l’énergie et des retours de tout le monde. Leur succès rejaillit sur les chefs de chantier. En permettant aux membres de leur équipe d’évoluer, ils gagnent en crédibilité. » LES MOYENS MIS EN ŒUVRE Accompagnement des salariés par un tuteur et par la ligne managériale. WILFRIED HAREL Directeur travaux de Legendre Ouest, agence de Rennes (gros œuvre, 143 salariés pour l’agence de Rennes). DAVID ADEMAS 16 septembre 2011 _ LE MONITEUR 71 GESTION DE CARRIÈRE Lecture-écriture : les bases pour évoluer ■François Quettier ne jure que par la formation continue. Si le P-DG du groupe Joly est arrivé à la tête de son entreprise, c’est autant « par goût du risque » que grâce à des formations qui l’ont aidé à compléter ses acquis. D’où l’envie d’en faire, à son tour, profiter ses salariés. Président de la commission de formation de la FFB Haute- Normandie pendant plusieurs années, le dirigeant connaît bien le sujet. « Alors que le bâtiment est censé pouvoir accueillir tout le monde, la réglementation exige de plus en plus d’habilitations. Plus question de conduire un chariot élévateur à l’instinct : désormais, il faut le Caces. » L’enjeu est bien là. Il n’a pas non plus échappé au P-DG que la remise à niveau des savoirs de base constitue un outil de fidélisation non négligeable ! « Pour garder la main-d’œuvre qualifiée, il faut pouvoir lui proposer un plan de carrière et une progression sa­ lariale. » Le chef d’entreprise s’est saisi de la question il y a sept ans. Alors en quête de nouveaux chefs d’équipe, il fait réaliser un audit pour repérer des potentiels d’évolution chez ses salariés. Le résultat est sans appel : 20 à 25 % d’entre eux rencontrent de fortes difficultés à la lecture et à l’écriture. A l’évocation du nom de certains, les bras lui en tombent. « Par pudeur, les salariés se cachent. Or ces lacunes sont des freins à l’évolution, car un encadrant doit au moins pouvoir rédiger des mini-rapports. » Dont acte. Une douzaine de salariés se voit proposer des formations qui s’échelonneront sur un an et demi, à raison d’une à deux heures par semaine. « Il faut jouer sur le temps : c’est une démarche de longue haleine. » Certains salariés abandon­ nent, d’autres suivent les stages en pointillé. « D’autres encore se sont accrochés. Ça a changé leur vie. » Le groupe de salariés devenus depuis chefs d’équipe compte même un futur chef de chantier. LES MOYENS MIS EN ŒUVRE Formations d’un an et demi pour renforcer les savoirs de base des salariés. FRANÇOIS QUETTIER P-DG du groupe Joly (couverture-étanchéité, 60 salariés). YVES DENOYELLE/LE MONITEUR QUALITÉ-SÉCURITÉ Accroître l’autonomie pour suivre les modes opératoires ■« Depuis quelques années, l’écrit se fait plus présent sur les chan­ tiers, note Didier Malamas, DRH de Forclum. La sécurité et la qualité s’inscrivent de plus en plus dans les modes opératoires. » Le personnel d’exécution est aussi concerné. « L’électricité ne se voit pas. S’assurer qu’un câble est hors tension peut nécessiter la lecture d’une fiche de consignation. Or, dans ce type de situation, le salarié n’osera pas toujours avouer qu’il n’a pas compris la consigne. Il pourrait agir en se mettant en situation de risque ! En outre, de plus en plus de forma­ tions donnent lieu à un contrôle de connaissances où la maîtrise de l’écrit est indispensable. La compréhension de différents documents écrits concourt ainsi à la sécurité de tous les acteurs. » Face à ces enjeux, Forclum prépare le déploiement sur toute la France, cet au­ tomne, d’actions de remise à niveau sur les savoirs de base conduites en 2010, sous forme de pilote en région Centre-Est. En ayant soin de préparer le terrain. « Pour faire éclore des souhaits de formation chez les salariés, nous leur présenterons le dispositif en insistant sur la démarche pédagogique qui s’ap­ puie sur leur maîtrise des savoirs professionnels. La sensibilisation du management est par ailleurs essentielle pour la motivation de tous les acteurs du projet. » Autre initiative, plus préventive : la constitution de tandems entre de jeunes apprentis, de niveau BEP ou Bac pro, et de jeunes ingénieurs récents dans l’entreprise. « Ces apprentis excellent sur le chantier, mais manquent de connaissances académiques : ils ont tendance à fuir les formations générales, d’où un risque d’échec à l’examen. Les ingénieurs pourront ainsi, la proximité d’âge aidant, leur transmettre leur savoir. » Un bon exercice pour ces nouvelles recrues, appelées à encadrer d’autres collaborateurs dans quelques années. LES MOYENS MIS EN ŒUVRE Sensibilisation de l’encadrement, tandems de jeunes ingénieurs et de jeunes apprentis. DIDIER MALAMAS DRH de Forclum (génie électrique et climatique, 14 500 salariés). BRIGITTE CAVANAGH/LE MONITEUR uploads/Management/ caroline-gitton-illettrisme.pdf

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  • Publié le Mai 13, 2021
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