1 Au début des années 1990, la filiale brésilienne de la multinationale alleman

1 Au début des années 1990, la filiale brésilienne de la multinationale allemande Stihl, leader mondial du marché des tronçonneuses, a décidé d’intégrer ses processus d’affaires sous un seul système informatique. Les affaires du Groupe Stihl étaient intégrées à l’échelle mondiale, mais l’information avait du mal à circuler entre les entreprises. En juillet 1994, la maison mère, déjà utilisatrice du progiciel de gestion intégré SAP R/2, a choisi le logiciel SAP R/3. La filiale du Brésil, qui à l’époque abandonnait le développement de son propre logiciel de gestion, a pris la même décision en août 1996. Les progiciels de gestion intégrés Les progiciels de gestion intégrés – Enterprise Resource Planning (ERP) – sont des logiciels qui permettent de gérer les processus d'une entreprise au complet, en intégrant l'ensemble des fonctions de cette dernière, comme la gestion des ressources humaines, la gestion comptable et financière, l'aide à la décision, mais aussi la vente, la distribution, l'approvisionnement et le commerce électronique. Avec ces logiciels, les utilisateurs de différentes applications ont accès à une même base de données, peu importe la tâche qu’ils accomplissent et le secteur où ils 2 travaillent. Les progiciels sont censés fournir une intégration complète, une capacité d’évolution illimitée, et faciliter la collaboration entre les réseaux d’affaires. Stihl Brésil Le Groupe Stihl a été fondé en 1926 par l’ingénieur allemand Andreas Stihl, surnommé parfois le « père de la tronçonneuse ». Au Brésil, l’entreprise s’est installée en 1948, d’abord comme distri- buteur pour, ensuite, à partir de 1973, passer à la fabrication de produits de foresterie. Son usine se trouve à São Leopoldo, dans l’État du Rio Grande do Sul. La multinationale Stihl produit et distribue 73 modèles de machines et d’équipements, dont 25 fabriqués par la filiale brésilienne. La filiale brésilienne de Stihl traite l’ensemble du marché latino-américain. Elle exporte aussi pour d’autres entreprises du groupe. Son chiffre d’affaires dépasse 100 millions de dollars US, dont 60 % proviennent exclusivement du marché brésilien. En septembre 2002, Stihl Brésil avait 850 employés et fabriquait 220 000 moteurs par an. Huit mini-usines forment l’ensemble de la production de Stihl Brésil : fonderie, usinage, vilebrequins, plastiques, pignons et câbles, cylindres, et ligne de montage de moteurs. L’entreprise partage ses clients en deux groupes : intermédiaire et final. Le premier est constitué des autres filiales de Stihl ainsi que des importateurs et des revendeurs. Le second comprend les utilisateurs professionnels (foresterie, menuiserie, construction civile, travaux publics) et les utilisateurs occasionnels (travaux domestiques, bricolage, agriculture, sériciculture, élevage du bétail). Cette entreprise germano-brésilienne se caractérise aussi par un petit nombre de niveaux hiérarchiques : sous la direction générale, on compte six directeurs et dix-neuf gestionnaires. La responsabilité individuelle et l’autonomie, fondées sur la formation, le développement personnel et l’accès à l’information, sont deux qualités très prisées chez les employés. Des pancartes installées un peu partout en proclament l’importance ainsi que le but et la mission de l’entreprise. Cela ne signifie pas pour autant que « tous » les employés aient un pouvoir décisionnaire. Lors des entrevues et des visites à l’usine, c’est tout autre chose que l’on constate. D’une part, les décisions sont prises par un groupe précis de la direction générale et la gestion des décisions est discutée vivement et communiquée aux employés. D’autre part, la tolérance envers ceux qui ne s’adaptent pas aux valeurs de l’entreprise semble assez basse. Le « manque d’intégration » peut justifier un licenciement. Une analyse de la politique des ressources humaines de Stihl, comme on peut le lire sur son site, aide à comprendre qu’il ne s’agit pas d’une contradiction. L’entreprise fait des efforts pour garder les employés à long terme, afin qu’ils aient l’opportunité de performer professionnellement. L’entreprise valorise aussi la coopération, l’implication et le travail en équipe. Cependant, tous ces éléments sont dépendants d’un élément clé : la totale identification aux valeurs de l’entreprise. 3 Le choix de SAP R/3 En juillet 1994, Stihl Allemagne, déjà utilisatrice de SAP R/2, choisit d’implanter le progiciel de gestion intégré SAP R/3. En août 1996, Stihl Brésil, suivant les directives venues d’Europe, choisit à son tour SAP R/3. Le Groupe Stihl signe alors un contrat mondial avec SAP et se dote d’un même logiciel de gestion pour toutes ses filiales. Le Groupe Stihl se croit donc prêt à affronter un marché mondial de plus en plus dynamique et intégré. Un système ERP automatise les processus d’une entreprise, en regroupant les informations disponibles sous un seul progiciel. Il élimine la redondance d’informations et la répétition de tâches (par exemple, des doubles saisies de données). Le projet d’implantation du système R/3 a commencé en 1996. Par choix, l’entreprise a décidé d’implanter le logiciel par modules, pour ainsi profiter des avantages du processus d’apprentissage organisationnel progressif. La phase initiale du projet a duré 18 mois et la première mise en production a eu lieu en 1997. Le dernier module du système SAP R/3 a été implanté en 2001. L’entreprise compte maintenant 10 modules et 480 utilisateurs. 4 Stratégie d’implantation Avant de réfléchir à la manière d’intégrer toute la chaîne de valeur1 dans SAP R/3, la direction de l’entreprise a défini les bases de l’implantation. Trois règles fondamentales ont été établies : 1. Implanter la version standard du progiciel; 2. Paramétrer le progiciel en utilisant seulement ses propres fonctions et paramètres; 3. Repenser les processus de fabrication en l’adaptant au progiciel. Autrement dit, la direction donnait carte blanche aux responsables du projet pour changer la façon dont l’entreprise fonctionnait. Elle croyait, en effet, plus avantageux d’adapter l’entreprise à SAP R/3 que d’adapter le progiciel à Stihl Brésil. À ce moment, l'entreprise a dû faire un autre choix capital : qui s’occuperait de paramétrer le progiciel? Des consultants externes ou bien des employés de l’entreprise qui seraient formés pour accomplir cette nouvelle tâche? Le dilemme de cette décision doit être mis en contexte, celui des années 1990, époque d’immense pénurie en consultants expérimentés dans l’implantation de systèmes ERP. Plusieurs entreprises ont beaucoup investi pour former leurs employés qui, peu après, séduits par un marché prometteur, ont été engagés par des sociétés de consultation ou par d’autres entreprises implantant leur ERP. Certaines firmes finissaient par bénéficier énormément de l’investissement fait par une autre dans la formation de spécialistes. En outre, la formation des employés pour paramétrer le progiciel risquait aussi de retarder le projet : il semblait plus rapide d’engager des consultants externes, déjà formés, pour gérer et mettre en œuvre le projet. Gestion des consultants Au lieu de compter sur la connaissance des consultants externes, l’entreprise brésilienne a préféré développer une expertise propre, locale, basée sur la formation des employés choisis pour être les utilisateurs-clés. « Aujourd’hui, dans n’importe quelle entreprise, les affaires ne peuvent jamais être séparées de l’informatique », affirme Gilmar Rabaioli, chef de l’informatique. La base de ce raisonnement repose, en effet, dans le refus d’impartir le département d’informatique. Dès le début du projet, le rôle des consultants est clair. Ils ne font pas le paramétrage du progiciel; ils enseignent aux utilisateurs-clés comment le faire. Vanille ou adapté? L’un des facteurs essentiels pour le succès d’une implantation SAP, explique M. Rabaioli, c’est de garder le progiciel dans sa version standard (l’implantation est alors appelée vanille). Il vaut mieux changer les processus que le logiciel. « Sinon, on devient un gros patchwork », assure-t-il. Et quel serait l’intérêt pour Stihl d’implanter la version standard du progiciel? 1 Le concept de « chaîne de valeur » désigne l'ensemble des activités d'une entreprise, depuis la conception du produit jusqu'à son lancement. On considère, d'une part, les activités principales (logistique interne, logistique externe, vente et services) qui s'inscrivent dans le processus de production et, d'autre part, les activités de soutien (infrastructures de l'entreprise, gestion des ressources humaines, développement technologique, approvisionnements) qui servent d'appui aux activités principales. Toutes ces activités sont créatrices de valeur et concourent au ratio de marge bénéficiaire de l'entreprise. 5 L’un des avantages du système SAP a trait aux meilleures pratiques de gestion. Cette caractéristique est, en effet, un important argument de vente lorsque le progiciel est offert aux futurs acheteurs. Selon l’entreprise conceptrice du logiciel, « SAP développe les meilleures pratiques de gestion avec ses clients et ses partenaires les plus prestigieux. SAP Best Practices, poursuit le communiqué, vous permet de démarrer à l'aide d'un prototype parfaitement documenté et réutilisable, que vous pouvez transformer rapidement en une solution de production ». L’enjeu était simple pour la direction de Stihl : « Qu’est-ce que nous, une ligne de montage, une industrie métallurgique, avons de si différent qu’une autre entreprise dans le monde n’ait jamais eu? » Réponse : « Rien ». De plus, avec la version standard, la mise à jour des nouvelles versions se fait sans surprises. L’entreprise opte donc pour l’implantation de la version standard de SAP R/3. Big bang ou modulaire? Les dirigeants de Stihl ont opté pour une implantation modulaire de SAP R/3, au lieu de démarrer tous les modules à la fois (big bang). Ce choix de la modalité modulaire pour le démarrage du système a uploads/Management/ cas-stihl.pdf

  • 37
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Mai 20, 2021
  • Catégorie Management
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.3013MB