l’ordre psychiatrique l’âge d’or de l’aliénisme OUVRAGES DE ROBERT CASTEL UN AR

l’ordre psychiatrique l’âge d’or de l’aliénisme OUVRAGES DE ROBERT CASTEL UN ART MOYEN. Essai sur les usages sociaux de la photographie, avec Pierre Bourdieu, Luc Boltanski et Jean-Claude Chamboredon, 1965. L’ORDRE PSYCHIATRIQUE. L’âge d’or de l’aliénisme, 1977. LA GESTION DES RISQUES. De l’anti-psychiatrie à l’après-psychanalyse, 1981 (« Reprise », no 18). Chez d’autres éditeurs LE PSYCHANALYSME. L’ordre psychanalytique et le pouvoir, Maspero, 1973 (rééd. Flammarion, coll. « Champs », 1981). LA SOCIETÉ PSYCHIATRIQUE AVANCÉE. Le modèle américain, avec Fran- çoise Castel et Anne Lovell, Grasset, Paris, 1979. LE REVENU MINIMUM D’INSERTION, sous la direction de Robert Castel et Jean-François Laé, L’Harmattan, 1992. LES SORTIES DE LA TOXICOMANIE, Éd. de l’Université de Fribourg, 1998. LES MÉTAMORPHOSES DE LA QUESTION SOCIALE. Une chronique du sala- riat, Fayard, 1995 (rééd. Gallimard, coll. « Folio », 2000). PROPRIÉTÉ PRIVÉE, PROPRIÉTÉ SOCIALE, PROPRIÉTÉ DE SOI, avec Claudine Haroche, Fayard, 2001 (rééd. Hachette, coll. « Pluriel », 2005). L’INSÉCURITÉ SOCIALE. Qu’est-ce qu’être protégé ?, Éd. du Seuil, 2003. LA DISCRIMINATION NÉGATIVE. Citoyens ou indigènes ?, La République des idées/Éd. du Seuil, 2007. LA MONTÉE DES INCERTITUDES. Travail, protections, statut de l’individu, Éd. du Seuil, 2009. NOUS AVONS QUELQUE CHOSE À VOUS DIRE... Paroles des jeunes des quar- tiers, avec Jean-Louis Reiffers et avec la participation de Stéphane Menu, L’Harmattan, 2010. CHANGEMENTS ET PENSÉES DU CHANGEMENT. Échanges avec Robert Castel, avec Claude Martin (dir.), La Découverte, 2012. robert castel l’ordre psychiatrique l’âge d’or de l’aliénisme LES ÉDITIONS DE MINUIT r 1976 by LESÉDITIONS DEMINUIT www.leseditionsdeminuit.fr ISBN 978-2-7073-0146-8 « Je vous demande pardon de vous fatiguer par un si long détail, mais le gouvernement des gueux, des cri- minels et des fous ne demande pas moins d’attention que celui des riches et des sages, c’est ce que je suis obligé d’apprendre par une ennuyeuse expérience. Le bien public en adoucira la peine, et le plaisir de vous rendre compte de ce qui se passe. » PROCUREUR GÉNÉRAL D’AGUESSEAU, Lettre du 6 janvier 1701, Mns. B. N. fr. 8123. « Cet objet intéresse les âmes sensibles, puisque le sort de la classe la plus malheureuse en dépend ; mais il n’intéresse pas moins le puissant et le riche, puisque la sûreté de leurs jouissances est toujours en raison inverse des souffrances et des mauvaises mœurs du peuple. » P. J. G. CABANIS, Observations sur les hôpitaux, 1790. avant-propos Le 27 mars 1790, l’Assemblée constituante décrétait, article 9 de la loi portant abolition des lettres de cachet : « Les personnes détenues pour cause de démence seront, pendant l’espace de trois mois, à compter du jour de la publication du présent décret, à la diligence de nos procu- reurs, interrogées par les juges dans les formes usitées, et, en vertu de leurs ordonnances, visitées par les médecins qui, sous la surveillance des directeurs de district, s’expli- queront sur la véritable situation des malades, afin que, d’après la sentence qui aura statué sur leur état, ils soient élargis ou soignés dans les hôpitaux qui seront indiqués à cet effet 1. » Cette décision de la première Assemblée révolutionnaire circonscrit toute la problématique moderne de la folie. Pour la première fois tous les éléments qui vont constituer, jusqu’aujourd’hui, les bases de sa prise en charge sociale et son statut anthropologique sont donnés ensemble. Mais s’ils sont tous nommés, leur agencement définitif n’est pas encore trouvé. Ces éléments sont au nombre de quatre : 1. Le contexte politique de l’avènement du légalisme. La question moderne de la folie se dégage de la rupture d’un équilibre traditionnel de pouvoirs, et précisément de l’effondrement du fondement ancien de la légitimité poli- tique. Sous l’Ancien Régime, l’administration royale, l’appareil judiciaire et la famille se répartissaient le con- trôle des comportements non conformes selon des procé- dures traditionnellement réglées. Avec l’abolition des let- tres de cachet, une pièce essentielle du dispositif fait brusquement défaut, ruinant tout l’édifice. S’agissant pré- cisément de la folie, si sa répression apparaît toujours aussi nécessaire, le recours direct au pouvoir politique pour la 1. Ministère de l’intérieur et des cultes, Législation sur les aliénés et les enfants assistés, t. I, Paris, 1880, p. 1. réaliser est barré, puisqu’il est disqualifié en tant que mani- festation de l’arbitraire royal. 2. L’apparition de nouveaux agents. Les instances char- gées de combler ce vide sont d’emblée nommées : justice (procureurs et juges), administrations locales (« directeurs de district ») et médecine. Apparemment, c’est simplement appeler les appareils déjà en place à tisser entre eux des rapports neufs. Mais ils ne pourront comme tels suppléer immédiatement à l’autorité défaillante. Un long processus de transformation de leurs pratiques et de renégociation de leurs relations sera nécessaire avant qu’ils puissent assu- mer leur nouvelle tâche. Un équilibre stable sera trouvé seulement lorsque la médecine pourra en former la clef de voûte. 3. L’attribution au fou du statut de malade. Dans la mesure où les modalités de la prise en charge de la folie ne doivent plus être homogènes à celles qui continuent à contrôler les criminels, les vagabonds, mendiants et autres « marginaux », le fou est reconnu dans sa différence à partir des caractéristiques de l’appareil qui va désormais le traiter. Mais une telle indexation pose d’abord davan- tage de problèmes qu’elle n’en résout. Le code médical n’est pas assez affiné pour donner un statut scientifique à cette identification. La technologie médicale à l’égard de la folie n’a encore rien de spécifique. La place d’une première spécialisation de la médecine sur ce double registre théorique et pratique est marquée à partir de ce nouveau mandat politique, mais c’est encore une place en creux. 4. La constitution d’une nouvelle structure institution- nelle. L’inscription privilégiée de ces pratiques dans les « hôpitaux qui seront indiqués à cet effet » est aussi pré- vue. Mais précisément au moment où cette institution est marquée du discrédit qui s’attache aux lieux de ségrégation dont l’administration royale et l’Église avaient fait les ins- truments de leur politique de neutralisation de leurs indé- sirables et de leurs ennemis ; au moment aussi où un mou- vement général de désinstitutionnalisation des secours bouscule l’ancien complexe hospitalier en même temps que les bastilles de l’absolutisme politique. L’imposition de l’« établissement spécial » (ou asile) comme « milieu thérapeutique » suppose donc la reconquête par la nouvelle 10 L’ORDRE PSYCHIATRIQUE médecine d’un pan de la vieille organisation hospitalière chargée de la haine du peuple et du mépris des esprits éclairés. 1790, condamnation de l’arbitraire politique – 1838, vote de la loi encore en vigueur réglant le régime des aliénés : cette plage de temps de près de quarante années entre deux événements législatifs est en fait remplie par le lent cheminement des pratiques aliénistes. À travers leur développement, ce que l’Assemblée constituante avait posé comme une solution formelle – si ce n’est comme une échappatoire dans une situation critique – s’est institution- nalisé comme une nouvelle structure de domination. Le fou surgi comme problème dans la cassure révolutionnaire va se retrouver doté à la fin du processus du statut complet d’aliéné : complètement médicalisé, c’est-à-dire intégrale- ment défini en tant que personnage social et type humain par l’appareil qui a conquis le monopole de sa prise en charge légitime. Première histoire à suivre, car c’est celle de la constitution réciproque d’une nouvelle médecine et d’une nouvelle relation sociale de tutellarisation. Vieille histoire, dira-t-on, et assez connue pour ce que nous avons à en faire. De fait, un goût un peu facile de la symétrie opposerait une sorte d’utopie totalitaire, para- digme de la psychiatrie du XIXe siècle, et une utopie disons capillaire, principale ligne de fuite de la médecine mentale actuelle : enfermement / désenfermement ; ségrégation des populations / traitement dans le milieu de vie ; clôture / « désinstitutionnalisation », asile / secteur ; dualisme nor- mal-pathologique / fluidité des catégories psycho-patholo- giques actuelles ; stigmatisation brutale par les étiquettes nosographiques / vocation universaliste des nouveaux codes psychiatrico-psychanalytiques ; interventions limi- tées à des domaines bien circonscrits (la pathologie mani- feste et la criminalité) / initiatives couvrant l’ensemble des comportements et traversant même les clivages tradi- tionnels entre le psychologique, le culturel, le social, le politique ; expertise spécialisée / expertise généralisée ; autoritarisme, paternalisme, directivisme / permissivité, accueil, écoute ; exercice solitaire du pouvoir / circulation des informations dans l’équipe et, à la limite, réversibilité des rôles « soignants » – « soignés », etc. 11 AVANT-PROPOS Tout n’est pas faux dans ces oppositions, à condition de regarder de près comment, pourquoi, et pour qui elles fonctionnent. Un système est dit « dépassé » lorsqu’il n’a plus guère de défenseurs. Mais c’est souvent que ses anciens opérateurs se sont simplement déplacés, et se sont mis à faire autre chose qui, toutes choses égales d’ailleurs, pourrait n’être pas si différent. Par exemple, l’internement n’a plus beaucoup d’adeptes : l’« isolement thérapeuti- que » du XIXe siècle paraît assez fruste pour que la ségré- gation sociale qu’il opère puisse s’y lire sans trop de peine – surtout par ceux qui ont cessé de le pratiquer. En uploads/Management/ castel-robert-lordre-psychiatrique-fr.pdf

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  • Publié le Sep 17, 2022
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