Les dossiers des sciences de l'éducation Les verbalisations métagraphiques : un

Les dossiers des sciences de l'éducation Les verbalisations métagraphiques : un outil didactique en orthographe ? Danièle Cogis, Michelle Ros Abstract This article focuses on young writers "metagraphical explanations" about French spelling. It shows how the methodological means used by researchers in recent works, inspired by constructivist and interactionist models, are becoming a crucial device when used in the didactics of French. As such, they may lead to a new way of teaching and learning orthography in primary school. Résumé Cet article est centré sur les verbalisations métagraphiques d’élèves âgés de six à onze ans. Il montre comment la méthodologie de recherches récentes sur l’acquisition du système graphique du français, dans une perspective constructiviste et interactionniste, est en passe de devenir un outil didactique fondamental débouchant sur une transformation des pratiques d’enseignement-apprentissage de l’orthographe à l’école élémentaire. Citer ce document / Cite this document : Cogis Danièle, Ros Michelle. Les verbalisations métagraphiques : un outil didactique en orthographe ?. In: Les dossiers des sciences de l'éducation, N°9, 2003. L’orthographe, une construction cognitive et sociale. pp. 89-98; http://www.persee.fr/doc/dsedu_1296-2104_2003_num_9_1_988 Document généré le 14/04/2017 Danièle Cogis, IUFM de Paris Michelle Ros, IUFM de Créteil Les verbalisations métagraphiques : un outil didactique en orthographe ? Résumé : Cet article est centré sur les verbalisations métagraphiques d’élèves âgés de six à onze ans. Il montre comment la méthodologie de recherches récentes sur l’ac- quisition du système graphique du français, dans une perspective constructiviste et interactionniste, est en passe de devenir un outil didactique fondamental débou- chant sur une transformation des pratiques d’enseignement-apprentissage de l’or- thographe à l’école élémentaire. ■ Mots clés : orthographe ; morphographie ; acquisition ; résolution de problème ; verbalisations métagraphiques ; didactique Abstract : This article focuses on young writers “metagraphical explanations” about French spelling. It shows how the methodological means used by researchers in recent works, inspired by constructivist and interactionist models, are becoming a cru- cial device when used in the didactics of French. As such, they may lead to a new way of teaching and learning orthography in primary school. ■ Key words: orthography ; morphography ; acquisition ; solving problem ; metagraphical explanations ; didactics. L e s D o s s i e r s d e s S c i e n c e s d e l ’ E d u c a t i o n 89 Danièle COGIS, Michelle ROS n°9 / 2003 / L’orthographe, une construction cognitive et sociale Lorsque les élèves ne sont plus en phase d’apprentissage de la lecture, commence l’apprentissage de l’orthographe, lourde entreprise faite sous de sombres auspices : l’orthographe est probablement le seul domaine où l’on évalue les élèves non par rapport à ce qu’ils ont déjà appris, mais par rapport à ce qu’ils ne savent pas encore. Le sentiment de crise de l’orthographe et de son enseignement, qui ne date pas d’aujourd’hui, est sans doute constitutif de l’école obligatoire. Soulignons que rien ou presque n’a pu l’entamer jusqu’à présent. Et, malgré les connaissances accu- mulées depuis les premiers travaux sur la manière dont l’enfant entre dans l’écrit (Ferreiro, 1988), sur le front scolaire, les tentatives tardent à transformer en pro- fondeur l’approche de l’écrit avec les plus jeunes (Fijalkow et Fijalkow, 1994). C’est dire que l’on a affaire à des positions idéologiques irrationnelles : les élèves font des fautes qu’ils ne devraient pas faire puisqu’ils reçoivent l’enseignement qu’ils doivent recevoir. Le constat d’“échec” — des élèves qui font des fautes, éventuellement des maitres qui ne font pas ce qu’il faut — se renouvèle chaque fois que quelqu'un qui sait son orthographe jette un œil sur des écrits d’élèves. Que les évaluations nationales montrent année après année que les élèves font partout les mêmes fautes n’a pas amené à poser autrement la question de l’ac- quisition de l’orthographe, et donc de son enseignement. On s’en tient au cadre tra- ditionnel — apprentissage des correspondances grapho-phonologiques, leçons, règles, exercices, dictées — escomptant un transfert naturel des connaissances ainsi acquises vers la production écrite ; et l’on n’a d’autre réponse qu'une “remédiation” qui fait refaire toujours plus de ce qui a déjà échoué . En mettant sur le devant de la scène scolaire l’élève qui pense en apprenant, la recherche montre l’intérêt et la nécessité de s’engager dans une autre direction (Jaffré, 1997a). Elle offre des pistes pour élaborer un nouveau cadre didactique fondé sur le double principe du rôle de l’action et des tâtonnements du sujet dans la construction des connaissances (Pia- get) et du rôle de l’apprentissage, des interactions sociales et de la médiation du lan- gage dans les réorganisations successives des concepts spontanés de l’enfant, et donc du développement (Vygotski) . Mais, pour qu’une modification prenne, deux conditions au moins doivent être réunies : des acteurs convaincus de la nécessité de nou- velles pratiques et des pratiques nouvelles qui n’apparaissent ni trop étrangères à ce qui se fait déjà, ni d’un cout trop excessif (Chevallard, 1991). Après un aperçu du travail qu’effectuent maitres et élèves pour que les premiers aident les seconds à s’approprier l’orthographe du français (exemples en CP et CM2), le présent article vise à identifier les facteurs favorables qui pourraient faire des verbalisations métagraphiques un nouvel outil didactique. Les verbalisations métagraphiques : à l'origine, un outil de recherche Chercher à comprendre comment les élèves acquièrent l’orthographe suppose de prendre en compte, sans a priori, la complexité de l’ontogenèse graphique. Pour L e s D o s s i e r s d e s S c i e n c e s d e l ’ E d u c a t i o n 90 Danièle COGIS, Michelle ROS n°9 / 2003 / L’orthographe, une construction cognitive et sociale À la rentrée 2001, le Ministre de l’éducation nationale n’enjoint-il pas aux recteurs de ne pas craindre de répéter : “Il faut faire et refaire des dictées” (Le Monde, 30.8.01) dans la même confusion entre objectif et modalité de travail ? Sur la place de ces deux modèles dans les recherches didactiques, voir Brossard et Fijalkow, dir. (1998). cela, une méthodologie adéquate, inspirée des entretiens critiques de Piaget, s'est imposée : dans l’environnement scolaire habituel et peu de temps après avoir écrit, l’élève explicite le choix de quelques graphies, erronées ou non, entrant alors dans une activité nouvelle, d'ordre métalinguistique. Les verbalisations méta- graphiques sont ainsi au fondement de la description de l’acquisition de l’ortho- graphe. Elles éclairent en même temps les fonctionnements de la langue (Karmi- loff-Smith, 1992), les problèmes que son apprentissage pose aux élèves et les contrôles que ceux-ci exercent sur leur production. En bref, le langage renseigne sur le cheminement cognitif des élèves qui apprennent la langue écrite, tandis que, selon des observations réitérées, les élèves tirent bénéfice de ces entretiens qui n’ont pourtant pas un objectif d’apprentissage. De cela, il ressort que l'outil méthodologique de la recherche, adapté à des fins didactiques, enclenche une nouvelle situation d'enseignement/apprentissage, actuellement mise en pratique dans certaines classes. La parole spontanée et écou- tée, l’échange entre élèves et le dialogue avec l'adulte, l’absence de jugement et de notation, favorisent une réelle communication fondée sur une non moins réelle réflexion métalinguistique, d’autant plus sécurisée que l'objectif manifeste n'est pas de recevoir et de restituer un savoir constitué, mais de se confronter à ce savoir avec le soutien des autres. Un outil de “correction de texte” au Cours préparatoire Dans ce CP , en rupture avec les pratiques encore domi- nantes, l'écrit s'apprend par l'activité langagière : on apprend à lire dans des albums de littérature de jeunesse et en produisant des textes. L'apprentissage du code n’accapare pas toute l’atten- tion, ne suit pas une pseudo-progression grapho-phonologique, mais découle de celle qu'imposent les écrits rencontrés. Le lien ainsi établi dès le début entre lec- ture et production, entre code et orthographe, assure un fondement solide aux apprentissages ultérieurs. Une entrée immédiate dans toutes les dimensions de l’orthographe L’orthographe du français est un plurisystème articulant dimension phonogra- phique et dimension sémiographique (Catach, 1990 ; Jaffré, 1997b). Si la pre- mière est évidemment étudiée comme partout, la seconde n’est pas reportée à plus tard comme c’est souvent le cas. La production écrite confronte d’emblée les élèves à l'existence des morphogrammes lexicaux et grammaticaux (chat, ils aiment). Le répertoire devient un outil plus intelligent : les mots, inscrits dans l'ordre des rencontres, sont complétés par ceux de la famille, ce qui facilite la mémorisation de la partie invariante (chat, chaton, chatte, chatière). Le système morphosyntaxique n’est pas laissé de côté : les noms sont notés avec détermi- nants et marques (un chat, des chats), les verbes avec formes et contextes (le chat aime, il aime, les chats aiment, ils aiment, aimer). Liée au vécu de classe, cette L e s D o s s i e r s d e s S c i e n c e s d e l ’ E d u c a t i o n 91 Danièle COGIS, Michelle ROS n°9 / 2003 / L’orthographe, une construction cognitive et uploads/Management/ cogis-ros-2003-les-verbalisations-me-tagraphiques.pdf

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  • Publié le Sep 21, 2022
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