Les cahiers de l’asdifle, 2011, n°23, 37-46 1 Comment évaluer les compétences e
Les cahiers de l’asdifle, 2011, n°23, 37-46 1 Comment évaluer les compétences en français académique d’étudiants non francophones souhaitant poursuivre leurs études en France ? Dominique CASANOVA, Chambre de commerce et d’industrie de Paris (France) Frédérique ARTUS, Marc DEMEUSE, Université de Mons (Belgique) Marielle MARÉCHAL, Université de Liège (Belgique) INTRODUCTION La part des étudiants étrangers dans l’enseignement supérieur français est en constante augmentation depuis 1998. La plupart de ces étudiants suivant, en France, leurs enseignements en français, la maîtrise de la langue française est un facteur qui contribue inévitablement à leur possible réussite universitaire. C’est la raison pour laquelle un niveau minimal de compétence en langue française est en général exigé lors de l’accueil d’étudiants non francophones à l’université. Cependant, la plupart des tests standardisés permettant d’évaluer le niveau de compétence en langue française des étudiants s’appuient sur des situations de communication de la vie sociale. Si de tels tests permettent d’estimer dans quelle mesure les compétences langagières d’un candidat sont favorables à son insertion sociale, on peut s’interroger sur leur capacité à rendre compte des compétences langagières spécifiques qui doivent être mobilisées dans l’exercice du métier d’étudiant. En effet, « le milieu académique (de l’université ou de l’enseignement supérieur) génère des discours très spécifiques, très typés, et en même temps très divers (du syllabus aux énoncés d’examens en passant par l’ouvrage scientifique) » (GLORIEUX et al. 2006 : 101) et les situations d’enseignement et d’examen nécessitent, de la part des étudiants, la mobilisation de compétences langagières, stratégiques et méthodologiques spécifiques. Cette complexité langagière concerne tout autant les étudiants francophones (DELFORGE 2002). Une expérimentation menée à Liège auprès d’étudiants francophones, dans le cadre de la sélection des étudiants en médecine, a permis de montrer que les résultats à trois épreuves mobilisant des compétences en langue française étaient corrélés aux résultats aux partiels de janvier des étudiants, et de constater que « plus les sous-tests sont dégagés du caractère scolaire au sens strict, plus ils intègrent des compétences dépassant les sous-systèmes de la langue, plus ils sont proches de la réussite académique. » (GLORIEUX et al. 2006 : 105). Ces constats montrent que l’emploi régulier et efficace d’une langue dans les situations courantes de la vie sociale (il s’agit ici, en l’occurrence, de la langue maternelle des étudiants) n’est pas une garantie de la capacité de l’étudiant à traiter correctement les discours universitaires pour la réalisation de tâches académiques qui requièrent la mise en œuvre de compétences spécifiques, notamment sur le plan stratégique (processus cognitifs et métacognitifs). Il semble donc opportun, lors de l’évaluation en langue française d’étudiants non francophones désireux de poursuivre leurs études en France, de les placer dans des situations qui nécessitent la mobilisation de compétences langagières et stratégiques semblables à celles qui peuvent être exigées à l’université pour s’assurer que leur capacité à communiquer en langue française ne sera pas un obstacle majeur à la poursuite de leurs études. C’est à cette fin que la Chambre de commerce et d’industrie de Paris a élaboré, en collaboration avec l’Institut des langues vivantes de l’Université de Liège et avec l’Université de Mons, une épreuve écrite académique, qui consiste en un résumé d’un texte scientifique (DEMEUSE et al. 2010). Les cahiers de l’asdifle, 2011, n°23, 37-46 2 THÉORIE Les compétences « langagières » essentielles à la réussite universitaire En Belgique, pays où le baccalauréat n’existe pas et où l’accès des ressortissants nationaux à l’université s’effectue dans la continuité des études secondaires, des études ont été menées auprès de plusieurs facultés pour identifier quels étaient les « pré-requis1 » nécessaires à l’entrée des études universitaires (ROMAINVILLE et al., 2006). Les enseignants ont souligné « l’importance de savoir lire et comprendre un texte de niveau universitaire » pour aborder la première année à l’université. L’enquête menée par DEFAYS & MARECHAL (1997) auprès d’enseignants de l’Université de Liège, pour identifier les principales sources de handicap selon eux liées à la maîtrise de la langue française, évoque plus spécifiquement « l’imprécision du vocabulaire, le manque de sélection entre l’essentiel et l’accessoire, le désordre dans les idées, les phrases mal articulées, les maladresses dans l’expression, la mauvaise structuration du texte et enfin le manque d’entraînement à la lecture d’un certain niveau de langue ». L’évaluation conçue, dans le travail relaté par ROMAINVILLE et al. (2006), pour mesurer les acquis des étudiants de première année a par ailleurs montré que « les étudiants maîtrisent relativement correctement la compréhension ponctuelle de parties de texte, mais éprouvent beaucoup de difficulté à mettre en relation plusieurs éléments d’un texte pour dégager de façon précise le sujet tel qu’il est problématisé dans le texte-source ». Elle a également permis de mettre en évidence des corrélations significatives des résultats au test avec les résultats académiques des étudiants. Encore une fois, on voit que le traitement des écrits universitaires nécessite, y compris pour les étudiants francophones, la mise en œuvre de compétences stratégiques différentes ou mobilisées différemment que dans des situations de la vie courante. Sur le plan de la production écrite, MANGIANTE & PARPETTE (2011 : 124) soulignent que « les diverses productions écrites des étudiants constituent dans une large mesure une réécriture des discours disciplinaires dispensés par les enseignants ». Ce travail peut être entrepris tout au long de l’année par les étudiants qui mettent au propre leurs notes prises dans le cadre de cours magistraux ou à partir d’articles, de livres ou de polycopiés (constitutions de fiches, de résumés), ou à l’occasion des examens qui placent souvent, les premières années, les étudiants dans une situation de restitution du cours. L’activité de résumé de textes scientifiques Le résumé d’un texte scientifique est une activité intégrée qui mobilise les processus évoqués dans la section précédente. En effet, il ne s’agit pas de rédiger une production écrite spontanée à partir d’une situation simple qui sert de déclencheur, mais bien de traiter un texte, c’est-à- dire d’être capable de le comprendre, d’en retirer les points essentiels et de les restituer en prenant soin de produire un nouveau texte, rédigé, objectif et structuré. 1 « Nous avons rassemblé sous l’étiquette « prérequis » toute connaissance ou compétence s’avérant cruciale pour la maîtrise d’un cours et qui est considérée comme devant être acquise préalablement à l’entrée des études universitaires ou comme devant être acquise au cours de ces études indépendamment d’un enseignement systématique et explicite. » (Romainville et al., 2006, p.29) Les cahiers de l’asdifle, 2011, n°23, 37-46 3 Selon FAYOL (1978), l’activité de résumé implique la sélection des éléments indispensables au maintien des idées d’un texte source qui sont à conserver et, la suppression des éléments les plus accessoires. Pour MANDIN (2009 : 35-36), résumer est une tâche complexe qui nécessite, au niveau sémantique, de hiérarchiser en mémoire, par ordre d’importance, les différentes idées exprimées par l’auteur. Elle définie l’activité de résumer comme « la formulation des idées perçues dans le texte source et appartenant à un haut niveau hiérarchique […] et des liens qu’elles entretiennent entre elles ». On perçoit là la double dimension de l’activité de résumé, qui s’appuie sur une compréhension approfondie du texte source, au cours de laquelle une macrostructure du texte est élaborée, pour parvenir à la rédaction d’un texte nouveau, reflet de la macrostructure, au moyen de macrorègles de condensation (VAN DIJK et KINTSCH 1983). Au-delà de ces macrorègles, l’activité de rédaction mobilise les processus rédactionnels habituels de planification, la transcription et la révision. Dans le cas d’un texte scientifique, dont la complexité de traitement augmente les difficultés de compréhension, l’activité de résumé s’apparente à une situation de résolution de problème, dans laquelle le processus de planification est prépondérant. L’activité de résumé est donc une activité complexe par les compétences qu’elle exige tant en compréhension qu’en production d’écrit. Pour le candidat dont le français n’est pas la langue maternelle, s’ajoutent à cette complexité les difficultés de compréhension et de rédaction en langue étrangère. L’activité de résumé en langue seconde Plusieurs recherches confirment le fait que les adultes écrivant en L2 s’appuient sur leurs compétences en L1, et particulièrement sur des compétences d’ordre stratégique qui concernent l’élaboration des objectifs de la tâche, l’organisation des idées, ainsi que le contrôle et l’évaluation des performances. Cela renforce l’idée d’un bagage « de compétences rédactionnelles générales pouvant être mises en œuvre quelle que soit la langue utilisée » (BARBIER, 2003 : 10). CUMMING et al. (1989) ont comparé les stratégies de résolution de problèmes mises en œuvre par un groupe de 14 étudiants anglophones étudiant le français qui ont eu à lire et à résumer des textes difficiles en langue anglaise et en langue française. Ils ont constaté qu’au niveau individuel, les étudiants avaient utilisé des stratégies semblables dans les deux langues, tant lors de la lecture que de l’écriture. En revanche, les stratégies ont varié selon le niveau d’expertise déclaré des étudiants en lecture en langue maternelle, alors que l’usage de stratégies de résolution de problèmes n’a pas semblé dépendre du niveau en L2 (débutants et intermédiaires). L’analyse des rapports verbaux montre que les processus de réflexion sont les mêmes dans uploads/Management/ comment-evaluer-les-competences-en-francais-academique-d-x27-etudiants-non-francophones-souhaitant-poursuivre-leurs-etudes-en.pdf
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- Publié le Fev 22, 2022
- Catégorie Management
- Langue French
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