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Communication Information médias théories pratiques Sommaire - Document précédent - Document suivant Vol. 27/2 | 2010 Articles Une éthique du discours médiatique est-elle possible ? Patrick Charaudeau p. 51-75 Résumés L’article consiste en une réflexion sur le positionnement énonciatif de l’instance médiatique et ses incidences éthiques. Après une problématisation articulant l’analyse des discours, l’auteur propose une réflexion à propos de ce que pourrait être une éthique des médias et de la recherche sur les médias. This article offers an insightful reflection on the enunciative positioning of media discourse and its ethical implications. In problematizing further the question of media discourse, the author proposes what could be an ethics for the media and media research. El artículo consiste en una reflexión sobre el posicionamiento enunciativo de la instancia mediática y sus incidencias éticas. Después de haber presentado la problemática del análisis de los discursos, el autor propone una reflexión de lo que podría ser una ética de los medios de comunicación y la investigación sobre dichos medios. Entrées d’index Mots-clés : analyse du discours, éthique, média, positionnement énonciatif Keywords : discourse analysis, enunciative positioning, ethics, media Plan Société et domaines d’activité Le dispositif communicationnel et les contraintes discursives dans l’espace public Le dispositif et le contrat médiatique Les contraintes discursives de l’énonciation journalistique Les contraintes du récit Les contraintes de l’explication Les contraintes du débat public Dérives et désinformation de la machine médiatique Les responsabilités de la machine médiatique Les responsabilités du discours journalistique Une éthique des médias est-elle possible ? Qu’est-ce que l’éthique ? Les combinaisons Conviction/Responsabilité Les médias et l’éthique Haut de page Texte intégral 1Pour pouvoir répondre à une telle question, il convient d’examiner quelles sont les conditions de réalisation de ce discours, quelle place il occupe dans les pratiques sociales, quelles sont ses contraintes et quelles sont ses possibles stratégies de mise en scène. 2Seront donc envisagés ici, et successivement, les domaines d’activité qui structurent la société, le dispositif et les contraintes propres au discours médiatique d’information, enfin, les dérives auxquelles il se livre, engageant ainsi sa responsabilité. C’est alors que pourra être posée la question de l’éthique au regard de ce que sont les caractéristiques de ce type de discours. Société et domaines d’activité 3Une société est comme une fourmilière (ou une ruche) organisée en divers secteurs d’activité qui se définissent selon leur but, la répartition des statuts et des rôles des acteurs qui s’y trouvent et les rapports d’influence qui s’instaurent entre eux. Voici donc une vue d’ensemble de quelques-unes des sphères qui structurent la vie sociale : la sphère politique, la sphère économique, la sphère médiatique, la sphère judiciaire, la sphère éducative, la sphère scientifique, la sphère religieuse. Figure 1 Agrandir Original (jpeg, 156k)  1 En l’occurrence, le religieux fait partie du culturel. 4Ces sphères interagissent plus ou moins les unes avec les autres, selon les types de société (aux États-Unis, les rapports économie/politique sont différents de ceux d’autres pays européens), les époques (le poids de l’économie et des médias n’a pas toujours été le même), les cultures1 (du Nord, du Sud, protestantes, catholiques, juives et islamistes). 5Chacune de ces sphères d’activité fonctionne selon une double logique : une logique symbolique, qui définit le but idéal vers lequel doit tendre toute l’activité ; une logique pragmatique, qui détermine un ensemble de comportements et de règles plus ou moins institutionnalisés pour atteindre ce but. Par exemple, la sphère économique fonctionne selon une double logique : celle idéale du profit sur le marché d’échange des biens de consommation, celle pragmatique de la gestion du travail cherchant la meilleure rentabilité. Cette double logique n’est pas la même que celles qui définissent les sphères politique, juridique ou éducative. 6Quant à la sphère médiatique, elle fonctionne selon une logique symbolique qui est de s’inscrire dans une finalité démocratique en se mettant — idéalement — au service de l’opinion publique et de la citoyenneté en l’informant sur les événements qui se produisent dans l’espace public et en contribuant au débat social et politique par la mise en scène de la confrontation des idées ; elle fonctionne également selon une logique pragmatique de captation du public, car pour pouvoir survivre, tout organe d’information doit tenir compte de la concurrence sur le marché de l’information, ce qui l’amène à tenter de s’adresser au plus grand nombre en mettant en œuvre des stratégies de séduction qui entrent en contradiction avec le souci de bien informer. On voit déjà là la contradiction dans laquelle se trouve le discours médiatique. Le dispositif communicationnel et les contraintes discursives dans l’espace public 7Dans toute sphère sociale, cette double logique est mise en scène à travers un certain dispositif qui détermine un certain « contrat de communication » et certaines contraintes discursives. Mais avant de décrire les spécificités de chaque dispositif et contrat de communication, il convient de constater que du seul fait de se trouver dans un espace public, les différents dispositifs ont des caractéristiques communes :  une instance de production qui représente toujours une entité collective, même quand elle se trouve configurée par une personne en particulier : une entité politique derrière tel homme ou telle femme politique ; une entité commerciale derrière telle affiche publicitaire ; une entité éducative derrière tel professeur, etc. Cette instance de production est légitimée par une norme sociale qui dit son droit, ici à vanter un produit (pour faire acheter), là à vanter un projet politique (pour faire voter), là encore à transmettre du savoir (pour instruire). Elle agit de façon volontaire, ce qui l’oblige à faire preuve de crédibilité ;  une instance de réception qui représente, sous des configurations diverses, un public, non homogène, composite et non captif à priori. C’est pourquoi l’instance de production doit construire ce public en destinataire cible, plus ou moins segmenté, qui est présenté comme bénéficiaire d’un bien futur s’il se laisse persuader, séduire ou instruire. D’une façon ou d’une autre, l’instance cible est placée en position de devoir croire qu’elle peut être l’agent d’une quête qui lui sera bénéfique. 8De ces caractéristiques communes, il s’ensuit un certain nombre de contraintes discursives, elles aussi communes aux dispositifs qui se trouvent sur la scène publique, dont la principale est la contrainte de simplicité. Car s’adresser à un public, c’est s’adresser à un ensemble d’individus hétérogènes et disparates du point de vue de leur niveau d’instruction, de leur possibilité de s’informer, de leur capacité à raisonner et de leur expérience de la vie collective. L’instance de production doit donc chercher quel peut être le plus grand dénominateur commun des idées du groupe auquel il s’adresse, tout en s’interrogeant sur la façon de les présenter : il lui faut simplifier. Simplifier la langue en usant d’une syntaxe et d’un vocabulaire simples ; simplifier le raisonnement, ce qui conduit l’orateur à abandonner la rigueur de la raison au profit de sa force de persuasion ; simplifier les idées en mettant en exergue des valeurs qui puissent être partagées et surtout comprises par le plus grand nombre. Évidemment, simplifier n’est pas toujours aisé et comporte surtout un risque, celui de réduire la complexité d’une pensée à sa plus simple expression, et donc à son dévoiement. Le dispositif et le contrat médiatique 9Le contrat médiatique a été décrit dans mon ouvrage sur le discours d’information (Charaudeau, 2005a) et donc, je me contenterai d’en rappeler les données essentielles. L’information médiatique est déterminée par un dispositif dont les caractéristiques sont les suivantes :  une instance de production composite comprenant divers acteurs (journalistes, rédacteurs en chef, direction de l’organe d’information, etc.) ayant chacun des rôles bien déterminés, ce qui rend difficile l’attribution de la responsabilité des propos tenus. Cette instance se définit globalement à travers cinq types de rôles qui englobent tous les autres : de chercheur d’informations, ce qui conduit cette instance à s’organiser pour aller aux sources de ces informations (réseau avec les agences de presse, correspondants de terrain, envoyés spéciaux, relais d’indicateurs) ; de pourvoyeur d’informations, ce qui l’amène à sélectionner l’ensemble des informations recueillies en fonction d’un certain nombre de critères ; de transmetteur d’informations, ce qui la conduit à mettre en scène les informations sélectionnées en fonction d’un certain nombre de visées d’effet, et en jouant sur des manières de décrire et de raconter ; de commentateur de ces informations, ce qui l’amène à produire un discours explicatif tentant d’établir des relations de cause à effet entre les événements (ou les déclarations) rapportés ; enfin, de provocateur de débats destinés à confronter les points de vue de différents acteurs sociaux ;  une instance de réception, elle aussi composite, mais sans détermination de rôles spécifiques, ce qui la rend on ne peut plus floue. Elle est difficile à saisir, ce qui n’empêche pas l’instance médiatique de tenter de la cerner à grands coups de sondages et d’enquêtes. Dès lors, l’instance cible devient une construction imaginée à partir des résultats de ces sondages, mais surtout à partir d’hypothèses sur ce que sont les capacités de compréhension du public visé (cible intellective), ses intérêts et ses uploads/Management/ communication-charaudeau-article 1 .pdf

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  • Publié le Jui 13, 2022
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