CONTROLE DE GESTION SOCIALE Les indicateurs sociaux : du contrôle de gestion au
CONTROLE DE GESTION SOCIALE Les indicateurs sociaux : du contrôle de gestion aux développements récents du pilotage et du reporting Gérard Naro, professeur des universités, Institut des sciences de l'entreprise et du management (ISEM), université de Montpellier I La mesure sociale, traduite par la mise en œuvre d'indicateurs sociaux, ne constitue pas une problématique récente. Elle s'inscrit dans une longue quête, depuis les expérimentations en matière de comptabilisation des ressources humaines durant les années 1960 aux États-Unis sous la direction d'Éric Flamholtz (voir note 1) jusqu'aux approches récentes de mesure du capital humain, développées notamment dans les pays scandinaves. En France, la législation sur le "Bilan Social" mise en œuvre à partir de la fin des années 1970, a donné une forte impulsion à la recherche d'indicateurs sociaux. Le contrôle de gestion sociale s'est ainsi fortement développé au sein des entreprises comme un système de contrôle à part entière. Aujourd'hui, la reconnaissance des ressources humaines comme sources de création de valeur et d'avantage concurrentiel a donné lieu à une prise en compte croissante des indicateurs sociaux dans les modèles de contrôle de gestion. De même, avec l'émergence des concepts de responsabilité sociale de l'entreprise et de développement durable, les entreprises sont aujourd'hui amenées à produire des indicateurs sur leur gestion sociale. La présente communication traite en premier lieu de l'utilisation des indicateurs sociaux dans le cadre du contrôle de gestion sociale (I). En second lieu, elle s'ouvre sur les développements récents du contrôle de gestion offrant de nouvelles perspectives dans l'utilisation d'indicateurs sociaux (II). Page 1 sur 32 CONTROLE DE GESTION SOCIALE Les indicateurs sociaux et leur utilisation dans le cadre du contrôle de gestion sociale Le contrôle de gestion sociale : objectifs et problématiques Anthony et Dearden (voir note 2) définissent le contrôle de gestion comme "un processus par lequel les managers s'assurent que les ressources sont obtenues et utilisées avec efficacité et efficience dans l'accomplissement des buts organisationnels". À ce titre, les ressources humaines constituent un objet de contrôle à part entière au sein des organisations. Généralement appelé contrôle de gestion sociale, ce contrôle porte sur l'ensemble des données et activités sociales de l'entreprise (recrutement, formation, communication, rémunération…). Pour Martory, "le contrôle de gestion sociale est une des composantes et une des extensions du contrôle de gestion. C'est un système d'aide au pilotage social de l'organisation ayant pour objectif de contribuer à la gestion des ressources humaines dans leurs performances et leurs coûts" (voir note 3) Même s'il existe de nombreuses similitudes, notamment au niveau des indicateurs utilisés, il convient de distinguer le contrôle de gestion sociale de l'audit social. Ce dernier correspond davantage à un état des lieux instantané d'une situation sociale. Il peut s'agir d'une recherche de conformité avec les règles (législation sociale, procédures en vigueur dans l'entreprise…) dans le cadre de l'audit légal, ou encore, d'une recherche de cohérence entre les pratiques et politiques RH et la stratégie de l'organisation, dans le cadre d'un audit stratégique, par exemple. Le contrôle de gestion sociale procède lui, d'un contrôle permanent à des fins de pilotage social et de mesure des performances sociales de l'entreprise. Il comprend notamment les deux dimensions essentielles qui seront traitées dans cette communication (voir note 4) : le reporting social : il consiste à rendre compte à la hiérarchie des données sociales, des actions et résultats concernant les salariés dans les différents centres de responsabilité. On parlera alors d'un reporting interne. Il peut s'agir spécifiquement pour la fonction RH, d'une remontée d'information depuis les diverses directions des ressources humaines décentralisées au niveau des établissements ou filiales de l'entreprise, vers la DRH du groupe. Plus généralement, le reporting social peut être inclus dans le reporting comptable et financier du groupe. Dans ce cadre, les entreprises, et plus spécifiquement les grands groupes, organisent une remontée d'information périodique (souvent trimestrielle) depuis les unités décentralisées (leurs divers centres de profit), jusqu'au sommet stratégique (le siège social). Les indicateurs sociaux figurent alors parmi un ensemble d'indicateurs et d'informations, généralement à vocation financière et commerciale. Au-delà Page 2 sur 32 CONTROLE DE GESTION SOCIALE du reporting interne, le reporting peut être externe et consiste alors à rendre compte aux parties prenantes de l'entreprise (investisseurs, représentants du personnel, analystes financiers…) des données sociales de l'entreprise. Si le bilan social peut-être considéré comme un document de reporting externe (voir note 5) , aujourd'hui, notamment dans le cadre de la loi sur les Nouvelles Régulations Économiques, les entreprises sont de plus en plus amenées à communiquer une information de nature sociale, en direction d'un ensemble élargi de parties prenantes ; le pilotage social : il s'agit de permettre aux cadres RH et aux manageurs de suivre, en toute autonomie, de façon régulière et selon une fréquence adaptée aux délais décisionnels, les données opérationnelles et stratégiques de gestion des ressources humaines dont ils ont la responsabilité. Ce pilotage s'exerce au moyen de tableaux de bord, documents synthétiques, composés d'une série d'indicateurs volontairement peu nombreux, mais pertinents vis-à-vis du niveau de responsabilité et du contexte décisionnel de l'utilisateur. Là encore, s'il existe des tableaux de bord sociaux, exclusivement dédiés à la fonction RH, les indicateurs sociaux peuvent également figurer parmi l'ensemble des indicateurs (financiers, commerciaux, de production…) des responsables opérationnels ou des dirigeants. Notons que le contrôle de gestion sociale n'est pas l'apanage de la seule direction des Ressources Humaines. La mise en place d'indicateurs et de tableaux de bord sociaux peut se faire au niveau de la direction Générale, dans le cadre d'un tableau de bord stratégique par exemple, comme nous le verrons avec le Balanced Scorecard (Cf. partie 2), mais aussi au niveau de tous les centres de responsabilité de l'entreprise : les fonctions (marketing, finance, production, …), les établissements, usines, ateliers…À partir du moment où un cadre fonctionnel ou opérationnel, a sous sa responsabilité plusieurs collaborateurs, il devient pertinent d'inclure des indicateurs sociaux parmi ses indicateurs de gestion. De même, le reporting interne a pour objet notamment de permettre à la direction d'évaluer et de piloter l'ensemble des actions et résultats des unités décentralisées, et notamment, les variables concernant les ressources humaines. 1. Les Principaux Indicateurs sociaux Page 3 sur 32 CONTROLE DE GESTION SOCIALE Les indicateurs de gestion sociale seront abordés en fonction des différents domaines de la gestion des ressources humaines et de ses problématiques. 1.1. Les indicateurs économiques et financiers Il s'agit ici de mesurer la contribution économique des ressources humaines ou de la fonction RH. Les indicateurs les plus connus sont les indicateurs de productivité, indicateurs d'efficience, qui mettent en relation un indicateur de production évalué en volume ou en valeur et un indicateur de moyen humain (en volume ou en valeur). À cela, il convient d'ajouter des ratios financiers récemment apparus dans les pays anglo-saxons, notamment avec l'apparition d'indicateurs de performance financière, visant à apprécier la création de valeur pour l'actionnaire (EVA (voir note 6), MVA (voir note 7) …). Encadré 1 : Exemples d'indicateurs économiques et financiers Il convient d'appréhender ces ratios avec beaucoup de prudence. Notamment, concernant la productivité du travail. Les statisticiens de l'INSEE, n'hésitent pas à employer le terme, fort pertinent, de "productivité apparente du travail". En effet, la productivité, ne doit pas être uniquement envisagée sous l'angle purement mécanique et quantitatif d'un ratio consistant à diviser un volume de produits par les effectifs. Bien plutôt, entre en jeu tout un ensemble de facteurs qualitatifs, souvent intangibles : les modes d'organisation, la qualité des coordinations entre équipes, la compétence des salariés, etc. L'utilisation des ratios de productivité, en tant que "benchmarks" entre plusieurs établissements, doit être maniée avec précaution (voir note 8). Réduire le dénominateur, si cela permet d'obtenir Page 4 sur 32 CONTROLE DE GESTION SOCIALE une réduction des coûts à court terme, ne conduit pas toujours à accroître les performances globales et la productivité. Les compétences stratégiques, les savoirs accumulés par apprentissage au cours des années, peuvent disparaître. Le climat social, et notamment l'implication des salariés restants, peuvent se dégrader. Mais surtout, on oublie trop souvent que face à une dégradation de tels ratios, la solution peut aussi être envisagée "par le haut", en augmentant le numérateur. Cela passe par l'innovation produit, le développement de nouvelles activités…et relève de l'analyse stratégique. Ces remarques soulignent à quel point un même indicateur de gestion, quel qu'il soit, peut donner lieu à plusieurs interprétations et conduire à des conclusions multiples, notamment selon l'intérêt et la stratégie des utilisateurs et des parties prenantes auquel il s'adresse. Les indicateurs de gestion, ne nous sont pas donnés a priori, ils ne sont que des construits sociaux, contingents à un contexte d'utilisation et un horizon temporel. Ils dépendent également étroitement de l'analyste lui même, de ses processus cognitifs, sa formation, ses représentations et, tout particulièrement, de son positionnement vis-à-vis de telle ou telle partie prenante (actionnaires, direction, comité d'entreprise, etc.). 1.2. Les indicateurs structurels Ces indicateurs permettent notamment de caractériser la structure des effectifs et de l'organisation. Ils peuvent également servir de benchmark entre plusieurs centres de responsabilité. Encadré 2 : Exemples d'indicateurs structurels Page uploads/Management/ cours-de-controle-de-gestion-sociale.pdf
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- Publié le Sep 28, 2021
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