Du changement organisationnel Yvon Pesqueux To cite this version: Yvon Pesqueux

Du changement organisationnel Yvon Pesqueux To cite this version: Yvon Pesqueux. Du changement organisationnel. 2015. <halshs-01235164> HAL Id: halshs-01235164 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01235164 Submitted on 28 Nov 2015 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. Le changement organisationnel - Yvon PESQUEUX 1 Yvon PESQUEUX CNAM Professeur titulaire de la Chaire « Développement des Systèmes d’Organisation » 292 rue Saint Martin 75 141 Paris Cédex 03 Tél 01 40 27 21 63 FAX 01 40 27 21 55 E-mail yvon.pesqueux@lecnam.net site web lirsa.cnam.fr Du changement organisationnel1 Le changement organisationnel est très souvent couplé avec l’apprentissage organisationnel, chacun des deux reposant l’un sur l’autre et les deux se renforçant mutuellement, l’apprentissage organisationnel constituant une forme deréceptivité au changement bien qu’il s’agisse de deux trajectoires différentes en termes de modélisation. Les référents conceptuels sont différents, comme on le verra avec le chapitre consacré à l’apprentissage organisationnel. Dans les deux cas, au regard des hypothèses de travail de ce livre, il est question d’action organisée. La démarche de changement est propice aux interactions, aux adaptations continues, aux remises en cause qui favorisent l’apprentissage en « double boucle » tel que le formalisent C. Argyris& D. A. Schön2. Elle permet à l’organisation de se développer, de modifier ses modes de fonctionnement pour en intégrer des nouveaux, compatibles avec sa culture, ses systèmes et ses structures. Introduction Le changement organisationnel est aujourd’hui envisagé comme une posture permanente. C’est le commentaire de ce poncif qui conduit à parler de « dérive organisationnelle »3 au lieu de changement, tout comme la « dérive » des continents serait pour nous, humains, quelque chose d’« inéluctable ». La dérive « est un changement imperceptible pour les contemporains. Elle consiste dans l’accumulation de changements minuscules et insignifiants par eux-mêmes, mais qui aboutissent à des résultats innovateurs, ce qui donne un sens rétrospectif à l’accumulation et la soustrait au hasard pur ». C’est une des définitions du changement4. La notion de « dérive » indique aussi l’idée d’une conceptualisation non finalisée, résultant d’un 1 Des éléments de ce texte on été repris de Y. Pesqueux& B. Triboulois, La « dérive » organisationnelle, L’Harmattan, collection « Dynamiques d’entreprise », Paris, 2004 2 C. Argyris& D. A. Schön, Organizational Learning : a Theory of Action Perspective, Addison Westley, Readings, 1978 3 Y. Pesqueux& B. Triboulois, La « dérive » organisationnelles, op. cit. 4 R. Boudon et al.,Dictionnaire de Sociologie, Larousse, Paris, 2003. Le changement organisationnel - Yvon PESQUEUX 2 empilement de conceptions successives et / ou coïncidentes. Par rapport à la notion de « dérive », le changement organisationnel se caractérise par une téléonomie implicite et / ou explicite. À partir du moment où tout est changement, il est peut-être important de se poser la question de savoir si ce ne serait pas nos catégories organisationnelles qui finalement « créeraient » du changement au point d’en faire une chose « normale ». Avant même le changement organisationnel, le changement politique est une des constantes du discours et des actes. R. Rezsohazy5 dégage d’ailleurs trois modalités majeures du changement politique : la voie de la conservation (manifestation politique de la résistance au changement), la voie des réformes (dans laquelle les réformateurs ont recours à des moyens d’action admissibles, légaux, pacifiques sans pour autant exclure le conflit) et la voie de la révolution (processus de changement en dehors des cadres légaux, recours à la violence, élimination de l’adversaire). Des notions telles que crise, projet se retrouvent là aussi. De façon plus large, M. Lallement6 puis E. Chiapello7 parlent de « nébuleuses réformatrices », le premier à propos des mouvements réformateurs de la fin du XIX° et du début du XX° siècle et la seconde pour fonder la tension qu’elle met en avant entre des nébuleuses réformatrices apparues successivement (la même nébuleuse réformatrice que le premier auteur qualifiée de « critique conservatrice », la critique sociale – des années 1930 aux années 1960, la critique artistes des décennies 1970 et 1980 et la critique écologique à partir du début des années 2000), nébuleuses constitutives d’un contexte de changement.Les fondements culturels de la représentation du changement ont une influence importante sur sa mise en oeuvre. Pour C. Castoriadis8, l’institutionnalisation tout comme l’institution de la temporalité trouveraient leur source dans un imaginaire social qui permet à la société de se rassembler autour d’un rapport au passé, au temps institué comme identitaire et au temps institué comme étant le présent. Les catégories du jugement de valeur sont liées à celles du jugement d’existence. La capacité au changement rapide, à la réactivité, la permanence d’une adaptabilité constante entraînentdes difficultés de toutes sortes : psychologiques, psychiques, cognitives et organisationnelles. Accepter le changement, c’est mettre en cause les routines organisationnelles donc le « bien-être organisationnel » existant. C’est en cela que le changement organisationnel interfère avec la problématique de l’identification et de l’identité car s’identifier au changement est impossible. La notion de résilience qui vaut tout autant sur le plan individuel qu’organisationnel est représentative de cette double problématique. De façon générale, il est possible d’affirmer que le concept de changement est présent dans de nombreuses disciplines. Il se réfère une théorie du temps dans la mesure oùil faut se référer à un avant… Parler de changement organisationnel, c’est appliquer cette perspective au champ des organisations, rendu spécifique des autres changements « à épithète », qu’il s’agisse de changement social, de changement politique ou de changement technologique. Parler de changement, c’est poser la question de la dualité « stabilité – changement » dans un flou terminologique où stabilité, permanence, immobilisme, inertie, rigidité, continuité, pérennité 5 R. Rezsohazy, Pour comprendre l’action et le changement politiques, Duculot, Bruxelles, 1996. 6 M. Lallement, « La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France, 1880-1914 » in C. Topalov (Ed.), Laboratoires du nouveau siècle, EHESS, Paris, 1999 7 E. Chiapello, « A propos des nébuleuses réformatrices », Le Monde, 16/6/2009 8 C. Castoriadis, L’institution imaginaire de la société, Seuil, collection « points – essais », n° 383, Paris, 1999, p. 310 et suivantes Le changement organisationnel - Yvon PESQUEUX 3 de même que changement, variabilité, amélioration, mouvement, modification, transition, mutation, métamorphose, hybridation, passage, transformation, adaptation, évolution, réforme, résilience, rebond, voire innovation se trouvent « con-fondus », sans compter la relativité radicale des deux concepts l’un vis-à-vis de l’autre, le premier exprimant plus ou moins un état là où l’autre exprime l’idée d’un processus ce qui, au nom du volontarisme managérial, ouvre l’idée d’un processus à conduire. Si l’on se focalise sur la notion de « transformation », évoquons, au regard de la racine du mot (« forme »), que la transformation peut aussi être information (ce qui justifiera toute la thématique du changement « informé » et la référence à une phase de transition), mais aussi « déformation », la transformation évoquant, sans préciser le sens, le passage d’une forme à une autre (plutôt de la mutation alors). Quand l’accent est mis sur l’information, la transformation relève de la conversion (d’une forme à une autre) ou encore de la transition au regard d’une situation existante. La conversion appartient aussi au champ lexical de la religion et la notion est porteuse d’une corrélation entre forme et fond. Quand on utilise les substantifs on peut ajouter le « difforme », résultat inattendu de la transformation mais résultat attendu de la déformation et débouchant sur l’informe, c’est-à-dire ce qui n’a pas de forme définie. La proximité du changement et de la transformation vaut que l’on s’y arrête aussi dans la mesure où le changement ne vaut pas forcément transformation (il peut y avoir changement sans transformation et transformation sans changement !), mais que la transformation vaut pour « mouvement ». Dans la perspective du changement organisationnel, le concept de stabilité se trouvera presque toujours relégué. Il n’existe que peu de travaux consacrés à la stabilité. La stabilité peut-elle être comprise comme du « non » changement et donc alors, peu ou prou, comme de l’immobilisme et le changement peut-il, pour sa part, être compris comme de l’instabilité du fait de l’incertitude qu’il engendre ? C’est ainsi que J. H. Meija Morelos9 parle de « demande de stabilité » au regard de la perspective d’un « ancrage de stabilité » qui se réfère à des « valeurs ». Il propose aussi de faire de la demande stabilité une capacité de gestion, rejoignant en cela les thématiques des capabilities et de l’agilité tout en distinguant une stabilité destructrice d’une stabilité constructive. L’apologie du changement qui est très souvent effectuée se construit contre la stabilité et la permanence considérées comme de l’inertie et non, comme uploads/Management/ du-changement-organisationnel-yvon-pesqueux.pdf

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  • Publié le Mar 25, 2022
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