1 2 L’écrit en FLE Travail du style et Maîtrise de la langue par Victor ALLOUCH
1 2 L’écrit en FLE Travail du style et Maîtrise de la langue par Victor ALLOUCHE et Bruno MAURER 3 L’écrit en FLE Travail du style et Maîtrise de la langue par Victor ALLOUCHE et Bruno MAURER 4 INTRODUCTION La nécessité d’apprendre à écrire aux élèves n’a pas de toute éternité - si tant est que l’éternité ait quelque chose à voir avec la temporalité didactique - constitué une évidence méthodologique, que ce soit en français langue maternelle ou en français langue étrangère. Pour ce qui est du FLM, la réflexion s’est longtemps cantonnée1 aux deux extrémités de la scolarité : en maternelle et au CP, les apprentissages de l’écriture se résumaient pour l’essentiel à la maîtrise du geste graphique, l’apprivoisement des graphies en lettres capitales, scripts et cursives ; s’il arrivait que l’on demande aux élèves de produire quelques phrases, c’était sans toujours une conscience claire de la nature des compétences visées et des objectifs à exercer. A l’autre bout de la chaîne, prenait place l’entraînement à la dissertation, activité d’écriture centrale dans les dispositifs d’évaluation et de certification du système scolaire français. Entre les deux, l’enfant était convié à « écrire » par le biais de sujets de rédaction : cent fois sur le métier, il remettait son ouvrage et finissait quelquefois, par répétition et imprégnation, par apprivoiser les modèles d’écriture que l’on attendait de lui, tant au plan syntaxique que textuel et discursif. En résumé, on apprenait parfois à écrire mais on ne l’enseignait pas : dans les représentations des enseignants, partagées par les élèves, le « don » occupait une place de choix. Cet « oubli » (ou cette « omission » ?) est d’autant plus massif que l’écrit est lié de manière quasi consubstantielle à l’univers scolaire. Y. Reuter (2006 : 133), dans une contribution précisant les usages possibles de J. Goody et du concept de littératie, reprend les analyses de cet auteur pour montrer comment école et écrit « sont inextricablement liés depuis leurs origines (d’où la difficulté de les séparer à des fins d’analyse) » (Goody, 1993/1994 : 191). Dans le même ordre de pensée, B. Lahire (1993 : 39) avance que « la forme scolaire de relations sociales est la forme sociale de ce que l’on peut appeler un rapport scriptural-scolaire au langage et au monde ». En ce qui concerne le FLE, le souci de l’enseignement/apprentissage de compétences de communication écrite est également récent. Cela s’explique par des considérations qui relèvent de l’histoire des méthodologies : les méthodes d’enseignement-traduction se souciaient peu de la production d’écrits, attendu que l’apprenant n’avait qu’à transcoder - de la façon la plus exacte et élégante qui soit - des mots, des phrases puis des textes déjà là. Un tel cadre était naturellement peu propice à des interrogations sur la part d’invention, de disposition et d’élocution (pour reprendre les catégories de la rhétorique classique) nécessaire à l’élaboration d’un texte. A cela s’ajoute que la référence linguistique d’un tel modèle, limité à une grammaire de phrase, interdisait toute préoccupation relative à des unités supérieures, relevant du texte. Les méthodes directes, puis les méthodes audio-orales et audio-visuelles ont affirmé avec force la priorité de l’oral sur l’écrit, et repoussé jusqu’à la fin des années 1970 la réflexion sur les compétences requises pour la rédaction de textes. Les approches communicatives, parce qu’elles mettaient l’accent sur l’importance des situations de communication, sur les stratégies des sujets et sur la nécessité d’adapter les 1 Disons, pour faire court, que le tableau qui se trouve ici brossé à grands traits est valable jusqu'au milieu des années quatre-vingt, période de l’arrivée, en FLM, des pratiques de production d’écrits centrées sur les typologies de textes ou d’écrits et venues presque directement de la réflexion née en FLE. 5 formes de discours aux différents paramètres situationnels, ont rendu indispensable une réflexion sur les spécificités de la chose écrite et permis de penser les conditions de son apprentissage. On s’est alors préoccupé de « types de textes », de « structures textuelles » et on a eu à cœur d’enseigner aux élèves à écrire et pas seulement de leur demander de le faire… Le travail que nous proposons se situe dans cette perspective : il repose sur un parti pris résolument optimiste, celui que l’on peut réellement enseigner à écrire à des élèves. Le pari n’est pas sans difficulté. La première partie sera une analyse des difficultés propres à l’activité d’écriture pour un sujet qui ne rédige pas dans sa langue maternelle. Il n’est pas non plus sans enjeux : la maîtrise de la communication écrite est requise dans bien des domaines d’emploi du FLE, notamment dans les situations formelles et professionnelles, qui composent une part importante des besoins langagiers des apprenants. Le travail que nous présentons est né d’un constat de manque : manque de réflexion sur certaines difficultés d’écriture propres aux apprenants de FLE et que les approches les plus circulantes ne permettaient pas de résoudre ; manque d’outils concrets, en termes d’activités et de séances, pour pallier ces difficultés. Tout enseignant de FLE sait bien que ses élèves peinent souvent à écrire des textes - une tâche trop importante, trop complexe, nécessitant la mobilisation de trop de compétences de niveaux différents - et que lui même rechigne à en proposer faute de savoir ensuite comment les évaluer. C’est que la nécessité de porter un jugement sur les productions de ses élèves le met ensuite dans l’embarras : évaluer n’est un acte pédagogiquement rentable que si, ensuite, on peut proposer des pistes de remédiation. Or, nous le verrons, si de telles solutions existent pour tout ce qui relève des niveaux dits macrostructurels (choix des formes de discours, organisation d’un plan), l’enseignant est tout à fait démuni pour traiter de phénomènes relevant de la mise en mots. Tout ce que l’on considère d’ordinaire comme « mal dit », que l’on qualifie de « lourd », que l’on saurait parfois réécrire soi-même pour l’améliorer mais que l’on se voit mal expliquer à ses élèves… Toutes ces petites erreurs qui, séparément, ne sont certes pas très graves mais qui, mises bout à bout, dénotent clairement que le français n’est pas la langue maternelle du scripteur… Il s’agit ici d’une syntaxe impropre ou d’un choix lexical malheureux, ailleurs d’une phrase mal balancée… Tous ces phénomènes, rapidement englobés dans une rubrique « style » aux contours très élastiques, sont peu travaillés et ne font presque jamais l’objet d’une réflexion didactique alors qu’ils représentent une part importante des difficultés d’écriture des apprenants de FLE. C’est précisément en cette matière que se situent nos apports, faisant le lien entre maîtrise de la langue et « correction » du style. L’ouvrage que nous proposons, à destination pratique, relève en lui-même de plusieurs genres : un analyste de la chose écrite le qualifierait sans doute d’objet écrit non identifié, entre essai sur les processus de production d’écrit, manuel de technique d’expression et réflexion illustrée sur le « bon usage » en matière d’écrit… Qu’importe ? Eclectisme et pragmatisme : tels sont les maîtres mots de ce travail que nous souhaitons avant tout utilisable par tous… 6 1. DE QUELQUES DIFFICULTES D'ENSEIGNER/APPRENDRE A ECRIRE EN FLE Apprendre à écrire est un acte complexe fait de mises en situation et de moments d’analyse, de réflexivité. L’apprentissage de l’écriture s’étale sur l’ensemble de la scolarité en FLM. Les premières sensibilisations se font aujourd’hui dès l’école maternelle, par le biais d’activités de lecture visant au dégagement de modèles textuels simples, à la découverte des régularités de certains types d’écrits ; les dispositifs de dictée à l’adulte permettent d’engager très tôt l’élève dans une véritable production de textes, avec le concours d’un adulte mettant à disposition ses compétences graphiques. Pour autant, et en dépit de la place accrue de l’écrit dans la didactique du FLM, tous les élèves ne sortent pas du système scolaire avec une bonne maîtrise de l’écriture. C’est dire les difficultés de la tâche, qui tiennent à des facteurs cognitifs mais également sociaux et culturels. Notre propos n’est pas de reprendre l’analyse de ces problèmes pour, après d’autres, esquisser des solutions, mais de pointer quelques éléments qui nous semblent plus particuliers aux apprenants de FLE confrontés à des tâches d’écriture, dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle. Un premier éclairage sera apporté sur le versant acquisitionnel (1.2. Du côté de l’apprenant), ensuite complété par l’analyse des réponses pédagogiques existantes (1.3. Du côté des pratiques d’enseignement). Mais, afin de mieux comprendre comment se pose aujourd’hui la question de la production d’écrit en FLE, nous nous interrogerons sur les raisons qui lui donnent une place qu’elle n’a sans doute jamais occupée (1.1. Problématique de l’écrit en FLE). 1.1. Problématique de l’écrit en FLE Différentes raisons d’ordre méthodologique conduisent à conférer à la production d’écrit en FLE une place croissante. Dimension pleinement communicative de l’écrit Aux méthodes structuro-globales audio-visuelles ont succédé dans les années 80 les approches communicatives. L’entrée dans la langue se fait par la prise en compte de situations de communications censées correspondre aux uploads/Management/ ecrit-en-fle-travail-du-style-et-mai-trise-de-la-langue.pdf
Documents similaires










-
39
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 30, 2022
- Catégorie Management
- Langue French
- Taille du fichier 1.3721MB