Stratégies d’enseignement de la communication à l’oral en L2 Claude Germain, Un

Stratégies d’enseignement de la communication à l’oral en L2 Claude Germain, Université du Québec à Montréal Joan Netten, Memorial University of Newfoundland (The English version is in preparation) En français intensif, qui est un nouveau type de régime pédagogique qui se situe dans le cadre de l’approche communicative (Netten et Germain, 2004), nous avons été amenés, au moment de le concevoir et de l’implanter dans des classes de 5e ou 6e année (élèves de 10 – 11 ans), à nous intéresser aux stratégies d’enseignement qui, en classe de français langue seconde (FL2), paraissent les plus susceptibles de contribuer au développement de la communication, tant à l’oral qu’à l’écrit. Mais, l’essentiel du présent article porte sur quatre stratégies éprouvées d’enseignement de la communication à l’oral (Germain, Netten et Movassat, 2004; Netten et Germain, 2005). Si l’on conçoit aisément qu’apprendre à communiquer oralement en L2 permet à l’élève d’interagir ou d’entretenir des conversations avec des locuteurs natifs et, ainsi, d’accéder à une autre culture, on ne semble pas se rendre compte, parfois, du rôle de l’oral dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Or, dans une perspective de développement de la littératie, sous-jacente au régime pédagogique du français intensif, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture est étroitement dépendant des compétences acquises tout d’abord à l’oral (Germain et Netten, 2005). C’est pourquoi, même si l’essentiel du présent article porte sur quatre stratégies d’enseignement de l’oral, il sera quand même question, lorsque cela paraîtra pertinent, des rapports entre l’enseignement de l’oral, d’un côté, et l’enseignement de la lecture et de l’écriture, d’un autre côté. Dans cette perspective, nous allons tout d’abord définir ce que nous entendons par stratégies d’enseignement. De plus, comme nos stratégies d’enseignement découlent de la façon dont on conçoit une langue et son acquisition, nous donnerons alors un aperçu de notre conception d’une langue et de l’apprentissage d’une L2 en milieu scolaire. Enfin, nous expliquerons les quatre stratégies d’enseignement de la communication à l’oral que nous préconisons dans le cadre du français intensif, et qui paraissent susceptibles de trouver des applications dans d’autres contextes : en français de base, en immersion, ou en Extended French. Définitions Par stratégies d’enseignement, nous entendons les actes concrets posés par l’enseignant, en salle de classe, afin de créer les conditions susceptibles de contribuer à l’apprentissage de la matière enseignée, en l’occurrence, le FL2. En français intensif plus particulièrement, les quatre stratégies d’enseignement que nous préconisons consistent, de la part de l’enseignant, à 1. modéliser des phrases authentiques, 2. faire utiliser plusieurs foisi les phrases modélisées, 3. inciter l’élève à faire des liens et 4. corriger et faire utiliser plusieurs fois les phrases corrigées (voir Tableau 1). La modélisation, de la part de l’enseignant, consiste à fournir à l’élève des exemples de phrases authentiques. Cela signifie donc que l’élève est exposé, dès le début de toute unité pédagogique ou thème, à des phrases authentiques de la langue en rapport avec la situation personnelle de l’enseignant, qui est ainsi impliqué dans son enseignement. C’est l’input langagier. L’utilisation à plusieurs reprises, de la part de l’élève, de phrases authentiques modélisées, centrées sur ses intérêts personnels et ses désirs de communication correspondent à l’output langagier nécessaire à l’acquisition d’une compétence implicite en L2. Cette dernière stratégie se présente sous trois formes : A. questionner pour faire utiliser, en les adaptant, les phrases modélisées, B. faire réutiliser la langue, centrée sur le sens, en interaction avec les élèves et en faisant interagir les élèves entre eux, et C. vérifier l’écoute, en interaction avec les élèves, pour faire réutiliser la langue de manière authentique. Quant à l’incitation à faire produire des phrases complètes, elle vise au développement de l’aisance (fluency), conçue comme la facilité avec laquelle l’élève peut faire des liens entre le message à transmettre et la structure langagière correspondante, entre cette dernière et la situation socioculturelle de communication, et entre les éléments langagiers entre eux (sur les plans phonologique, morphologique, syntaxique, lexical et discursif). Enfin, la correction par l’enseignant d’une phrase erronée, suivie d’une réutilisation immédiate par l’élève de la phrase corrigée et, par la suite, de nombreuses autres utilisations des phrases corrigées, en situation authentique, vise au développement d’une langue correcte qui soit la plus conforme possible à la langue cible : c’est la « précision linguistique » (accuracy). (Veuillez consulter le Tableau 1 à la page suivante). Ainsi définies, les « stratégies d’enseignement », observables dans une classe de L2, se caractérisent, d’une part, par leur spontanéité et leur dynamisme, et se distinguent, d’autre part, de ce qu’on appelle habituellement les « activités d’enseignement » qui sont planifiées et, de ce fait, peuvent figurer dans un programme d’études, un guide pédagogique ou un manuel, et relèvent donc davantage du plan curriculaire que du plan de l’enseignement proprement dit. Conception de la langue et de son acquisition Cette vision des stratégies d’enseignement découle, de fait, de notre conception de la langue et de son acquisition en milieu scolaire. En effet, en français intensif, l’accent est nettement mis sur l’utilisation de la L2 afin de la faire acquérir, à partir de cette conception qu’une langue est d’abord et avant tout une habileté et qu’une habileté se développe notamment par son utilisation. Dans cette perspective, le vocabulaire occupe une place secondaire : ce sont les phrases en situation qui sont privilégiés. C’est ainsi que les mots de vocabulaire et les structures langagières à faire acquérir ne sont pas pré-déterminés : ils sont formulés en terme de fonctions de communication (par exemple, « Comparer des membres de sa famille en fonction de l’âge » : Ma sœur est plus vieille que moi). Le vocabulaire est plutôt choisi en fonction des intérêts et des besoins de la communication de l’élève et fourni sur demande, comme on le verra plus loin. Tableau 1 Stratégies d’enseignement de la communication à l’oral en L2 BUT STRATÉGIES D’ENSEI- GNEMENT APPLICATIONS Input 1. Modéliser des phrases authentiques Donner des exemples de phrases authentiques, en rapport avec la situation personnelle de l’enseignant Output 2. Faire utiliser plusieurs fois les phrases modélisées, A. Questionner pour faire utiliser, en les adaptant, les phrases modélisées en les adaptant B. Interagir avec les élèves et les faire interagir entre eux ACQUISITION D’UNE COMPÉTENCE IMPLICITE C. Vérifier l’écoute, en interaction avec les élèves, en situation authentique ACQUISITI ON DE L’AISAN CE (habileté) 3. Inciter à faire des liens Faire utiliser des phrases complètes ACQUISITI ON DE LA PRÉCISION- HABILETÉ 4. Corriger et faire utiliser plusieurs fois les phrases corrigées Rétroagir spontanément : corriger et faire utiliser plusieurs fois les phrases corrigées Si l’on accepte cette conception d’une langue, se pose alors la question du mode d’acquisition de l’habileté à communiquer oralement dans une L2. Pour nous, une habileté langagière ne peut s’acquérir que par son utilisation. Autrement dit, même si cela pourrait sembler un truisme, on apprend à parler en… parlant. Pour développer une habileté langagière, il faut développer une compétence implicite (non consciente) plutôt que recourir à un savoir explicite (conscient) de la langue (Netten et Germain, 2005). C’est d’ailleurs ce qui distingue un savoir d’une habileté. Savoir et habileté sont deux entités distinctes, situées dans deux parties différentes du cerveau (Paradis 2004). Toutefois, contrairement à ce que l’on pourrait croire, un savoir explicite ne saurait se transformer en habileté, c’est-à-dire en compétence implicite : le conscient ne peut se transformer en non conscient. C’est ce qui fait que seule une compétence implicite (et non un savoir explicite) acquise à partir des modèles entendus peut devenir « automatique » (être « procéduralisée »), c’est-à-dire être utilisée de façon non consciente et spontanée, comme c’est le cas pour toute habileté. Pour que l’élève développe une aisance à communiquer, nous préconisons la production de phrases complètes. De plus, pour que la compétence implicite acquise soit la plus conforme possible à la langue cible, nous préconisons le recours, à l’oral, à la correction par l’enseignant d’erreurs commises par l’élève dans ses tentatives d’utilisation et de réutilisation de la langue en salle de classe. C’est ainsi que nous faisons une distinction entre acquisition d’une L2 et acquisition de l’aisance à communiquer. Par aisance, nous entendons l’habileté à mettre en relation avec facilité les diverses composantes de la communication (grammaticale et discursive, d’une part, fonctionnelle et socioculturelle, d’autre part) en situation réelle de communication. Dans cette perspective, nous considérons les hésitations, les pauses, les allongements vocaliques, les répétitions de mots ou de syllabes, etc. comme la simple manifestation externe d’un phénomène plus complexe sous-jacent : l’habileté à faire des liens, avec plus ou moins de facilité, entre les diverses composantes d’une communication, en situation réelle de communication (Germain et Netten, 2006). C’est pourquoi nous recommandons à l’enseignant de L2 de faire produire des phrases complètes, de manière à ce que l’élève arrive peu à peu à mettre en relation avec facilité et rapidité les diverses composantes de la communication (Gatbonton & Segalowitz, 2005). De cette manière, en produisant des phrases complètes (plutôt que de réciter par cœur des mots de vocabulaire hors contexte), l’élève pourra uploads/Management/ enseignement-de-la-communication-orale-l2-netten.pdf

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  • Publié le Mai 30, 2022
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