Pr. B. ESSLIMANI Matière: Management Interculturel Etude de cas : EADS, modèle

Pr. B. ESSLIMANI Matière: Management Interculturel Etude de cas : EADS, modèle de la gestion de la diversité culturelle EADS est le fruit d’une fusion internationale entre plusieurs entreprises européennes de nationalités distinctes. Cette compagnie a été créée le 10 juillet 2000, sous le haut parrainage des trois chefs de gouvernement de l’époque : José Maria Aznar pour l’Espagne, Lionel Jospin pour la France et Gerhard Schröder pour l’Allemagne. Dans les secteurs de la défense et de l’aéronautique, les intérêts nationaux jouent un rôle primordial. La dimension politique de cette fusion est d’ailleurs clairement affichée. Il s’agit de doter l’Europe d’un acteur mondial capable de concurrencer les grands groupes étrangers notamment américains. Dans les faits, trois sociétés sont regroupées : Aerospatiale Matra SA (France), Casa (Construcccionnes Aeronauticas SA, Espagne) et DASA [Daimler-Chrysler Aerospace AG, (filiale du groupe Daimler Chrysler), Allemagne], chacune d’entre elles détenant une position de leader sur son marché domestique. Avant la fusion, les trois partenaires se connaissent bien puisqu’ils ont déjà été amenés à collaborer par le passé sur de nombreux projets, notamment au sein des sociétés Airbus, Euromissile et Eurocopter. Les négociations n’en ont pas autant été simples. En effet, malgré une forte volonté politique et industrielle de réaliser l’opération (implication des représentants des trois gouvernements dans les négociations), la question de la répartition du pouvoir dans le nouvel ensemble a nécessité de nombreuses rencontres entre les partenaires concernés. Les interlocuteurs allemands craignaient notamment que le pouvoir exercé par l’Etat français sur le nouvel ensemble ne soit trop important. Au-delà des problèmes d’actionnariat, c’est la répartition des postes stratégiques du nouvel ensemble qui a été discutée, pour arriver finalement à un compromis basé sur la parité au sommet entre dirigeants français et allemands :  principe de codirection avec deux Présidents des deux nationalités : le Français Philippe Camus, l’ancien Président du Directoire d’Aérospatiale – Matra, et l’Allemand Rainer Hertrich, l’ancien Président du Directoire de Daimler-Chrysler Aerospace, DASA ;  répartition équitable des présidences des filiales et principales fonctions de l’entreprise, les dirigeants espagnols bénéficiant d’une place plus symbolique. Par exemple, le comité exécutif composé de onze membres comprend 5 Français, 5 Allemands et un Espagnol. Un Finlandais aux ressources humaines, puis un Américains (EADS North America) rejoindront le comité exécutif un peu plus tard. De même, les divisions opérationnelles Airbus et Espace sont dirigées par des Français, les divisions aéronautique et systèmes civils et de défense sont pilotées par des Allemands et la division Avions de transport militaire est confiée à un Espagnol. D’un point de vue géographique, le regroupement a mis en lumière le problème de localisation des centres de décisions, compte tenu de la position respective des partenaires. Cette question s’est révélée primordiale, dans la mesure où la qualité et le niveau de communication entre les sociétés dépendent fortement de la localisation géographique des activités. Ainsi, pour ménager les susceptibilités (les raisons fiscales ont aussi joué un rôle déterminant), EADS a établi son siège social en Hollande à Amsterdam et s’est constitué en société de droit néerlandais. Ce siège, sur un territoire neutre, est destiné à maintenir l’équilibre entre les acteurs impliqués. Les centres de décisions de la société se trouvent cependant à Paris (Directions de la Stratégie et du Marketing) et à Munich (Directions de la Finance et de la communication). Cette contrainte a naturellement freiné la communication directe entre les parties. Les contacts professionnels et les relations interpersonnelles ont dû être multipliés par contacts directs ou visioconférences. A cela s’ajoute l’existence de multiples lieux de production et d’assemblage, ce qui n’a pas facilité la coopération et a engendré une complexité logistique et organisationnelle. EADS dispose dès lors d’une structure matricielle, avec d’un côté une organisation par activité (Airbus, Eurocopter,…) et de l’autre une organisation par fonction (Finances, RH, Achats, Services juridiques, Marketing, International et Stratégie). Fin 2004, EADS comprend un effectif total de 110662 collaborateurs. La répartition des effectifs par pays est la suivante : France Allemagne Espagne Royaume-Uni Autre pays 42 807 38.7% 40 325 36.4% 8 435 7.6% 14 045 12.7% USA (2 166) Italie (734) Autres (2 150) Pr. B. ESSLIMANI Matière: Management Interculturel A l’instar de la répartition du capital de l’entreprise, les Français et les Allemands sont à peu près à parité et représentent à eux deux 75.1% de l’effectif global. Les recrutements intervenus depuis 2000 respectent d’ailleurs cet équilibre. Cependant, EADS est de plus en plus présent dans de nombreux pays, notamment aux Etats Unis (2 166 collaborateurs), au Brésil, en Finlande, en Inde, en Australie et en Chine. La variété de son effectif devrait donc s’accroître dans les années à venir. A ce titre, EADS vise une part de 30% de son C.A global en Asie en 2015. EADS, même si elle reste fortement marquée par ses racines européennes (salariés, achats et implantations majoritairement en Europe), entend devenir une entreprise mondiale. EADS, d’un autre côté, a adopté comme langue de travail une langue différente de celles de ses fondateurs, allemands, français et espagnols, à savoir l’anglais, qui dispose de l’avantage d’être reconnu comme la langue internationale des affaires, notamment celle des grands clients privés d’EADS. De fait, l’ensemble des communications officielles et des réunions est réalisé en anglais. Dès 2002, afin d’harmoniser les pratiques et les procédures RH, de nombreux chantiers d’intégration ont été instaurés. Au total, 80 personnes ont travaillé l’harmonisation de la gestion des ressources humaines au sein du Groupe. Pour cela, une quinzaine de chantiers ont été mis en place : « il s’agissait de travailler en petits groupes de 5-6 personnes issues des trois nationalités sur différents projets. Ainsi, le plan ESOP visant à offrir aux salariés de devenir actionnaires du Groupe, en vue de les fédérer autour d’un nouvel ensemble. Cette démarche fut cependant difficile à mettre en œuvre fait des écarts financiers entre les systèmes fiscaux français, allemand et espagnol dans une recherche d’équité. EADS a créé par ailleurs son université d’entreprise intitulée la CBA : Corporate Business Academy. Ses activités sont centrées sur la conception de programme de développement, avec pour objectif de mieux préparer les dirigeants actuellement en position de faire face à leurs missions, et d’identifier et de développer les dirigeants de demain. La mangement de la diversité, la recherche de performance, l’animation de réseaux internes, l’échange des bonnes pratiques et la fertilisation croisée entre les métiers d’EADS, la création d’une culture de leadership spécifique font partie des objectifs de la CBA. Par ailleurs, EADS tourne une page de son Histoire à l’occasion de l’Assemblée Générale Annuelle de 2005. Après cinq années passées à la tête de la coprésidence exécutive, les deux dirigeants Français et Allemands passent la main à d’autres managers du Groupe. Malgré un carnet de commandes bien rempli et un Groupe en ordre de marche et en plein essor, la réorganisation de l’équipe de direction est marquée par des conflits internes qui s’ébruitent à l’extérieur du Groupe (presse, médias). Ce passage de témoin laisse entrevoir des problèmes potentiels au sommet de la hiérarchie du Groupe. Après d’intenses discussions (plusieurs mois de négociations), EADS change d’organigramme, avec bien évidemment une coprésidence exécutive, française et allemande. Reste maintenant à savoir si les mois de tension qui ont précédé la conclusion de cet accord ne laisseront pas des traces sur la conduite du Groupe. Déjà, la presse allemande souligne que « le règlement de cette question de management n’a pas épuisé le potentiel de conflit chez EADS. La stratégie est aussi un thème qui divise Français et Allemands. Or le Groupe est confronté à plusieurs défis d’importance stratégique imposés par le marché et notamment par Boeing. Dans ce contexte particulier, l’acquisition potentielle du Groupe français « Thalès » a constitué une source supplémentaire de conflits entre les partenaires, les Allemands reprochant à cette opération de trop « franciser » le nouvel ensemble. Après huit mois de bataille au sommet d’EADS, Thomas Enders et Noel Forgeard, les deux directeurs généraux du Groupe de défense, jouent aujourd’hui l’apaisement. « Nous reconnaissons que nos caractères sont différents, nous avons des parcours différents, pas le même âge, nous sommes capables d’exprimer nos opinions, même différentes, sans leur donner un quelconque caractère émotionnel », rassure Forgeard. Les managers, interrogés sur les forces et faiblesses du Groupe, déclarent que la principale faiblesse est l’opposition entre les Français et les Allemands (lutte interne, conflits au sommet entre les actionnaires, divergences de vues). A l’inverse, la principale force d’EADS est le caractère interculturel du Groupe et notamment sa capacité à intégrer différentes nationalités et à gérer la diversité culturelle. La dimension culturelle est donc à la fois perçue comme l’atout majeur de l’entreprise et sa principale faiblesse comme en témoignent les citations suivantes : « Ces différences créent parfois des conflits. Au sein des équipes de management, on sent qu’on ne partage pas tous les mêmes objectifs, on n’est pas orienté sur les mêmes problématiques. Alors, c’est assez difficile de manager dans ce contexte mais en même temps, c’est très riche aussi. Cela évite de se laisser entrainer, ça permet de se remettre uploads/Management/ etude-de-cas-eads-mi-2022.pdf

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  • Publié le Dec 18, 2022
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